L’euro en Tchéquie ? Malgré l’appel du président Pavel, une adoption pas encore à l’ordre du jour
Vingt ans bientôt après son adhésion à l’Union européenne, la Tchéquie n’a toujours pas adopté l’euro et ses dirigeants ne semblent pas disposés à ce qu’il en soit autrement à court comme à moyen terme. Lundi 1er janvier, cependant, le chef de l’État, Petr Pavel, a relancé le débat en se prononçant clairement en faveur d’une entrée dans la zone euro.
C’est une certitude, et le pays s’y est d’ailleurs engagé lors de l’élargissement de l’Union européenne en 2004 : un jour, la Tchéquie aura, elle aussi, l’euro pour monnaie officielle. Le traité d’Athènes, qui avait consacré son adhésion en 2003, la contraint d’ailleurs à rejoindre l’Union économique et monétaire. À terme, cependant uniquement, puisqu’aucune date butoir n’a jamais été fixée à Prague.
Ainsi, alors que la Tchéquie s’apprête à célébrer, au printemps, le 20e anniveraire de son entrée dans la grande famille européenne, et tandis que sept des neuf autres pays qui avaient alors profité comme elle du passage de l’Union de quinze à vingt-cinq membres ont depuis adopté la monnaie unique, toute la question reste de savoir quand un de ses gouvernements finira par sauter le pas.
Une chose semble d’ores et déjà acquise : malgré les différents points de vue sur la question qui divisent les cinq partis qui la composent, ce ne sera pas l’actuelle coalition de centre-droit dirigée par Petr Fiala. Aux yeux du Premier ministre et leader du parti conservateur ODS, opposé à son adoption, l’euro ne constitue clairement pas une priorité. Et ce d’autant moins dans le contexte économique actuel.
Mais alors que le débat semblait au point mort, le président de la République, à la surprise de nombreux observateurs, l’a relancé lors de son discours du Nouvel an. Comme sur la question des dépenses consacrées à la défense dans le cadre de son appartenance à l’OTAN, Petr Pavel a rappelé que pour l’euro aussi, la Tchéquie se devait de respecter ses obligations au sein des organisations internationales :
« Il est temps pour nous, après toutes ces années, de commencer à prendre des mesures concrètes qui nous permettront de respecter cet engagement. Malgré des débats interminables sur les avantages et les inconvénients de l’adoption de l'euro, pour un pays doté d’une économie d’exportation ouverte au cœur de l’Europe, la monnaie unique constitue un avenir logique. »
Pour l’économiste Pavel Mertlík, ancien ministre des Finances (1999-2001) et actuel recteur de l’Université Škoda Auto, invité de la Radio tchèque mardi soir, la Tchéquie commet une erreur stratégique en refusant d’envisager plus concrètement l’adoption de la monnaie européenne :
« Nous sommes actuellement dans la position d’un passager clandestin. Nous n’avons pas d'exemption négociée, mais dans les faits, nous agissons comme si cela était le cas. Comme l’UE a d’autres chats à fouetter que de presser la République tchèque, elle nous laisse tranquilles. Nous ne sommes pas les seuls dans ce cas, d’autres pays le sont aussi. Mais du point de vue de notre crédibilité sur le long terme, je pense qu’il ne s’agit pas là d’une bonne approche. »
Toujours selon Pavel Mertlík, si la Tchéquie, en raison d’un simple manque de volonté politique, a laissé passer le train, celui-ci ne passe cependant pas qu’une fois et c’est pourquoi il n’est certainement pas encore trop tard pour le prendre en marche :
« Si nous n’avions pas annulé le plan gouvernemental approuvé à l’époque et si nous avions continué à nous préparer à la fin de la première décennie des années 2000, nous aurions pu adopter l’euro en 2010 avec les Slovaques sans le moindre problème. Nous remplissions tous les critères à l’époque et je pense que personne aujourd’hui ne se souviendrait des différends de l’époque, pas plus que les Slovaques ne s’en souviennent chez eux. »
« En Slovaquie, tout le monde s’est habitué à l’euro et tous sont d’accord sur le principe. De notre côté, nous avons manqué cette occasion. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation où nous ne remplissons plus tous les critères de Maastricht. Cependant, si nous nous engagions intérieurement à respecter un calendrier avec une réelle volonté de remplir les critères, nous serions en mesure d’y parvenir en l’espace de deux à trois ans. »
Cette volonté n’est toutefois pas celle de l’ODS, la principale formation gouvernementale. Alors que les quatre autre partis qui composent la coalition sont, eux, favorables à l’euro, le parti fondé et resté longtemps dirigé par le très eurosceptique Václav Klaus estime qu’il est toujours préférable pour la Tchéquie et son économie de pouvoir mener sa propre politique monétaire, comme le confirment les propos du député Jan Skopeček :
« Au début du mandat du gouvernement, il a été dit très clairement que ce gouverment ne déciderait pas de l’adoption de l’euro et je pense que les autres plus petits partis de la coalition devraient respecter cet accord. Je ne vois aucune raison de renoncer au taux de change flottant aujourd’hui. Le président devrait expliquer en quoi un taux de change fixe serait meilleur pour l’économie tchèque et en quoi il serait bon pour la Tchéquie d’abandonner sa propre politique monétaire alors que celle-ci peut réagir à l'évolution de l’économie du pays. Monsieur le président devrait expliquer pourquoi il convient d’adopter l’euro rapidement alors que la majorité des Tchèques ne le souhaitent pas. »
En décembre dernier, le ministre du Développement régional et leader du Parti des Pirates, Ivan Bartoš, avait déclaré que la Tchéquie devrait faire le nécessaire pour adhérer au mécanisme de taux de change européen dit MCE II, une étape préalable indispensable pour les pays qui aspirent à rejoindre la zone euro.
Comme l’ont toutefois rappelé le Premier ministre Petr Fiala et le ministre des Finances Zbyněk Stanjura, lui aussi membre de l’ODS, la priorité du gouvernement en matière de politique économique reste d’assainir les finances publiques, soit donc un des critères-clés pour l’adoption de la monnaie européenne, avant, éventuellement, d’entamer un nouveau débat sur l’avenir de l’euro en Tchéquie.