Vivre au temps du coronavirus
Le coronavirus est sans surprise le premier sujet traité dans cette nouvelle revue de presse. Elle s’intéressera ensuite à la façon dont la popularité de l’ancien président tchèque Václav Havel est utilisée à des fins commerciales. Autre sujet traité : les nouvelles recherches concernant les Tchèques disparus au goulag, avant d'évoquer enfin les divisions de la société tchèque.
« Les décisions prises par le gouvernement sont raisonnables. Il faut les saluer même si elles compliquent la vie et qu'elles ne sont pas parfaites. Le monde auquel nous somme habitués est en train de changer. D’emblée, la sympathie ou l'antipathie vis à vis de tel ou tel politicien ou parti politique n’ont aucune importance. Il est effectivement souhaitable de voir s'effacer les différences et les divergences et de penser à l’intérêt commun afin que la société ne s’incline pas devant une ‘quelconque grippe’ ».
Le commentateur accueille positivement la volonté du gouvernement de négocier avec l’opposition ce qui représente « un tournant radical ». « Le coronavirus pourrait nous apprendre à penser autrement. Les mesures de protection offrent effectivement une certaine chance »... Un texte publié sur le site de l’hebdomadaire Respekt indique à son tour :
« Les mesures qui ont été prises sont justes, car elle permettent au moins de préparer l'opinion publique à des démarches plus radicales encore touchant par exemple les transports en commun. Évidemment, on peut s’en moquer, mais seulement jusqu’au jour où l’on se rendra compte que les scénarios catastrophiques ne se sont pas accomplis. »
Quelles peuvent être les retombées politiques en lien avec l’épidémie de Covid19 ? Une question posée par l’hebdomadaire Reflex au politologue Stanislav Balík qui a répondu :
« Le gouvernement et les structures dirigeantes traversent une épreuve fondamentale qui teste leur capacité d’action et dont on ne connaîtra le résultat que plus tard. En dépit de l'improvisation initiale, tout peut se passer bien au final. D’un autre côté, cette crise peut donner une ultime impulsion à l'effondrement total de notre système sanitaire qui, dans beaucoup d’hôpitaux, fonctionne de manière limite. Je n’arrive pas à imaginer ce qui se passerait si la situation se développait au point d'en arriver à la situation en Italie. »
Pour le politologue, il est difficile de préjuger des leçons que pourra tirer la société, au vu du constat que la vie peut devenir à tout moment moins plaisante.
« Le ton des communications sur les réseaux sociaux en lien avec le coronavirus est différent de celui qui marque habituellement les discussions qui y sont menées », observe le commentateur du journal en ligne Deník Referendum qui écrit :
« Le pessimisme habituel a cédé place à l’empathie et à l’intérêt pour les problèmes des autres. Comme si, dans cette nouvelle situation compliquée qui concerne tout le monde, les gens étaient enfin prêts à écouter et à percevoir les autres. Comme si, du coup, l’attention devait être tournée vers les choses essentielles. »
« Il y a un mois encore, on pouvait croire que l'annulation de différents événements sportifs ou l’absence de spectateurs ne constituaient qu’un phénomène passager, un simple nuage dans un ciel bleu. Aujourd’hui, on voit qu’il s’agit d’une intempérie de plus longue durée qui risque d’ébranler nos certitudes bien ancrées. »
Voici ce que l’on peut lire dans un texte intitulé « Une immense crise s’abat sur le sport » et publié dans le journal en ligne Deník.cz qui se penche sur les retombées de l’actuelle pandémie sur le sport. Pour son auteur, « il ne fait aucun doute qu’on a affaire à une véritable tempête, car cette année est particulièrement riche en événements sportifs importants, dont notamment l’Euro 2020 et les Jeux olympiques de Tokyo. »
Václav Havel, une marque commerciale et artistique
