Y a-t-il donc des « mafieux » à la tête de la justice tchèque ?
C’est un curieux renversement de rôles qui s’est produit devant la Cour régionale de Prague dans le cadre d’un procès intenté par sept hauts magistrats de la justice tchèque contre l’ancienne procureure générale Marie Benešová. Finalement, c’est la partie plaignante qui se voit accuser de plusieurs délits graves.
«Jusqu’à présent, c’est-à-dire jusqu’à cette déclaration qui m’a associée à une mafia qui influence des affaires juridiques, ma renommée professionnelle était impeccable. C’est pourquoi je considère ces paroles proférées sans aucun fondement, sans aucun argument et sans aucune preuve, comme un outrage qui porte gravement préjudice à ma personne et au parquet général dans son ensemble.»
Le juge Vojtěch Cepl de la Cour régionale de Prague a cependant été d’un autre avis et, à l’issue du procès, il a donné raison à Marie Benešová:
«Elle a dit que l’expression ‘mafia’ n’a pas été utilisée dans son sens premier, c’est-à-dire comme un mot désignant une organisation criminelle, mais pour désigner un groupe non formel de personnes qui cherchent à influencer certaines procédures juridiques. Et elle a ajouté ensuite que ces personnes ont vraiment influencé la procédure contre le vice-Premier ministre Jiří Čunek qui était soupçonné de corruption.»Et le juge de qualifier le comportement des magistrats autour de Renáta Vesecká « d’interventions illicites, d’abus du pouvoir et de brimades professionnelles.» Seul le procureur général adjoint Libor Grygárek a été lavé de ces soupçons et Marie Benešová doit lui présenter ses excuses dans une lettre et dans une déclaration pour l’agence CTK. Cela ne ternit cependant pas sa satisfaction à l’issue de ce procès qui a révélé, à son avis, toutes une série d’irrégularités dans la justice tchèque:
«On a dit encore un certain nombre d’autres choses qui, ensemble, ont donné ce que j’appelle ‘un cocktail mortel’. On a évoqué par exemple l’abus de la délégation, c’est-à-dire de la transmission des compétences, mais aussi les mauvais procédés adoptés dans l’affaire du prince du Qatar que j’avais dénoncés et qui m’avaient coûté le poste de procureure générale. Ce sont donc des problèmes qui reviennent comme un boomerang.»Une fois de plus donc c’est l’affaire Čunek qui ressurgit même dans un procès qui ne la concerne pas directement. L’affaire du vice-Premier ministre actuel et chef du Parti chrétien démocrate KDU-ČSL éclabousse jusqu’au gouvernement en place. Une raison pour laquelle l’hebdomadaire Respekt a titré récemment : «Le gouvernement pris au piège de la mafia judiciaire ». On attend maintenant les réactions du ministre de la Justice.