Le gouvernement tchèque approuve un nouveau dispositif contre les pensions alimentaires impayées
Le gouvernement tchèque a approuvé lundi le principe des pensions alimentaires « de substitution » dans le cas des ex-conjoints mauvais payeurs, a annoncé la ministre du Travail et des Affaires sociales Jana Maláčová (ČSSD). Si le projet de loi est enfin adopté, c'est l'Etat qui prendrait en charge sous certaines conditions le versement des impayés.
La question des pensions alimentaires non-payées et des modalités de leur recouvrement est un serpent de mer dans l’actualité sociale tchèque : ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement se retrouve avec un projet de loi sur la table et les débats à la Chambre des députés, qui doit encore l'approuver, promettent d'être houleux.
Plusieurs types de mécanismes ont été envisagés par le passé et ceux-ci divergent selon les pays qui choisissent d'aider les familles concernées par le problème des pensions non-payées. En France, un dispositif, dont l’entrée en vigueur a été repoussée pour cause de crise sanitaire, prévoyait que les Caisses d'allocations familiales se substituent immédiatement et automatiquement au parent mauvais payeur. Ce n'est pas ce modèle que le gouvernement tchèque veut faire adopter.
Selon le projet de loi approuvé, les enfants du parent non-payeur pourraient recevoir une nouvelle pension. Celle-ci serait versée par le Bureau du travail (équivalent de Pôle emploi en France) pourrait ainsi leur verser une pension alimentaire, mais pour un total ne dépassant pas 3 000 couronnes (113 euros), et pour un maximum de deux ans.
Pour pouvoir y prétendre, le parent lésé devra prouver que la pension alimentaire n'a pas été versée par l'ex-conjoint pendant au moins quatre mois et qu'il a entamé des démarches auprès d'un huissier ou au tribunal. Jana Maláčová, ministre du Travail et des Affaires sociales :
« Si une procédure de recouvrement de la pension est en cours, le parent peut faire la demande de la pension alimentaire de substitution. Il doit prouver l'existence d'une procédure de recouvrement. Ensuite, le Bureau du travail a 30 jours pour examiner le dossier de demande. S'il est approuvé, la pension de substitution est ensuite versée. »
Le bénéficiaire de la pension de substitution devra ensuite prouver tous les quatre mois que l'ex-conjoint ne paye toujours pas sa pension. De son côté, le Bureau du travail serait chargé de recouvrir les dettes des mauvais payeurs. Une façon, selon la ministre du Travail, de forcer ces derniers à assumer leur responsabilité vis-à-vis de leur progéniture.
Si la somme compensatoire envisagée semble dérisoire par rapport à la situation de nombreuses familles monoparentales touchées par ces impayés, l'introduction de ce dispositif dans la législation permettrait au moins de palier en partie à la situation de précarité financière dans laquelle se retrouvent de nombreux parents séparés avec des enfants en bas âge à charge.
Sans grande surprise, les femmes sont les plus touchées et selon les données de l'agence Median, seules 14% d'entre elles ont une situation financière stable. Le parent non-payeur qui accumule les dettes vis-à-vis de son ex-conjoint n'est pas une exception. Markéta vit à Ostrava et a trois enfants, elle fait partie de ces mères seules dont le quotidien s'apparente à une galère financière continue :
« Il me paye 200 couronnes tous les quatre mois, quand il peut en fait. Il me doit 150 000 couronnes pour mes trois filles. Si vous ne portez pas plainte contre le père de vos enfants, vous n'avez droit à aucune aide de l'Etat. »
Inscrite dans les cadres législatifs allemand, autrichien, polonais ou encore slovaque, la compensation de la pension alimentaire impayée avait pourtant une tradition en République tchèque. Mise en place en 1948, dans le cadre de la politique d’Etat pro-nataliste, elle a existé jusqu’en 1991, puis dans une forme réduite avant d’être abrogée en 2006.
La réintroduction de cette mesure est devenue un point fixe du programme du parti social-démocrate, auteur de plusieurs projets de loi allant dans ce sens et que la ministre du Travail espère faire adopter aujourd'hui, tout en reconnaissant qu'il s'agit là d'une façon « d'éteindre l'incendie, mais qui ne règle pas le problème de fond ».
D'autant plus que la crise sanitaire liée au coronavirus risque d'impacter encore davantage les familles séparées, que ce soit du côté des mauvais payeurs chroniques ou du côté des parents lésés.
Le ministère estime à 24 000 le nombre de demandes de pension de substitution que l'Etat pourrait recevoir annuellement, et à 861 millions de couronnes la somme qu'il devrait débourser.