Intégrale Švankmajer à Paris : une invitation à découvrir de nouveaux univers
Le grand maître du cinéma surréaliste tchèque, Jan Švankmajer, fait l’objet d’une grande rétrospective au Forum des Images à Paris, alors que sort le 4 novembre en République tchèque son tout dernier film Survivre à sa vie. Isabelle Vanini est la programmatrice de l’événement qui se déroule du 22 au 31 octobre, elle explique l’origine de cette intégrale Švankmajer :
Vous dites que c’est un cinéaste immense, mais on a l’impression que parfois il est un peu oublié. Evidemment il y a des raisons historiques à cela : il a vécu derrière le rideau de fer. Mais je sais qu’il a influencé et inspiré de nombreux cinéastes comme Tim Burton ou Terry Gilliam. Est-ce qu’il commence à être découvert ou redécouvert du grand public aujourd’hui ?
« Je ne suis pas sûre qu’on puisse dire cela aujourd’hui. J’espère qu’après l’intégrale en plein cœur de Paris on pourra le dire un peu plus. Chez nous, au Forum des Images on arrive à lier plusieurs publics et à ne pas attirer que le public d’animation. On se rend compte en parlant aux gens que beaucoup de cinéphiles ne connaissent pas Švankmajer. Il est surtout connu dans le milieu du cinéma d’animation, et encore... Il y a donc tout un travail à faire encore. Il est plus connu aux Etats-Unis qu’en France, par exemple. »Švankmajer se revendique, presque de manière militante, comme un surréaliste. On croit souvent que le Surréalisme est mort et finalement, il est la preuve que le Surréalisme est bien vivant. Comment est-ce que vous voyez le monde de Švankmajer, quelle est votre vision de son cinéma ?
« C’est difficile à dire. Pour ma part, je regarde ses films, sans les analyser. Je laisse les impressions, les associations d’idée se faire. Je n’intellectualise pas forcément ce que je vois. C’est quelqu’un qui a un univers très fort qu’on ne comprend pas toujours au premier abord qui peut aussi rebuter certains. En tous cas, on ne peut pas rester indifférent. Ce dont on se rend compte en organisant la rétrospective, c’est que les Surréalistes existent encore et notamment à Paris puisqu’un certain nombre sera là à la table ronde. »
Qu’est-ce que cette touche surréaliste – même si chez Švankmajer, c’est bien plus qu’une touche ! – nous apporte-t-elle à l’heure actuelle, dans notre monde ?
« D’arrêter de penser et de tout intellectualiser, de se laisser porter aussi, ouvrir un champ qu’on ne connaît pas. Accepter cet univers où on sera surpris tout le temps... »
C’est une invitation au rêve...« C’est cela : au rêve, à des univers inconnus que seul l’art peut apporter. »
Pour terminer, sur la rétrospective, on disait donc qu’elle était exhaustive car vous présentez également des courts-métrages, pas uniquement des longs-métrages. Quels films pourriez-vous recommander, même si évidemment c’est toujours difficile de choisir ?
« C’est dans ses courts-métrages qu’il est le plus marquant et que son univers est le plus fort. Les longs-métrages sont bien plus abordables par le public, on peut commencer par ça d’ailleurs. Il y a évidemment son dernier long-métrage qu’on présente en avant-première qui est vraiment une surprise. Le film est très abordable, complètement psychanalytique, très drôle. Or son univers n’est pas toujours drôle, il faut bien le dire. Dans les courts-métrages, il faut avoir vu Les possibilités du dialogue, c’est un des grands films du cinéma tout court, qui vous fait réfléchir sur le couple, les relations humaines. De grands philosophes ont analysé ce film, il faut le savoir. Côté longs métrages, j’aime beaucoup Les conspirateurs du plaisir et Otesánek. Il y a Alice : il faut voir l’Alice de Švankmajer ! Après avoir vu celui de Tim Burton, revenons à celui de Švankmajer qui est celui qui pouvait adapter le mieux l’univers de Lewis Caroll. »