Sur les chemins de l'errance musicale avec la roulotte de La Varda (suite)
Retrouvons le groupe français La Varda qui a inauguré sa tournée 2006 en donnant un concert à Prague, avant de reprendre la route vers les villes tchèques de Trebic et Pardubice, puis celles d'autres pays d'Europe centrale. Une occasion de parler de leur musique qu'ils qualifient de « folk alternatif », très inspirée par les rythmes slaves ou balkaniques ou encore de leurs textes et de leurs activités annexes.
Un peu fatigués quand même, le 16 mars dernier, les musiciens de La Varda : alors que le deuxième groupe tchèque Ahmed ma hlad fait sa balance et s'apprête déjà à commencer la soirée, les musiciens français sont arrivés à la dernière minute : panne de camionnette en Allemagne. Malgré tout, ils ont bien voulu parler quelques minutes, et c'est dans un minuscule réduit que j'ai trouvé un coin pour m'asseoir et discuter avec deux des membres, Kif et Jean-Marc, dit Yanosh. Une salle dont l'espace s'est encore amenuisé, car en plus d'être six troubadours en tout, ils multiplient le nombre d'instruments, comme nous le détaille le dénommé Kif :
« Il y en a une kyrielle. On va commencer avec les plus farfelus : il y a de la nickelharpa, qui est un instrument suédois, du bouzouki, de la mandoline, une vielle à roue, puis tuba, cornemuse, et deux violons. Après il y a le combo contrebasse-batterie-guitare électrique, mais il y en a encore d'autres : accordéon diatonique, accordéon chromatique, tu vois, tu es au milieu, tu vis au milieu de tout ce bazard ! »
Petit historique de la Varda : pourquoi ce nom ? D'où vient-il ?
« Le nom vient de l'imaginaire des gens du voyage qui appellent leur roulotte « verdine, verdino, vardo », alors « varda » c'était notre imaginaire à nous, on a choisi ce nom qui n'existe pas. Ca représente une roulotte, un voyage : on fait un voyage à travers l'Europe, la musique et le rock... »
Etes-vous musiciens à plein temps ?
« En France, on a la chance d'être intermittents du spectacle. Nous faisons donc partie des heureux chanceux européens à pouvoir en vivre. »
C'est encore possible à l'heure actuelle ?
« C'est encore en train de changer. C'est encore... on peut le dire ? la m... ! C'est encore en train d'évoluer, vers un côté plutôt négatif. Mais c'est de plus en plus difficile d'accéder au statut et de le garder. Avec des groupes comme nous, il faut quand même avoir beaucoup d'histoire à côté, être vraiment musicien, être dans le spectacle et avoir des projets à côté, parce qu'avec autant de personnes à nourrir derrière... »
Vous avez des projets annexes ?
« Oui, quasiment tout le monde. Moi je suis dans un duo qui s'appelle « Les croquants » qui fait de la chanson française, Sylvain est dans un trio de jazz, Jean-Marc fait la promotion des cornemuses de chez nous... »
Comment ça se déroule au niveau des textes ? Qui écrit ?
« Justement il n'y a personne qui écrit, c'est un choix volontaire. Mon grand frère par exemple, qui n'a rien à voir avec la musique, écrit et son texte a été pris. Un autre garçon, Paul-Marie Blanc, qui est un ami de Toulouse, ou encore Franck Raymond, un gars de notre village, écrivent des textes dans notre univers, dans ce qu'on leur a demandé, et font ça super bien. Et puis c'est aussi donner la parole à des gens qui le méritent. C'est à la fois par choix, par amitié. Et puis maintenant, c'est ouvert, on a des gens qui ont compris le système, qui ont compris notre univers et qui commencent à nous envoyer des textes. On est preneurs. »
Il ya un texte qui m'a bien plu : celui sur le Chevalier de la Barre. Ca me fait penser à une tradition très française anti-cléricale, « laïcarde », bouffe-curé...
