Le groupe historique « Les camps d'extermination » face au mouvement de négationnisme
Il y a de cela 65 ans, en octobre 1941, partaient de Prague et de Brno les premiers trains transportant les Juifs de Bohême et de Moravie dans des camps d'extermination. Des 84 000 Juifs déportés, seuls 10 500 reviendront. Les derniers rescapés de la Shoah qui sont encore parmi nous ont fondé, en avril 2006, le groupe historique appelé « Les camps d'extermination. » Son objectif est de réunir les signatures et les témoignages sur l'existence des chambres à gaz pour faire face au mouvement de négationnisme qui les nie, ainsi que le génocide de six millions de Juifs. Eva Macourkova, qui est membre de ce groupe et le professeur Jiri Franek de l'association des prisonniers politiques libérés ont présenté lundi leur initiative aux médias.
« Valerie Slezakova, née en 1923, nous a décrit son travail à Birkenau I, dans le service dit politique, qui consistait dans l'enregistrement des trains amenant les prisonniers. Son bureau se trouvait juste à côté de la rampe sur laquelle les déportés arrivaient. Elle voyait les foules défiler, direction le four crématoire. A Birkenau BIIb, elle assistait au tatouage des déportés. En janvier 1966, elle a déposé au procès de Francfort contre Erber Chustek des Sudètes, condamné à perpétuité pour avoir tué sur ordre de Mengele ses victimes par injections de phénol. Adolfina Sovova, née en 1918, a été déportée comme prisonnière politique à Auschwitz. Elle était l'un des jumeaux sélectionnés comme cobayes pour les expériences du docteur Mengele. »
Le groupe historique « Les camps d'extermination » est aussi entré en correspondance avec Michael Honey d'Israël : son histoire est celle d'un ancien « Birkenau Boys », comme on appelait les garçons juifs de 13 ans passés par la sélection d'Auschwitz. Il n'a pas joint sa signature car il n'est pas d'accord avec le nom de l'association des prisonniers politiques libérés, estimant que les Juifs n'étaient pas des prisonniers politiques et que 61 ans après, de nouveaux témoignages sur les chambres à gaz sont inutiles. Le professeur Jiri Franek, qui dirige l'association des prisonniers politiques libérés, n'est pas de cet avis. Il dit que l'holocauste est une nouvelle nécessité pour le néonazisme : si les négationnistes disent que l'holocauste n'a pas existé, les néonazis, eux, souhaitent le répéter, l'anéantissement de 6 millions de Juifs ne présentant, à leurs yeux, aucun problème. Selon cet historien et politologue, la situation, aujourd'hui, face à la monté du néonazisme et du négationnisme, ressemble à celle d'avant guerre :
« Je crains que ce soit Israël qui joue le rôle que la Tchécoslovaquie occupait dans les plans de Hitler. Après la nuit de cristal, le 9 novembre 1938 qui a été le premier vaste pogrom contre les Juifs en Allemagne, la vague de terreur qui a suivi s'est déroulée dans l'ordre suivant : Juifs, Tziganes, Tchèques et Moraves... plus tard, Hitler a échangé les Tchèques contre les Polonais. »
Selon Jiri Franek, la devise des négationnistes est d'éradiquer le moindre souvenir de l'holocauste. Il y a David Irving et ses ouvrages, il y a Ernest Zündel, il y a, comme il le souligne, une liaison de plus en plus étroite entre les négationnistes européens et les radicaux islamistes. Eva Macourkova le complète :« L'historienne américaine Debora Lipstadt, auteur du livre Le négationnisme de la Shoah, a dit que ceux qui nient l'holocauste ne sont pas dangereux tant que les rescapés sont en vie. Quoi que nous estimions cette historienne connue pour sa résistance opposée lors du procès d'Irving, nous nous sentons obligés de lutter contre ces mouvements et de prévenir la violence. »
Les originaux des témoignages et des signatures sont disponibles à l'adresse du siège de l'association des prisonniers politiques libérés, rue Sudomerska, Prague.