Le « Pont du cerf » à Písek et le Pont Charles, les deux plus vieux ponts tchèques existants (3e partie)
Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague - Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! Les Pragois célébrant cette année le 650e anniversaire de la pose de la première pierre du Pont Charles - Karlův most, nous avons entamé depuis deux émissions déjà une présentation des dix-sept ponts de la capitale tchèque en suivant pour cela le cours de la rivière qui la traverse, la Vltava. Après les sept premiers ponts, à savoir le pont de la Course de la Paix - most Závodu Míru, le pont de Braník - Branický most, le pont de Barrandov - Barrandovský most, le pont de Vyšehrad - Vyšehradský most, le pont Palacký - Palackého mostu, le pont Jirásek - Jiráskův most, et le pont des Légions - most Legií, nous en sommes donc arrivés au plus célèbre des ponts de Prague.
A propos de Písek, ouvrons d'ailleurs une parenthèse pour noter encore qu'il s'agit même du plus vieux pont conservé en Europe au nord des Alpes après le pont de Ratisbonne, en Bavière. Son appellation est également l'objet d'une anecdote pour le moins amusante. Officiellement, et ce seulement depuis une décision prise en 2007 qui mit un terme à des années de discussion, il s'agit du Pont de pierre de Písek - Kamenný most v Písku, mais officieusement on parle de lui comme du « pont du cerf » - Jelenní most. Selon la légende, en effet, au Moyen-Âge, il avait été décidé que le pont porterait le nom du premier piéton qui le traverserait pour se rendre sur l'autre rive de la rivière Otava. Or, il s'est passé quelque chose que personne n'avait prévu, à savoir que le premier qui passa sur le pont fut un cerf - jelen, sorti des forêts environnantes. Voilà donc pourquoi on entend souvent parler du « pont du cerf » - Jelenní most, même si les habitants de Písek l'appellent plus simplement le « vieux pont » - starý most.
Autre anecdote intéressante à relever : le pont a été construit à sec, et ce n'est qu'après la fin des travaux que le cours de la rivière a été artificiellement détourné afin que son lit passe sous le pont. Ainsi, celui-ci, long de 109 mètres, est devenu une jonction importante sur l'ancienne route du sel qui reliait la Baltique à la Méditerranée.Enfin, comme le Pont Charles à Prague, le Pont de pierre de Písek est décoré de statues baroques gravement endommagées par les inondations qui ont frappé la Bohême à l'été 2002. On se souvient d'ailleurs encore aujourd'hui de ces images spectaculaires montrant le pont totalement noyé sous l'eau qui était montée de plus de deux mètres, seuls la croix avec le Christ et les sommets des statues étant encore visibles. Suite à cette catastrophe naturelle, ce sont les habitants eux-mêmes qui ont contribué aux travaux de réparation et de rénovation grâce à une collecte publique, preuve si besoin en était de toute la force symbolique du pont pour la ville.
La parenthèse refermée, revenons donc enfin à Prague et à son fameux Pont Charles - Karlův most, qui ne porte son nom que depuis 1870 sur la base d'une idée émise par Karel Havlíček Borovský, grande figure du renouveau national tchèque considérée comme un des fondateurs du journalisme moderne tchèque. C'est donc Charles IV de Luxembourg - Karel IV., roi de Bohême et souverain du Saint Empire germanique, qui a été à l'origine de sa construction et posa la première pierre le 9 juillet 1357. Lorsqu'il fut achevé, le Pont Charles, qui relie la Vieille-Ville au quartier de Malá Strana, était le quatrième pont en pierre jamais construit sur le territoire de Bohême. Il remplaçait à peu près au même emplacement le pont Judith - Juditin most, pont de pierre roman portant le nom de la reine de Bohême Judith qui avait demandé sa construction à son mari Vladislav II dans la seconde moitié du XIIe siècle, mais qui fut emporté plus tard, à la sortie de l'hiver 1342, par la fonte des glaces.
A propos du Pont Charles, notons tout de même qu'il fut le seul pont permettant de traverser la Vltava à Prague jusqu'en 1841 et la mise en service du pont à chaînes de l'empereur François 1er - most císaře Františka I., évoqué dans notre dernière émission et remplacé au tournant des XIXe et XXe siècles par le pont en pierre des Légions - most Legií.
Du Pont Charles, orné d'une trentaine de statues essentiellement baroques, retenons encore qu'il a joué un rôle marquant dans l'essor de Prague, qui grâce à lui est devenue au Moyen-Âge une ville étape importante située sur l'axe des grandes routes commerciales européennes. Aujourd'hui encore, on pourrait dire que le pont continue de jouer un rôle essentiel dans le développement de la ville en tant que symbole de Prague, destination touristique parmi les plus recherchées en Europe. Comme quoi, fréquenté quotidiennement par quelque 30 000 touristes, le pont a finalement gardé la vocation qui a toujours été la sienne : contribuer à l'éclat de Prague comme l'entendait celui qui fut élu il y a deux ans par ses lointains descendants « Plus grand Tchèque de tous les temps », Charles IV.
C'est donc avec l'un des monuments historiques les plus célèbres de Prague que se referme ce « Tchèque du bout de la langue » et avec lui la troisième partie de notre série consacrée aux ponts de Prague, même si celle-ci nous a également emmenés un peu plus au sud de la Bohême. En attendant de poursuivre nos recherches dès la semaine prochaine, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !