série

2) Vyšehrad, le berceau mythique de Prague

Vyšehrad, photo: Štěpánka Budková

Notre série estivale « Histoires de Prague » nous emmène cette fois à Vyšehrad, un rocher qui se dresse au-dessus de la Vltava. C’est ici, au sommet d’une falaise qui domine la capitale, que se déroulent les plus anciennes légendes tchèques. Le site fortifié de Vyšehrad qui remonte au Xe siècle, le parc et le cimetière de Slavín où reposent des personnalités célèbres, offrent l’occasion d’une belle promenade qui en dit beaucoup sur l’histoire des Tchèques, leurs mythes et rêves.

Vyšhrad par Karel Mařák,  source: Le bureau du Château de Prague
Horymír et Šemík

« Vyšehrad, le deuxième château incontournable de Prague », « le contrepoint historique et mythique du Château de Prague », peut-on lire sur les serveurs touristiques qui invitent à visiter ce site situé au sud du centre-ville, sur  un promontoire rocheux. Les guides ne manquent par de rappeler les nombreuses légendes qui se rattachent à Vyšehrad, notamment celle de Horymír qui, après être entré en conflit avec le prince Křesomysl, a échappé à l’exécution en sautant depuis la falaise abrupte sur son beau cheval blanc Šemík. Par miracle, Horymír et Šemík ont ainsi rejoint l’autre rive de la Vltava, celle qui est dominée par le grand concurrent de Vyšehrad, le Château de Prague. Au XXIe siècle, Vyšehrad demeure un lieu magique et mystérieux, car 17% seulement de son patrimoine a été jusqu’à présent étudié et décrit par les historiens et archéologues (comparé à 80% du patrimoine du Château de Prague). Guide à Prague, Šárka Gandalovičová nous en dit plus :

Vyšehrad,  photo: Štěpánka Budková

« L’histoire du site de Vyšehrad est beaucoup plus ancienne que celle de la forteresse baroque, dont on trouve les vestiges aujourd’hui. Nous avons deux sources d’informations sur Vyšehrad. Premièrement, ce sont les recherches archéologiques qui y sont effectués depuis le XXe siècle jusqu’à aujourd’hui. Ces fouilles ont démontré que le lieu était habité dès le IVe millénaire avant notre ère. La deuxième source, ce sont les chroniques, notamment la chronique de Kosmas datant du XIe siècle, ainsi que la chronique d’un chanoine de Vyšehrad de la moitié du XIIe siècle. Elles documentent le début du Moyen Âge à Vyšehrad. »

« Pour les Pragois, Vyšehrad est avant tout un lieu de promenade très agréable. On y trouve un vaste parc avec des monuments qui datent de différentes époques. Certains d’entre eux sont accessibles au public, d’autres ne le sont pas. Dans certains lieux se poursuivent des fouilles archéologiques qui sont parfois aussi ouvertes aux visiteurs. »

Vyšehrad,  photo: Štěpánka Budková

Une résidence royale

L’histoire de Vyšehrad est marquée par des hauts et des bas, par des périodes d’essor, succédées par celles d’oubli total. Šárka Gandalovičová  raconte :

Vratislav II de la dynastie des Přemyslides,  fresque de la rotonde de Znojmo,  photo: public domain

« Au cours des siècles, Vyšehrad a beaucoup changé et ces transformations étaient liés aux différents rôles que lui donnaient les souverains. Les sources historiques les plus anciennes évoquent par exemple l’Hôtel de la monnaie qui existait à Vyšehrad dès le Xe siècle. A la charnière des Xe et XIe siècle, on y frappait environ 35 types de deniers utilisés dans toute la Bohême. A cette époque, l’histoire de Vyšehrad est surtout liée au règne du prince Vratislav II de la dynastie des Přemyslides. Celui-ci devient roi de Bohême en 1085. Il a obtenu ce titre seulement pour sa personne, il ne s’agissait pas encore d’un titre héréditaire.. »

La rotonde Saint-Martin,  photo: Štěpánka Budková

« Vratislav quitte le Château de Prague, devenu depuis le IXe siècle le siège des princes de Bohême, et s’installe à Vyšehrad. Nous savons très bien pourquoi : au Château de Prague siégait également son frère, l’évêque de Prague. Les relations entre les deux frères étant très compliquées, Vratislav décide de bâtir à Vyšehrad une résidence des souverains tchèques et de diminuer par conséquent l’importance du Château de Prague. Il est alors nécessaire de construire sur la colline toutes sortes de bâtiments : ce seront le palais, la basilique Saint-Pierre-et-Saint-Paul, la rotonde Saint-Martin et d’autres églises encore. »