Pravda a láska, Vérité et Amour. Havel a Nice Day. Tels sont quelques-uns des slogans liés à Václav Havel que l’on peut trouver aujourd’hui, tout comme des portraits de ce dernier, sur des vêtements, sur des chaussettes, sur des bijoux, sur la couverture des magazine lifestyle et ailleurs. De plus en plus de marques tchèques profitent de la popularité persistante de l’ancien président tchèque, disparu en 2011. Le journal E15 signale que cette pratique déplaît notamment à la Fondation Dagmar et Václav Havel Vision 97, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une commercialisation non autorisée du nom et du portrait du président. Il précise également :« La fréquence des cas d'utilisation du nom et du portrait de Havel à des fins commerciales a augmenté à l’occasion des 30 ans de la révolution de Velours. Cela dit, ce sont souvent l’ignorance ou l’effort de rendre hommage à Havel d’une manière spécifique ou maladroite qui sont responsables de cette pratique. De ce fait, la Fondation n’entreprend des démarches juridiques qu’assez rarement, privilégiant un arrangement mutuel et faisant appel au bon goût des acteurs concernés. »
D’un autre côté, comme le remarque le journal, l’image et le nom de Václav Havel peuvent être utilisés librement à des fins scientifiques et artistiques. A titre d’exemple, il évoque un portrait de Havel réalisé pour la couverture de l’édition de novembre du magazine Vogue qui présente son visage tatoué avec les mots Liberté, Olga, démocratie et autres.
Sur les traces des Tchèques disparus au goulag
Un accord de coopération conclu en février dernier entre l’Institut d’étude des régimes totalitaires et les Archives des services de sécurité de l’Ukraine offre de nouvelles possibilités aux historiens tchèques. Ils peuvent désormais rechercher dans les fonds de ces deux institutions des documents concernant les Tchèques disparus au goulag. Une récente édition du quotidien Lidové noviny rapporte à ce sujet :« Les archives ukrainiennes font partie des plus ouvertes à l’échelle de l’ancienne Union soviétique. Pour parvenir à reconstruire les histoires individuelles des Tchèques disparus dans les camps soviétiques sans laisser de trace pour la plupart, les chercheurs ont devant eux un travail très minutieux. Leur intérêt portera d’abord sur les années 1929-1931, des années de dures représailles et, ensuite, sur les années 1939-1941, une époque où des milliers de Tchécoslovaques ont essayé de fuir le nazisme, en passant par la Ruthénie subcarpatique. »
Le bilan des victimes tchécoslovaques des représailles et des goulags dans l’ancienne URSS varie autour de 2 000. Et le journal Lidové noviny de le comparer au nombre des victimes du régime communiste sur le territoire tchécoslovaque entre les années 1948 et 1989 qui se situe entre 800 et 900.
Quand la société est divisée
Notre société est divisée depuis toujours : c’est en tout cas ce que prétend le commentateur du quotidien économique Hospodářské noviny, réagissant ainsi à la conviction répandue qui veut que la discorde au sein de société tchèque soit aujourd’hui plus profonde que jamais. Il rappelle plusieurs questions qui ont divisé la société tchèque dans un passé lointain ou récent : le rapport des Tchèques à l’égard des Allemands et des Russes, le regard sur les minorités et le régime communiste, le projet de construction d’un radar américain à Brdy, les restitutions des biens aux Églises. Depuis 2013, c’est le Premier ministre Andrej Babiš qui divise le pays tout comme l’a fait, un peu plus tard la peur des migrants. Il écrit :« Il existe des dizaines de sujets qui font l’objet de disputes et de malentendus entre voisins, collègues de travail, membres d'une même famille. Mais c'est là un phénomène normal et courant qui concerne de nombreux pays et pas seulement la Tchéquie. Il n’y a que les dictatures qui sont homogènes en apparence ».
La division de la société telle qu’elle se présente en Tchéquie a pourtant un effet négatif, consistant dans la montée en puissance de politiciens que près de la moitié de la population refuse. Ainsi, toujours selon le commentateur de Hospodářské noviny, la colère et les frustrations des citoyens ne font qu’accentuer encore davantage les clivages.