Banques et hypermarchés dans la ligne de mire du gouvernement
Depuis un an environ, le secteur des grandes entreprises, banques et hypermarchés principalement, est dans la ligne de mire du gouvernement tchèque. Celui-ci a récemment lancé une enquête visant à mettre à jour certaines pratiques injustifiées. Une action qui ne recontre pas que des partisans et qui voit le nécessaire débat sur le rôle de l'Etat se développer sur la scène médiatique.
Le film "La Vérité si je mens" avait popularisé la mauvaise réputation qu'ont souvent les grandes chaînes de distribution en France, dents longues et coup bas à l'appui. Derrière la caricature, se cachait pourtant une image souvent répandue. Le gouvernement tchèque a-t-il vu le film ? Toujours est-il que, depuis un an environ, il mène une enquête visant à prouver que les hypermarchés pratiquent une stratégie abusive et injuste en taxant leurs fournisseurs pour les placements de produit. Le gouvernement avait également souhaité imposer aux hypermarchés la fermeture à minuit, au nom du droit des employés, mais le projet de loi a été rejeté par le Parlement.
Soulignons que le parc des grandes surfaces en République tchèque est le plus dense parmi les nouveaux Etats membres de l'UE. Très compétitif, le marché tchèque voit s'affronter, dans une guerre des enseignes, de grands groupes européens. Depuis un an, le secteur privé est un peu plus surveillé par le gouvernement. Récemment, les banques tchèques ont été au coeur du débat et de l'action des autorités. En mai dernier, elles ont été accusées de former un cartel fixant arbritrairement les prix. Un compromis entre les deux acteurs a été trouvé de mois-ci.
Ces actions ne rencontrent pas l'approbation de tous, qu'il s'agisse du monde des affaires ou même de la politique. Ainsi Martin Ríman, député du parti de l'opposition et très libéral ODS (Parti civique démocrate), qui estime que "le gouvernement se mêle de ce qui ne le regarde pas". Miroslav Sevcík, directeur de l'Institut libéral, estime quant à lui que le marché devrait être gouverné par les seules "lois invisibles de l'économie".
Le gouvernement, pour sa part, justifie ces actions par la protection des consommateurs et des petites entreprises. Une évolution nouvelle après les années de libéralisme débridé et sauvage. Et peut-être également une volonté d'harmoniser un peu plus l'économie nationale avec les modèles sociaux-politiques français ou allemand.
Et la spécifité de la situation tchèque impose peut-être une redéfinition des règles du jeu. Les grandes distributions progressent en République tchèque plus vite que dans les autres pays de la région. La raison ? Le sucès tout simplement. Environ 13 % seulement des Tchèques font la majorité de leurs courses dans les petits magasins. En Pologne, le chiffre est de 49 % !
Menée surtout depuis la fin novembre, l'enquête gouvernementale sur les hypers pourrait bien aboutir à une loi interdisant aux détaillants de charger leurs fournisseurs pour des placements de produit. Face aux géants de la grande surface, les fournisseurs doivent généralement payer le prix fort pour le référencement de leurs produits. Cela se traduit par des charges supplémentaires pour les meilleurs emplacements, les têtes de gondole par exemple. Les magasins Carrefour, qui ferment actuellement leurs 11 magasins en République tchèque, n'échappent pas à la règle. La chaîne de grande distribution française était connue pour imposer à ses fournisseurs des droits de référencement injustifiés et parmi les plus élevés du marché !
Le Bureau contre le Monopole (ÚOHS) obtenir une loi rendant illégales ces taxes avant le mois de juin. Cela n'avait pas servi son image. Du côté des employés également, le sytème de managment Carrefour, avec horaires à rallonge et travail le week-end, avait également créé des lignes de tensions. Autre secteur dans la ligne de mire du gouvernement : les grandes banques privées. Le Bureau contre le Monopole a également mené une enquête auprès des trois plus grandes du pays : la Ceská sporitelna, la CSOB et la Komercní banka. Il s'agit là encore d'établir si ces dernières facturent des prix trop élevés pour leurs services. La Banque Nationale Tchèque, déjà en opposition avec le gouvernement à propos de l'euro, a émis des protestations. Pour elle, le marché des banques ne devrait être régulé que par la seule loi de marché.
En attendant, l'association des banques a signé avec le ministère des Finances un accord selon lequel les banques s'engagaient à plus de transparence avec leurs clients. Elle achève actuellement la préparation du Codex, un projet destiné à faire connaître au client ses droits et à lui permettre de comprendre les services bancaires. Le client devrait aussi obtenir plus d'informations relatives à son compte. Dans ce cadre, la demande et l'obtention d'informations sur les prix, produits et règles devrait être facilité. Début décembre, la Ceska Sporitelna a rendu publique son propre Codex.
14 ans après la Révolution de Velours et après des années de libéralisme économique débridé, les mesures gouvernementales remettent au coeur du débat le rôle de l'Etat pour éviter les abus. Peut-être un signe de maturité politique pour la République tchèque.