Le renouveau sous le règne de Charles IV

Le portail de la basilique Saint-Pierre-et-Saint-Paul,  photo: Štěpánka Budková

Les princes de la dynastie des Přemyslides siègent à Vyšehrad jusqu’à la première moitié du XIIe siècle, avant de se réinstaller ensuite au Château de Prague qui devient ainsi définitivement la résidence des souverains de Bohême. Vyšehrad tombe quelque peu dans l’oubli, pour connaître un renouveau au XIVe siècle, sous le règne de l’empereur Charles IV, descendant de la dynastie tchèque des Přemyslides, par sa mère Elisabeth, et de la dynastie des Luxembourg par son père Jean l’Aveugle. Šárka Gandalovičová :

Les vestiges de la porte Špička  (Le bout) du XIVe siècle,  photo: Kristýna Maková

« Charles IV était très fier de ses origines tchèques. Il a passé beaucoup de temps à Vyšehrad et d’après une règle qu’il avait édictée, le roi de Bohême devait toujours y passer la nuit qui précédait son couronnement, pour que le lendemain, le cortège puisse partir de Vyšehrad en direction de la cathédrale Saint-Guy au Château de Prague. Sous Charles IV, des remaniments dans le style gothique ont lieu à Vyšehrad et on y constuit aussi de nouvelles églises et fortifications. N’oublions pas qu’à proximité du site, Charles IV fait édifier dès 1348 le quartier de la Nouvelle-Ville, qui fait de Prague de l’époque la troisième plus grande ville d’Europe. La construction de nouvelles fortifications à Vyšehrad fait partie de ce projet ambitieux. »

La porte de Tábor,  photo: Kristýna Maková

Forteresse baroque et casemates

Après la mort de Charles IV, l’importance de Vyšehrad décline à nouveau. Le site est démoli pendant les guerres hussites au XVe siècle, et tombe en ruines, avant d’être transformé en puissante forteresse à la période baroque.

La porte Leopold,  photo: Štěpánka Budková

« C’est un peu paradoxal que cette forteresse n’ait pas été construite au début du XVIIe siècle, car elle aurait pu protéger la ville pendant la guerre de Trente Ans. Or les fortifications n’ont été édifiées qu’après cette guerre, vers la moitié du XVIIe siècle et à l’époque postérieure, et se sont conservées jusqu’à nos jours : il s’agit des deux magnifiques portes baroques, la porte de Tábor et la porte Leopold, des casemates qui sont en partie accessibles aux visiteurs, de même que la salle souterraine Gorlice. Le sous-sol de Vyšehrad mérite décidément une visite ! »

Slavín,  photo: Štěpánka Budková

Slavín, le Panthéon tchèque

La salle Gorlice,  photo: Kristýna Maková

Parmi les monuments incontournables sur la colline de Vyšehrad figure, outre la salle Gorlice, qui abrite six sculptures originales du pont Charles, la plus ancienne rotonde de Prague, dédiée à saint Martin, l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul dont les tours sont visibles de loin, ainsi que le cimetière de Slavín, l’un des plus remarquables de la capitale, devenu une sorte de Panthéon national, où sont inhumées des centaines de personnalités de la vie culturelle et publique, dont les compositeurs Bedřich Smetana, et Antonín Dvořák, le peintre Alfons Mucha, l’écrivain Karel Čapek, ainsi que des acteurs, chanteurs, musiciens, scientifiques, politiciens et sportifs. L’histoire du cimetière remonte au XIXe siècle, époque où Vyšehrad, tombé à l’oubli pendant deux siècles, redevient, aux yeux des Tchèques, un lieu romantique et recherché. On écoute Šárka Gandalovičová :

Le cimetière de Vyšehrad,  photo: Štěpánka Budková

« Au XIXe siècle, à l’époque du réveil national, on s’est souvenu par exemple de la chronique de Václav Hájek de Libočany du XVIe siècle qui évoque Vyšehrad comme un lieu mythique, où les premiers Tchèques s’étaient installés, où vivait la princesse Libuše... Ce sentiment patriotique a ravivé l’intérêt pour ce lieu. Tout ce qui existait à Vyšehrad a été remanié dans le style néo-gothique, notamment la basilique Saint-Pierre-et-Saint-Paul. Grâce aux chanoines très sensibles aux idées du réveil national, on a fondé dans l’enceinte de Vyšehrad le cimetière national, où les Tchèques illustres sont inhumés jusqu’à nos jours. »

Pour accéder à Vyšehrad, il convient de prendre la ligne de métro C jusqu’à la station éponyme, ou alors prendre le tram, descendre à l’arrêt Výtoň et monter l’escalier rue Na Libušince. En descendant vers le centre-ville, vous remarquerez sans doute les magnifiques immeubles cubistes qui font tout le charme du quartier situé au pied de Vyšehrad. A savoir également que toute la localité est intéressante du point de vue naturel : on peut en effet y observer des animaux et plantes rares.

La colline de Vyšehrad,  photo: Kristýna Maková

https://www.praha-vysehrad.cz

La série Histoires de Prague a été réalisée en collaboration avec l’historienne de l’art Šárka Gandalovičová, directrice de l’agence Czech Art Tours & Consulting (http://www.czech-art-tours.cz/).

14
50.063750950000
14.417667380000
default
50.063750950000
14.417667380000