Daliborka est une tour gothique qui faisait partie des anciens remparts du Château de Prague. Contrairement à la fameuse Ruelle d’or qui se trouve à sa proximité, Daliborka ne se range pas parmi les principaux attraits touristiques du château. A tort, car ce monument ancré dans l’imaginaire populaire tchèque a une histoire intéressante. Nous vous y emmenons dans le cadre de notre série estivale Histoires de Prague.
L’histoire de la tour Daliborka remonte au XVe siècle. Elle est liée au règne de Vladislas Jagellon, de la dynastie d’origine lithuanienne, élu roi de Bohême en 1471. Le guide Šárka Gandalovičová explique :
« A l’époque de Vladislas Jagellon, il s’est avéré nécessaire de reconstruire le Château de Prague qui, cent ans durant, n’a pas été habité par les rois de Bohême. Depuis la fin du XIVe siècle, jusqu’à l’époque de Vladislas Jagellon, les rois siégeaient dans la Vieille-Ville, près de la Tour poudrière, là où se trouve aujourd’hui la Maison municipale. Vladislas Jagellon a décidé de s’installer au Château de Prague et de le rénover. Il a fait appel à un architecte d’origine allemande, Benedikt Rejt (ou Ried, ndlr). Celui-ci a été chargé de mener les travaux de remaniement du Palais royal. Il a notamment construit la magnifique salle Vladislas, dans le style du gothique flamboyant, ainsi que la nouvelle fortification au nord du Château de Prague. »
Benedikt Rejt, à qui l’on doit aussi l’église Sainte-Barbe de Kutná Hora et l’église Saint-Nicolas de Louny, a construit un mur de fortification séparant le Château de Prague du grand fossé naturel, appelé le Fossé aux cerfs.
« Les murailles faisaient huit mètre de haut et avaient de 2,5 à 3,5 mètres d’épaisseur. Sur le pourtour il y avait un chemin de ronde qui servait aux archers du château. Aujourd’hui encore, on peut y trouver une curiosité : les meurtrières tournantes. Les embrasures de ce type sont une invention tchèque de Benedikt Rejt. »
Au bout de la Ruelle d’or
Une des parties composantes de cette fortification est la Ruelle d’or, aujourd’hui très prisée des touristes, une rue pittoresque dont les maisonnettes étaient habités par les gardes du château et plus tard par de petits artisans. Aux extrémités de la ruelle se trouvent deux tours, la Tour blanche et la Tour de Dalibor, appelée aussi Daliborka, transformées toutes les deux en prison. Šárka Gandalovičová raconte :
« L’appellation Daliborka se rapporte au premier prisonnier qui y a purgé sa peine entre 1496 et 1498, Dalibor de Kozojedy. C’était un aristocrate qui avait son domaine dans la région de Litoměřice. Il a soutenu les insurgés qui se sont révoltés contre son voisin (Adam Ploskovský de Drahonice, ndlr). Or selon la législation d’alors, il s’est enrichi de la possession de son voisin aristocrate, ce qui lui a valu une peine de prison et une décapitation en 1498. »
Dalibor et son violon
« Dalibor était apprécié par les gens. On raconte beaucoup de légendes sur lui, dont une qui est très connue et très triste, comme le sont souvent les légendes slaves. Elle raconte que pendant son séjour en prison, Dalibor s’est mis à jouer du violon, pour surmonter le chagrin et l’ennui. Il a appris à jouer tellement bien que les habitants du quartier venaient l’écouter au pied de la tour. Un jour, ils n’ont plus rien entendu, parce que Dalibor de Kozojedy avait été décapité. Cette légende est jolie, mais elle oublie un petit détail : le violon n’a été inventé qu’au XVIe siècle… Probablement que le violon signifie ici un instrument de torture. »
Il n’empêche que la légende de Dalibor a inspiré l’écrivain Alois Jirásek et le compositeur Bedřich Smetana. Elle a même été portée à l’écran dans les années 1950.
Endommagée par un incendie en 1781 et abaissée d’un étage, la tour Daliborka a servi de prison jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, comme nous le raconte Stanislav Kubát, guide au Château de Prague :
« A l’origine, Daliborka était une prison destinée à la noblesse. Les cellules ici étaient individuelles, elles étaient même chauffées et avaient une fenêtre, donc c’était un luxe comparé aux conditions dans les prisons ordinaires. Il est vrai qu’en bas, il y a un trou qui servait d’oubliettes et où on plaçait des prisonniers pour les punir. Au fil du temps, Daliborka est devenue une prison pour tout le monde, où ont été incarcérés par exemple les représentants des Etats tchèques, condamnés à mort après la bataille de la Montagne blanche. »
Accessible aux visiteurs depuis la fin du XIXe siècle, la tour Daliborka abrite une exposition d’instruments de torture, dont le fameux « violon ». Aujourd’hui encore, les Tchèques utilisent couramment l’expression « nouze naučila Dalibora housti », en français « la misère a appris à Dalibor à jouer du violon », autrement dit « la misère peut faire des miracles ».
https://www.hrad.cz/fr/bienvenue-au-chateau-de-prague
La série Histoires de Prague a été réalisée en collaboration avec l’historienne de l’art Šárka Gandalovičová, directrice de l’agence Czech Art Tours & Consulting (http://www.czech-art-tours.cz/).