Délégation parlementaire tchèque à Taïwan : un déplacement « différent des autres »
Le président du Sénat Miloš Vystrčil (ODS) mène la délégation officielle tchèque qui se rend ce samedi à Taïwan, pour un déplacement étroitement surveillé. Le sénateur indépendant Pavel Fischer, ancien ambassadeur tchèque en France, fera, comme le maire de Prague, partie de cette délégation qui comprendra également plusieurs chefs d’entreprises.
Pavel Fischer : « La visite que le Sénat prépare à Taïwan est différente des autres, d’abord en raison de la pandémie de coronavirus, qui entraîne beaucoup de limitations aux relations diplomatiques. Donc nous sommes bien surveillés, déjà médicalement. »
Quels écueils sont-ils à éviter lors de la préparation d’un voyage vers Taïwan ?
« Les écueils sont pratiques, mais aussi politiques. Taïwan reste une entité à part, une démocratie parlementaire avec séparation des pouvoirs et un respect de libertés que nous partageons également. En tant que représentants du Parlement, nous avons tout d’abord intérêt à rencontrer nos pairs et homologues sur place et encourager la coopération économique, scientifique et culturelle qui existe entre nos deux pays. »
« Cette coopération a beaucoup de résultats – Taïwan est parmi les champions en termes d'investissements et de création d’emplois en République tchèque. Nous aurons l’occasion d’échanger avec les représentants de l’exécutif et serons accueillis par la Présidente de Taïwan. »
Vous avez vous-même été diplomate, ambassadeur dans le passé, est-ce la première fois que vous vous rendez dans un pays qui n’est pas reconnu par la République tchèque ?
« Nous avons des relations qui ne sont pas comme avec des pays membres de l’ONU et c’est le cas pour Taïwan. Personnellement, ce sera ma première visite. »
« Des pressions exercées par la Chine au-delà des frontières de l'acceptable »
On a beaucoup parlé de pressions de la part de Pékin pour que ce genre de déplacement n’ait pas lieu. Avez-vous personnellement ressenti une certaine pression pour ne pas vous rendre à Taïwan ?
« Il faut rappeler que le projet de visiter Taïwan n’est pas nouveau – c’était un projet politique du défunt président du Sénat, Jaroslav Kubera, disparu en début d’année. Son successeur, Miloš Vystrčil a fait de ce projet le sien après avoir reconnu que les pressions exercées notamment par l’ambassade de la République populaire de Chine à Prague ont été au-delà des frontières de l’acceptable. »
« Ce n’est pas nouveau. D’ailleurs on observe en Europe un agissement peu diplomatique du service diplomatique chinois mais ici l’ambassade a posé ses conditions sur papier avec en-tête officiel et là nous avons reconnu en tant que sénateurs que la règle de la non interférence dans les affaires intérieures et constitutionnelles de la République tchèque avait été transgressée. C’est pour ça que cette question a été largement débattue dans les deux Chambres du parlement tchèque. Au Sénat, le projet de visite à Taïwan a été approuvée à 50 voix pour contre une abstention et une absence. Donc ce n’est plus un projet politique personnel mais une démarche de la Chambre en tant que telle. »
« Résultats médiocres des efforts déployés par le Président Zeman avec la Chine »
Le fait que la Présidence de la République tchèque soit critique envers ce déplacement complique-t-il votre tâche ?
« Nous sommes un pays démocratique et je crois que c’est dans l’intérêt de tous d’avoir des relations bilatérales mutuellement avantageuses avec tous les pays avec lesquels nous avons intérêt à coopérer. C’est le cas aussi pour la République populaire de Chine, donc nous avons un intérêt commun. Mais c’est vrai que l’engagement personnel de Miloš Zeman, en sa qualité de Président de la République, a été assez important. Hélas, les fruits de son engagement sont médiocres, voire très peu importants. Alors notre intérêt est aussi de mener un débat ouvert et démocratique pour analyser ces efforts politiques et diplomatiques du Chef de l’Etat pour éventuellement ajuster notre politique étrangère et ne pas oublier tous les alliés qui ont parfois des soucis avec le comportement de la Chine. »
« Je pense en particulier à la Suède, qui est dans une relation très conflictuelle avec la Chine, ou au Royaume-Uni qui a considéré la nouvelle loi sur la sécurité promue par Pékin comme une transgression de la coopération qu'il a signée bilatéralement avec la Chine. Nous devons être attentifs à ce qui se passe entre la Chine et nos alliés et agir en conséquence. »