Un étudiant français à l'école d'été de Brno (Ie partie)
Faire une partie de leurs études en Tchéquie semble avoir un certain attrait pour les étudiants français. Et même s'ils veulent se rendre surtout à Prague, pourquoi éviter Brno ?... Voilà ce que s'est dit Adelin Royer, étudiant et actuellement stagiaire à Radio Prague. Il vous racontera son expérience.
Un beau jour, il a fallu annoncer que je partais un mois à Brno. « Comment, tu peux répéter ? » Invariablement, ce fut la première réaction. Il fallait alors épeler « B-R-N-O » et expliquer que, en dépit de son nom imprononçable, cette ville existait non seulement bel et bien, mais se trouvait au coeur même de l'Europe, en République tchèque, quelque part entre Prague, Bratislava et Vienne. Les regards n'en semblaient pas moins chargés au pire de suspicion, au mieux d'incompréhension sincère et compatissante ; la République tchèque, pourquoi pas - tout le monde peut succomber à ce genre d'étrange passion -, mais pourquoi pas... Prague ? Que pouvais-je donc dire pour les rassurer ? Une référence historique, qui prouverait que B-R-N-O n'est pas sur Mars ? Eureka ! « En fait, c'est à côté d'Austerlitz. » A l'évocation de cette fameuse page de l'histoire de France, les yeux de mes interlocuteurs se mettaient à briller. Et je pouvais en rajouter, citer les noms de l'écrivain Milan Kundera, du compositeur Leos Janacek, du moine Gregor Mendel - qui a découvert les lois de la génétique en cultivant patiemment et avec amour des petits pois dans le jardin de son abbaye - et affirmer avec aplomb qu'ils étaient nés à Brno ou y avaient exercé leur activité. Face à une telle avalanche de références, on ne peut qu'imaginer une merveilleuse cité peuplée de génies ou de fantômes de génies.
Je priais cependant pour que personne ne connaisse la citation de Kundera qui affirme, dans l'incipit de La Plaisanterie, que « le passé militaire (de sa ville natale) l'avait marquée d'une irrévocable laideur ». De fait, je savais que, poursuivie par une mauvaise réputation qu'elle doit en partie au sombre passé de sa forteresse de Spilberk, « prison des nations » tantôt sous le joug austro-hongrois, tantôt sous le joug nazi, Brno ne faisait pas partie des destinations les plus prisées en République tchèque. De plus, je ne connaissais de la République tchèque que l'hypercentre de Prague et le tableau apocalyptique de ce « pays de l'Est » que mon entourage m'avait dépeint ; aussi, fin juillet, quand l'heure du départ sonna, étais-je vaguement inquiet. Les affreuses barres d'immeubles - « panelaky » - qui entourent la ville n'étaient pas de nature à me rassurer.
Pourtant, quand je suis descendu du bus, j'ai tout de suite était frappé par l'animation du centre-ville et par l'élégance de ses grandes avenues qui, toutes proportions gardées, ne sont pas sans rappeler le Ring viennois. 400 000 habitants, de nombreuses rues piétonnes, des dizaines de centres commerciaux, une magnifique place du Marché spectaculairement dominée par la cathédrale : Brno, bien qu'elle ne brille pas par sa cohérence architecturale, n'est définitivement pas la ville de la grisaille que les Tchèques eux-mêmes se plaisent à décrire. En réalité, la deuxième plus grande ville de la République tchèque est, comme l'aiment à dire les Moraves, une « deuxième capitale », « leur » capitale. Pour vous en convaincre, essayer de trouver un livre sur Prague dans une librairie de la ville, demandez tout simplement à un Morave ce qu'il pense de la capitale nationale, ou observez sa réaction lorsque vous évoquez le « tramvaj » au lieu d'utiliser l'expression locale de « salina ».La suite du récit ce mardi, dans Faits et événements en République tchèque.