Prague a applaudi la musique d'Olivier Messiaen
C'est pour la première fois que le public tchèque a eu l'occasion d'entendre, ce dimanche, la suite symphonique d'Olivier Messiaen intitulée "Des canyons aux étoiles", oeuvre qui marie les grands élans mystiques avec le chant d'oiseaux. On y trouve tous les aspects du style de Messiaen, style d'une profonde originalité qui a marqué la musique du XXe siècle. L'oeuvre a été exécutée par le Prague Philharmonia et plusieurs solistes invités placés sous la direction de Michel Swierczewski. Ce dernier a répondu, à l'issue du concert, à quelques questions de Vaclav Richter.
"C'est surtout une immense fresque, une fresque qui décrit ces merveilleux canyons de l'Utah et dans laquelle Messiaen a placé tous les oiseaux qu'il pouvait, en fait, puisqu'il y a les oiseaux d'Amérique du Nord, bien sûr, mais aussi les oiseaux exotiques, les oiseaux d'Australie etc. Et il y aussi un énorme côté spirituel de cette pièce ..."
Comment l'orchestre a accueilli cette composition? Les musiciens n'ont-ils pas été découragés par son étrangeté, par les instruments exotiques, par l'immense complexité de cette oeuvre?
"Tout dépend. Vous savez depuis un an nous faisons avec le Prague Philharmonia un gros travail pour que la musique contemporaine, la musique du XXe siècle, s'installe à Prague. Beaucoup de musiciens ont déjà participé non seulement à la saison de l'abonnement « S » au Théâtre Svanda (Svandovo divadlo) à Prague-Smichov, mais l'orchestre a présenté, l'année dernière, une pièce nouvelle de Tristan Muraille que nous avons joué à Marseille en création mondiale, une pièce merveilleuse pour ensemble électronique et qui s'appelle "Pour adoucir le cours du temps" et que nous allons reprendre à Prague en février. Donc il y a déjà une habitude qui s'installe, un savoir-faire. Evidemment comme dans tous les ensembles il y en a qui aiment cette musique, il y en a d'autres qui sont plus ou moins indifférents et il y en a beaucoup qui la rejettent aussi. Mais tous les participants à la création de cette oeuvre ici à Prague ont donné vraiment le maximum de ce qu'ils pouvaient donner, je pense."
De son vivant Olivier Messiaen surveillait les exécutions de ses eouvres dans le monde et il confiait les instruments solistes à sa femme et aux membres de sa famille. Où avez-vous trouvé les solistes de cette soirée?
"J'ai déjà une grande expérience de cette musique, j'ai aussi travaillé personnellement avec Messiaen sur certaines de ses pièces et puis les deux solistes français qui sont venus sont loin d'être des novices dans ce répertoire. Le percussionniste Frédéric Daumas joue avec la plupart des grands ensembles de musique contemporaine, en France et à l'étranger. Il a son propre ensemble de percussion. Le pianiste Cédric Tiberghien met actuellement beaucoup de pièces de Messiaen à son répertoire. Il vient de jouer la symphonie Turangalila à la Norddeutsche Rundfunk à Hambourg et, la semaine prochaine, il la joue avec l'Orchestre national de France, donc c'est quelqu'un qui a vraiment habitude de ce répertoire."
Il y avait aussi une soliste tchèque ...
"Bien sûr, la première corniste de l'orchestre (Michaela Rohacova). C'est une partie très importante et elle a travaillé d'une façon absolument merveilleuse. C'est pendant des mois qu'elle travaille cette partition et je pense qu'elle s'en est très bien sortie."
Peut-on dire donc qu'il existe actuellement une nouvelle génération d'interprètes de cette musique?
"C'est ce que nous essayons de créer à Prague. Je crois qu'il est extrêmement important que cette musique soit présente non seulement dans les grandes capitales européennes et mondiales mais aussi dans les villes plus petites. Et mon but c'est que ce répertoire soit présent non seulement à Prague. Et je vois qu'en République tchèque il y a de jeunes compositeurs qui sont extrêmement intéressants et j'espère les aider au maximum pour qu'ils puissent se produire."
Aimeriez-vous présenter aussi d'autres oeuvres de Messiaen au public tchèque?
"Oui, mais pas seulement Messiaen. Mon rêve est de faire ici une intégrale de Varèse, parce que je pense que c'est un musicien absolument merveilleux. Cette intégrale peut être faite en deux concerts parce que l'oeuvre de Varèse est finalement assez courte. Mais c'est un musicien qui a tellement apporté à la musique du XXe siècle et influencé tellement de compositeurs, par exemple Xenakis, qu'il me semble très important de la jouer ici."