Euro : la Republique tchèque tient le cap
Actrice incontournable de l'actualité tchèque, la monnaie unique est revenue ces derniers jours sur le devant de la scène médiatique. Plus que jamais, l'heure est au bilan et, plus que jamais, la République tchèque semble prête pour le grand saut.
Nous avons évoqué, dans une émission récente, les divergences entre le gouvernement et certains économistes sur la pertinence du passage rapide à la monnaie unique. Dans la plupart des pays européens, cette guerre des piques entre la banque centrale, partisan de la rigueur budgétaire, et le gouvernement est une donnée traditionnelle et elle ne concerne pas que la République tchèque. La Hongrie n'échappe pas à la règle et on y observe les mêmes lignes de tensions.
Pour l'heure, la République tchèque fait figure de bon élève. Le déficit financier de l'Etat est en baisse constante et le pays devrait pouvoir entrer dans la zone euro sans passer par des coupures douloureuses dans les dépenses publiques. C'est ce qu'a démontré le programme actuel de convergence sur lequel le gouvernement débattra la semaine prochaine, a indiqué l'agence Reuters. D'après les estimations officielles, le pays devrait voir le déficit public passer d'ici 2008 en-dessous de la barre des 3 % du PIB, limite maximum autorisée par le Pacte de Stabilité. Les prévisions pour 2006 sont de 3,8 %. Au vu de l'excédent budgétaire, le gouvernement avait même émis l'hypothèse, fin octobre, que la frontière des 3 % serait franchie dès cette année.
Les résultats sont parlants et la République tchèque devrait remplir les critères de convergence dans un délai relativement rapide. Le débat n'en reste pas moins vif et de nombreux économistes craignent un ralentissement de la croissance ainsi que des réductions dans les dépenses publiques. Interviewé par le quotidien Dnes, l'économiste Pavel Sobísek souligne que le succès de l'Etat au niveau budgétaire doit beaucoup à la croissance rapide de l'économie tchèque, qui se rapproche des 5 % du PIB. En effet, les gains élevés des entreprises se répercutent également sur les rentrées financières dans les caisses de l'Etat, par les taxes par exemple. D'autres voix mettent en avant la défense de la sphère sociale, qui serait la première visée en cas de resserrement budgétaire.Une thèse que partage le nouveau gouvernement polonais, conservateur, et qui n'est pas sans inquiéter la Commission européenne. A peine nommée, la ministre des Finances, Teresa Lubinska, a indiqué, samedi, dans un entretien au quotidien britannique Financial Times, que « l'euro n'est pas la priorité » du gouvernement de Kazimierz Marcinkiewicz. Pour elle, la croissance est « plus importante », quitte à voir grandir le déficit budgétaire. Varsovie refuse ainsi pour l'instant de fixer une date pour l'adoption.
Entre croissance et euro, y a-t-il vraiment incompatibilité ? Les prévisions récentes de la Commission européenne ne vont pas dans ce sens. Baisse relative du chômage, tassement de l'inflation, la zone euro devrait connaître, dans les prochaines années, une reprise sensible de la croissance économique. La Commission européenne considère que les investissements devraient progresser de plus de 3 % en 2006 et 2007 au sein des Vingt-Cinq. Par ailleurs, la demande intérieure devrait se renforcer. La reprise devrait ainsi voir se créer six millions d'emplois d'ici à 2007 au sein des Vingt-Cinq, dont les trois quarts dans la zone euro.
Le gouvernement tchèque, pour sa part, ne compte pas adopter une politique d'austérité en vue de la monnaie unique et il souhaite éviter toute coupure conséquente dans le budget de l'Etat. Il mise pour cela sur une stratégie subtile : l'endettement de l'Etat. Avec un niveau de 37,4 % en 2005, l'Etat dispose en effet d'une marge d'action importante pour rester dans la limite imposée par le traité de Maastricht, soit une dette publique à 60 % du PIB. Notons que la dette pure de l'Etat, qui ne prend pas en compte celle des institutions publiques, se situe autour de 5 %.Les chiffres du déficit public tchèque pourraient bien faire pâlir d'envie certains pays déjà membres de la zone euro, dont la France, qui devrait faire partie, l'année prochaine, des rares pays de l'Union monétaire où le déficit excessif s'aggrave. Tandis que le ministre français de l'Economie et des Finances, Thierry Breton, table sur un déficit de 3 % du produit intérieur brut en 2005, puis 2,9 % en 2006, les économistes bruxellois tablent sur un dérapage plus conséquent : 3,2 % en 2005, puis 3,5 % en 2006. Le rappel à l'ordre de la Commission se veut d'autant plus ferme que la conjoncture s'améliore dans l'UE. Elle prend aussi en compte le fait que les trois autres mauvais élèves budgétaires de la zone, l'Italie, la Grèce et le Portugal, devraient connaître une nette amélioration en 2006.
On le voit, le débat sur l'euro, à l'intérieur comme à l'extérieur de la zone, est loin d'être clos.