« C'est un hommage à un personnage qui a été pris comme symbole de la laïcité. C'est sur la statue qu'a été fait le texte : la statue du Chevalier de la Barre qui fait la nique au Sacré-Coeur. Je ne sais pas si c'est une tradition bouffe-curé, mais en tout cas ça allait dans le sens de ce qu'on pense. »
Le Chevalier de la Barre, jeune homme de 19 ans qui en 1766 fut soumis à la question, torturé et exécuté, pour ne pas avoir salué une procession religieuse. Devenu figure de proue des défenseurs de la liberté de pensée, une statue est érigée en 1905 devant le Sacré-Coeur, pour contrer symboliquement l'édifice érigé suite à la répression de la Commune. La statue sera fondue pendant la Deuxième guerre mondiale pour en faire des obus, et il faudra attendre 2001 pour que le Chevalier de la Barre toise à nouveau la basilique.
Alors un groupe engagé, la Varda ? En tout cas, un groupe qui met en musique des textes choisis aussi en fonction du thème abordé, comme Des fleurs dans la Seine, rendant hommage à Brahim Bouraam, ce Marocain noyé après avoir été jeté dans le fleuve par des militants d'extrême-droite à Paris, lors d'un défilé du FN en 1995.
Un engagement qui n'est d'ailleurs pas que politique, le groupe soutient une association qui vient en aide aux communautés rom de Roumanie. Solidarité de gens de la route un peu mieux lottis avec des gens de la route plus en détresse, Yannosh, nous parle un peu plus de Sar Phirdem, « d'où je viens » en langue rom :
« Sar-Phirdem, c'est une association française pour venir en aide aux Tziganes. Au départ, c'est une histoire de copains qui sont partis de Carcassonne en roulotte jusqu'en Roumanie, et notamment dans un petit village du Nord du pays. On y a rencontré des musiciens, on est devenus amis, et devant la misère de la partie tzigane du village, on a décidé de monter cette association, en France, en soutien à une association qui a été créée en Roumanie. On organise des manifestations en France pour récolter de l'argent, pour faire des routes, des puits. L'association s'occupe aussi des Tziganes immigrés qui arrivent en France et se retrouvent dans des camps. »
Vous avez donc été sur place ?
« Oui, j'ai été en Roumanie, justement, à l'occasion de la première action qui était l'ouverture d'une maison de la culture tzigane. »
Est-ce que ça s'en est ressenti dans votre musique par la suite ? Y a-t-il eu un partage musical ?
« Pour moi personnellement oui. Après, c'est pas le groupe La Varda qui est allé là-bas, moi j'en fais partie, mais c'était une histoire personnelle que j'ai rapprochée de La Varda parce que c'est mon expérience. J'ai appris de la musique là-bas et c'est des choses qui sont diffuses dans La Varda. On est un groupe de folk-rock et il y a beaucoup d'influences qui se mélangent. »
Et vous jouez de quel instrument ?
« Dans La Varda, je joue de la vielle à roue, de la cornemuse, du violon, de la nickelharpa, du tuba et de l'accordéon diatonique. »
Avec quel instrument avez-vous commencé ?
« J'ai commencé par la batterie ! Mais les instruments que je pratique aujourd'hui, je les ai appris en voyageant, en rencontrant des gens. Je suis un musicien de tradition orale, on va dire, c'est par la transmission orale que j'ai appris des morceaux de musique traditionnelle. »
Un ami musicien m'a dit qu'il avait commencé à jouer avec certains instruments parce qu'on lui en avait donné. Cela se passe-t-il aussi comme ça ?
« Oui, je me suis mis au violon parce qu'on m'en avait donné un. C'est par les amis, les connaissances, les voyages qui m'ont fait rencontrer d'autres musiciens et qui m'ont appris des tas de choses. »
Plus d'informations sur le groupe : www.lavarda.net