Jean-Gabriel Périot : « On ne peut pas juger par rapport à la quantité de souffrance dans un film »
Jeden svet, le festival du film documentaire sur les droits de l’homme, se poursuit dans la capitale tchèque jusqu’à jeudi prochain. Parmi les membres du jury cette année, l’artiste vidéaste français Jean-Gabriel Périot, qui a expliqué ce que devait faire un membre du jury :
« C’est plutôt intéressant. On va voir très peu de films en très peu de temps, ce qui est un peu compliqué car c’est toujours bien de pouvoir respirer un peu pour réfléchir, surtout quand c’est des films aussi forts. Je ne sais pas comment on va juger les films, j’ai la sensation que ce ne sera pas sur les sujets, parce que dans un festival sur les droits de l’homme il n’y a pas un sujet plus important que l’autre. A partir du moment où on parle de guerres et de souffrances on ne peut pas juger par rapport à la quantité de souffrance dans un film... Il faut que ce soit un bon film : que la manière de traiter le sujet soit correct, cohérente, pleine... Le plus dur dans le travail de juré est de réussir à décider ensemble, c’est plus compliqué que quand on est seul. Ça doit être un vrai partage, et là se passent des choses qui sont en général intéressantes, parfois compliquées et parfois assez belles. »
Alors à votre avis quelles sont les motivations des gens qui vont voir ces documentaires qui peuvent être très durs ? Est-ce que c’est une manière d’avoir bonne conscience, une forme de catharsis ou non ?
« C’est une question un peu complexe qui se pose aussi aux réalisateurs de films sur les droits de l’homme. Je pense que que c’est un mélange contradictoire. Quand on a une conscience politique, on a besoin malgré tout d’aller régulièrement se confronter à la misère, à la douleur, pour trouver l’énergie de continuer à combattre et à se révolter. Je ne sais pas pourquoi, parce que quand on lit la presse tous les jours, il y a de quoi se révolter tout le temps en fait. Mais d’un coup, surtout face à des images, on sort de là énervé et il faut être énervé de temps en temps. Après je ne sais pas ce que ça donne... Est-ce que c’est actif ? Je pense que ça dépend vraiment des spectateurs. Moi, en tant que spectateur ou en tant que réalisateur, par moments je me demande pourquoi je fais ça, en me disant que c’est aussi une manière de me donner bonne conscience. C’est vrai que j’ai commencé à faire des films parce que je n’arrive pas à aller militer dans un parti ou une association et que je voulais malgré tout faire quelque chose. Donc je me suis dis que j’allais faire ce que je sais faire – des films. Là je peux peut-être être utile – à quoi, je ne sais pas, mais en tout cas ça me fait vivre et me permet de continuer à me regarder dans la glace. Donc c’est un mélange de bonne conscience et en même temps un film de temps en temps va toucher quelqu’un dans le monde. On ne sait pas pourquoi, d’un coup des spectateurs – je pense surtout aux plus jeunes – vont se dire que c’est honteux et qu’il faut faire quelque chose et vont lancer des actions. D’un coup une vocation peut naître, pour aider les autres. Mais oui, c’est contradictoire, c’est une question compliquée. »