De la crise financière à la demande de social
Les récentes et importantes secousses observées à Wall Street ont déjà un impact sur la sphère financière en République tchèque. Les prévisions pour l’économie dans les prochaines années ? sont loin d’être alarmistes mais le climat est à la morosité. Dans ce contexte, les réformes gouvernementales réduisant les aides sociales dans le domaine de la santé et de la famille sont-elles plus durement ressenties par les Tchèques ?
La crise financière a-t-elle un impact sur la République tchèque ? On serait tenté de le penser en constatant l’extrême volatilité des marchés financiers dans le pays ces derniers temps. Ainsi, les deux grands groupes Orco et ECM ont vu leurs actions s’effriter considérablement depuis le début de l’année. Exemples emblématiques que ces deux mastodontes, considérés comme les valeurs sûres de la Bourse à Prague. Orco, pour sa part, connaît un fort ralentissement avec une chute de 71,3% de son bénéfice sur la première moitié de son exercice 2008. Spécialisé dans les marchés hôteliers et immobiliers en Europe centrale depuis les années 90, Orco est coté à la Bourse de Prague.
La bonne santé financière est un enjeu important car beaucoup de grandes entreprises implantées en République tchèque possèdent des actions, parfois même à Wall Street, qui devient alors un baromètre, ne serait-ce que psychologique.
Selon les experts, c’est pourtant moins l’impact de la crise financière que celle du marché immobilier en République tchèque qui serait responsable de la situation. D’ailleurs, même si la croissance devrait connaître quelques remous dans les mois à venir, le Produit Intérieur Brut dans le pays devrait continuer à augmenter.
Dans ce contexte morose, les Tchèques accordent-ils plus d’importance à l’aspect social ? En ce qui concerne les entreprises, c’est de plus en plus le cas. Nombre d’entre elles prennent soin de suivre le récent concept international de Responsabilité Sociale des Entreprises. Il ne s’agit pas que des droits des employés stricto sensu mais d’un souci d’attitude générale, qui va de la qualité des produits à leur impact sur l’environnement. Derrière la volonté de maintenir une bonne réputation, il y a aussi la volonté de motiver les employés en partageant des valeurs positives et communes. Dans une grande compagnie installée à Prague, des affiches au mur proposent d’aider au nettoyage d’école ou aux animations en maternelle. Le journal interne vante également, à destination des employés, les engagements de la firme dans divers projets écologiques.Ce sont d’ailleurs souvent des institutions privées, qui jouent un rôle dévolu, dans d’autres pays, à l’Etat. Ainsi la fondation Dalkia Česka Republika, créée en 2000 pour aider à la création d’entreprises et à leur mise en route. Leur action est particulièrement efficace dans les régions à fort taux de chômage comme en Bohême et en Moravie du nord.
Et qu’en est-il des particuliers ? Les Tchèques, à vrai dire, ne semblent pas vraiment inquiets par la crise financière. La croissance reste assez forte et le marché du travail, hormis certaines régions du nord du pays, est en bonne santé. D’ailleurs, un sondage réalisé il y a quelques années montrait qu’un tiers de la population avait confiance dans le système de protection sociale et 40 % dans celui de la santé, des chiffres cependant moins élevés que dans la Pologne voisine.En République tchèque pourtant, la part des dépenses en matière de sécurité sociale est inférieure à la moyenne dans l’UE. Mais vu la bonne santé économique du pays et la croissance constante, les débats sur l’Etat-Providence sont bien moins fréquents qu’en France ou en Angleterre par exemple. Bien sûr, les attittudes varient dans la population, suivant des clivages classiques. Ainsi la volonté d’un système plus libéral, en vogue chez les entrepreneurs, mais qui ne serait partagé que par 20 % des salariés. Au-delà, retraites, aides aux familles ou assurance-maladie, ces thèmes préoccupent plus les personnes aux revenus modestes ou moyens.
Et ce d’autant plus que les réformes gouvernementales ont induit des changements sensibles dans les aides sociales. Les frais médicaux sont désormais payants. De même, la réduction des aides aux familles, qui s’arrêtent désormais lorsque l’enfant a trois ans, au lieu de quatre ans auparavant, érode une tradition solide, celle de la garde de l’enfant par la mère. Nous avons interrogé à ce sujet Irena, une jeune mère de famille de Prague, qui réagit à la réduction des allocations familiales :« Je suis mariée, j’ai un enfant qui aura trois ans l’année prochaine et je suis donc actuellement en congés maternité. Avant, je travaillais comme assistante de direction dans une grande entreprise, à temps complet ».
Nous avons demandé à Irena ce que la réduction des allocations familiales va changer pour elle :« Cela change beaucoup car lorsque ma fille aura 3 ans, je ne toucherai plus rien, pas d’assurance sociale et je serai donc obligée de recommencer à travailler à temps plein. Mon enfant devra donc fréquenter l’école maternelle du matin au soir. Le passage de 4 ans d’allocation à 3 ans est un peu brutal et ne me donne pas vraiment le temps de préparer progressivement la transition, en mettant mon enfant 6 mois à l’école maternelle par exemple. C’est d’autant plus gênant qu’il n’est pas facile ici de trouver des places en école maternelle. Je serai contente de recommencer à travailler mais je ne veux pas me retrouver sans école ou placer ma fille ! ».