Exclusion des Roms : une origine ethnique ou sociale?

'La cité des roms'

Parmi les films présentés au festival One World qui s’est achevé jeudi soir, La cité des roms, de Frédéric Castaignède. Un documentaire sur un immense ghetto rom dans une petite ville de Bulgarie, entouré d’un grand mur de béton.

Frédéric Castaignède,  photo: Jana Šustová
Comment vous êtes-vous intéressé au sujet ?

« Je m’y suis intéressé par la question de l’accès aux droits humains, c’est pourquoi je suis très content que ce film soit présenté lors de ce festival. J’ai déjà fait plusieurs films sur cette question, mon précédent film était sur la cour pénale internationale, qui a vu le jour après la seconde guerre mondiale, sur le génocide des Juifs qui a aussi frappé les Tsiganes. C’est comme cela que je me suis intéressé à la communauté tsigane, par l’intermédiaire de ce combat pour les droits humains. Il y a des militants qui se battent pour améliorer la situation dans tous les pays européens car on retrouve ce genre de situation dans tous les pays européens, même si c’est à des degrés différents, selon la part de population rom dans le pays. Ensuite, j’ai découvert ce quartier précis en Bulgarie, par l’intermédiaire d’un programme de Médecins du monde qui existait dans le quartier pendant deux ans, un programme de protection maternelle et infantile. J’ai rencontré la coordinatrice et elle est devenue mon assistante lors du tournage. »

Vous vous posez la question de l’origine sociale ou ethnique de l’exclusion des Roms. Avez-vous trouvé une réponse ?

« C’est pour ça que j’ai articulé le film spécifiquement, mais pas uniquement, autour de la question de l’école. Par rapport à la problématique de l’intégration des Roms ça me semblait une question centrale, cette origine ethnique, culturelle, ou alors sociologique ou économique de cette exclusion. Est-ce que le fait que les enfants n’aillent pas à l’école est dû à la tradition rom parce que le romani est une langue orale ? Ou est-ce dû à des conditions économiques après la chute du rideau de fer, au fait qu’ils ont été les premiers à souffrir du démantellement du tissu industriel, de la fin des coopératives agricoles ? C’est vrai qu’ils marient souvent leurs enfants très jeunes du coup ils ne vont plus à l’école. Ensuite qu’est-ce qui relève de la ségrégation, c’est vrai qu’ils sont dans des écoles à part, au niveau souvent très inférieur aux autres. Je voulais mettre en scène toute cette complexité-là, sans avoir une approche manichéenne, faire un film qui s’articule autour du point de vue des Roms, mais avec le contre-champ des Bulgares et le regard la société majoritaire sur cette minorité. Je voulais montrer que les torts sont parfois partagés et ne sont pas toujours où l’on croit. »

Vous vous êtes intéressé aussi à une ONG rom qui travaille dans ce quartier...

« C’est une ONG comme il en existe beaucoup en Europe, financée par le Roma Education Fond, basé à Budapest. La Hongrie a été un des pays pionniers en matière de lutte pour les droits des Roms. Ce fonds d’éducation des Roms finance beaucoup d’ONG dans différents pays d’Europe centrale et orientale et en particulier sur cette question de la déségrégation scolaire, de l’accès à l’école pour sortir les enfants des écoles où il n’y a que des Tsiganes et les amener dans des écoles bulgares, avec toute les difficultés que ça implique. Donc tous les matins ils ramassent les enfants en bus, les déposent à l’école, font le lien avec les parents, expliquent la situation aux professeurs. Ils font la jonction avec deux communautés qui ont parfois du mal à se comprendre. »