La minorité tchèque en Ukraine vue par un photographe français
Cela fait environ un siècle et demi que des Tchèques sont installés sur un territoire situé aujourd’hui en Ukraine. Une communauté d'une dizaine de milliers de personnes à laquelle un photographe français a décidé de s'intéresser. Le résultat est à voir ces jours-ci à Prague dans une exposition intitulée « Les Tchèques en Ukraine – 150 ans d’une histoire qui dure encore ». Pierre Jeanmougin, l’auteur de ces clichés, a bien voulu répondre aux questions de Radio Prague:
Pourquoi un Français va-t-il photographier la minorité tchèque en Ukraine ?
« C’est une longue histoire, parce que je suis d'abord un peu lié à la République tchèque : j’ai vécu à Prague pendant un an avant de m’expatrier plus à l’Est, en Ukraine, où j’ai découvert cette minorité tchèque, un peu par hasard. Etant photographe et comme je travaillais comme journaliste là-bas, j’ai poussé le sujet un peu plus loin. Le partenariat avec l’Europe et le Centre tchèque de Kiev m’a permis de monter ce projet qui a abouti à cette exposition que vous pouvez voir aujourd’hui. »
Ça veut dire que ce projet a été financé en partie par l’Union européenne ?
« Oui, une grosse partie a été financée par le Programme Jeunesse, qui m’a soutenu dès le début, c’est vrai que c’était une grande chance parce que sans cela il aurait été difficile au niveau financier d’arriver au bout du projet. »
Alors on connaît très peu de cette minorité tchèque en Ukraine, en tout cas très peu en France. Selon un dernier recensement, il y aurait environ 10 000 personnes d’origine tchèque en Ukraine. Où et comment vivent-elles ?
« Les Tchèques d’Ukraine vivent principalement dans des villages à l’écart des grandes villes, dans la partie sud de l’Ukraine. Il y en a aussi qui vivent près de la frontière slovaque, mais les histoires sont différentes selon les villages. C’est vrai qu’ils sont bien mélangés maintenant donc ils sont mi-ukrainiens mi-tchèques. Environ 10 000 personnes selon les chiffres de l’ambassade tchèque. »
On le voit bien sur vos photos : des jeunes qui portent avec fierté le maillot du joueur de foot tchèque Pavel Nedvěd et vous écrivez qu'ils vous saluaient en disant ‘ahoj’ parce que vous veniez de République tchèque, mais en même temps des jeunes couples d’origine tchèque qui se marient dans une église orthodoxe.
« Oui, c’est un peu ça que j’ai voulu montrer avec mes photos. Finalement il y a un mélange qui s’est opéré avec le temps et l’histoire, parce que l’Ukraine était soviétique. Il y a beaucoup d’influence soviétique mais certains villages, notamment les villages protestants, ont réussi à préserver un peu leur religion. Il y a vraiment de tout, du Lénine avec des églises orthodoxes... Ça fait un peu bizarre, on le voit j’espère sur les photos. C’est le fruit de l’histoire je pense. L’identité tchèque en a perdu mais bon, il n’y avait pas d’autre choix. Finalement c’est aussi une richesse d’avoir différentes origines. »
On l’a vu encore récemment, il y a beaucoup de ceux qu’on appelle en tchèque des « krajané » – des compatriotes mais qui n’ont pas toujours la nationalité – qui demandent la nationalité tchèque. C’est le cas dans la minorité tchèque en Roumanie, dans le Banat. Est-ce que c’est ce que vous avez senti dans ces communautés tchèques en Ukraine, les gens sont-ils nombreux à vouloir obtenir la nationalité tchèque?
« Cela dépend un peu des générations. Ceux qui ont plus de 40-50 ans se sentent vraiment Ukrainiens pour la plupart – en étant fier d’être Tchèques, ce qui est un peu paradoxal – et n’ont aucune envie de demander la nationalité tchèque. Par contre j’ai rencontré des jeunes qui sentent qu’il y a des opportunités en Europe et qui se disent qu’ils ont le droit de demander la nationalité tchèque. Ils veulent aller étudier à Prague et ils s’installeraient bien en République tchèque. »
Est-ce qu’ils parlent encore tchèque ces jeunes ?
« Oui, ces jeunes-là qui veulent aller à Prague font tout pour apprendre le tchèque, ils font des stages en été, ils sont invités, les services de l’ambassade tchèque travaillent pas mal là-dessus, pour organiser des séjours, pour faire en sorte que la langue soit encore vivante là-bas. »