Un guide à travers l'empire du Mal
« Le guide à travers l'empire du Mal ». Tel est le titre d'un livre qui vient de paraître dans les librairies tchèques et dont son auteur, Vladimir Bystrov, cherche à offrir une image encyclopédique du goulag russe.
Mis à part leurs témoins, on ne saura pourtant jamais imaginer toute l'ampleur de l'atrocité ni le malheur des camps. On ne saura non plus probablement jamais quel a été le nombre exact et quels ont été les destins des Tchécoslovaques qui s'y sont retrouvés, aux côtés des millions d'autres victimes de l'arbitraire communiste. De rares documents d'archives russes, des fragments d'histoires individuelles, quelques rescapés qui vivent encore ; c'est tout ce qui en reste aujourd'hui.
L'hebdomadaire Tyden qui consacre plusieurs pages à l'ouvrage en question : « A la différence des noms d'Auschwitz, Buchenwald, Dachau ou Terezin, des noms notoirement connus, rares sont ceux qui connaissent les noms des camps de la terreur soviétique. C'est injuste à l'égard des millions de victimes, provenant du pays où les bolcheviques étaient chez eux, ainsi que des pays appartenant dans le champ de leur influence. Des milliers de citoyens tchécoslovaques ont également été touchés ».
Vladimir Bystrov a essayé l'impossible : réunir le plus d'informations possibles sur les camps de concentration soviétiques, puisant pour cela dans différentes sources à travers le monde. Son livre réunit plus de deux mille données sur la topographie de la terreur soviétique. Peut-on dire exactement où se trouvaient les camps ou les montrer sur la carte ? Vladimir Bystrov répond :
« Toute l'Union soviétique se présentait comme un archipel du goulag. Les camps étaient situés sur l'ensemble de son territoire... Souvent, surtout pour des raisons économiques, les autorités soviétiques déplaçaient les camps. A la place d'un camp fermé, des dizaines d'autres étaient bâtis ailleurs... Les détenus constituaient une main-d'oeuvre très bon marché. Le régime soviétique a compris que les camps offraient un immense potentiel d'esclaves que l'on pouvait sans cesse compléter. ».Le nombre de personnes de l'ancienne Tchécoslovaquie déportées dans les camps staliniens est évalué à trente-sept mille. Les citoyens tchécoslovaques y étaient envoyés en plusieurs étapes et pour des motifs différents.
Avant la Deuxième Guerre mondiale, il s'agissait de Tchèques de gauche, pas forcément communistes mais néanmoins attirés par les idées communistes, et qui sont partis vers l'Union soviétiques pour s'engager dans des brigades.
On suppose qu'à la même époque, un grand nombre de Tchèques habitant la région de Volynie, en Crimée, où une importante communauté tchèque s'était installée au XIXe siècle, ont été envoyés au goulag.
En 1939, après l'invasion de la Tchécoslovaquie, quelque cinq cents personnes ont émigré en URSS pour fuir le nazisme et pour y chercher un asile politique.Inconnu demeure le sort d'un millier de Juifs d'Ostrava qui se sont échappés d'un camp nazi pour fuir à l'Est. Tout ce que l'on sait, c'est qu'à la frontière, ils ont été arrêtés par des officiers du NKVD. On peut supposer qu'ils ont été par la suite acheminés, à leur tour, vers des camps.
Vingt mille habitants de l'ancienne Russie subcarpatique, qui a fait partie de la République tchécoslovaque jusqu'en 1945, l'ont quittée dès son occupation par les Hongrois pour l'Union soviétique en vue de rejoindre les légions tchécoslovaques.
Immédiatement après la fin de la guerre, les agents soviétiques ont emmené dans les goulags une partie des immigrés russes qui, après la révolution bolchevique de 1917, avaient fui la Russie et s'étaient fixés en Tchécoslovaquie.
La plupart des prisonniers tchécoslovaques du goulag n'en sont pas revenus. Seul un heureux concours de circonstances a permis à certains d'entre eux de survivre. Certains ont été fusillés, d'autres sont morts victimes d'épuisement, de mauvaise alimentation, des rudes conditions climatiques ou lors des transports. Aujourd'hui, les témoins sont rares.Seul un très petit groupe de rescapés des camps soviétiques vit encore. Ils ont tous plus de 80 ans. Ils préfèrent vivre à l'écart, dans des conditions très modestes.
Vladimir Bystrov, auteur du livre Le Guide à travers l'empire du mal, est directement concerné par le sort des citoyens tchécoslovaques qui ont été entraînés dans le goulag soviétique. Son père, d'origine russe, qui avait pris en 1920 le chemin de l'émigration pour s'installer en Tchécoslovaquie et pour s'y marier, a été arrêté le 20 mai 1945 par l'armée soviétique et déporté en Union Soviétique. Il n'a pu revenir que dix ans plus tard... Une chance que beaucoup de ses compatriotes tchécoslovaques enlevés et envoyés dans les camps du goulag n'ont pas eue.