Les élections régionales ou la fin de l’inertie politique en Tchéquie
Cette nouvelle revue de la presse tchèque de la semaine écoulée se penche d’abord sur les résultats des élections régionales, qui se sont tenues le week-end dernier. Les Tchèques préfèrent l’achat à la location immobilière, l’accès à la propriété étant un objectif pour la majorité. Autres sujets traités : les retombées de la crise du coronavirus sur les transports publics, le dédommagement tardif des victimes des répressions policières en 1969 ou encore le 60e anniversaire de la mort du poète Jan Zahradníček.
« L’inertie politique est finie » : tel est le constat qu’a dressé le site d’informations aktualne.cz à l’issue des élections régionales et sénatoriales qui se sont tenues vendredi 2 et samedi 3 octobre en République tchèque. L’auteur du commentaire en question explique :
« Ces élections ont mis à jour les transformations en cours sur l’échiquier politique qui, jusque-là, étaient peu visibles. On assiste à une ébullition au centre et à droite, ainsi qu’à l’échec de la gauche. Le Parti social-démocrate (ČSSD), qui était autrefois le parti le plus important dans le pays, semble se mourir ou tomber dans l’insignifiance. Mais ces élections ont aussi confirmé une certaine stagnation du mouvement ANO d’Andrej Babiš. »
Le quotidien Hospodářské noviny est plus prudent, considérant qu’il serait prématuré de lire les résultats de ces élections régionales comme un renforcement de la position de l’opposition face au mouvement ANO et à ses alliés.
Le commentateur du quotidien Deník N estime lui aussi qu’il est difficile de définir les vainqueurs et les perdants de ce scrutin. « Leurs résultats ne peuvent pas être appliqués au comportement des électeurs lors des législatives », remarque-t-il. L’occasion également de saluer l’échec des communistes et le peu d’attrait pour l’extrême-droite.
Le site seznam.cz écrit à ce propos :
« Andrej Babiš a atteint un succès historique, car son mouvement ANO a gagné dans dix des treize régions où l’on votait, ce qu’aucun autre chef de gouvernement n’avait encore réussi. C’est pourtant un succès en trompe-l'œil, car dans la majorité des cas, ANO peine à trouver des partenaires prêts à former des coalitions avec lui. »
Concernant le premier tour des élections sénatoriales, le site remarque également que les partis de la coalition gouvernementale ont essuyé un très grand échec. Le quotidien Deník observe ainsi :
« Aux prochaines élections législatives, ce ne sont pas les traditionnels partis d’opposition et leurs éventuelles coalitions, mais les Pirates qui défieront Andrej Babiš. »
Le magazine Reflex met en relief « l’échec absolu du Parti communiste de Bohême et de Moravie (KSČM). » L’auteur du texte intitulé « Les communistes s’apprêtent à disparaître dans les tréfonds de l’histoire » explique :
« Le temps où les communistes obtenaient encore plus de 10% des suffrages lors des élections est révolu. Leur débâcle s’explique non seulement par leur idéologie anhistorique et dépassée, mais aussi par leur rigidité. Les communistes semblent vivre dans les années 1980, ne comprenant absolument pas les problèmes actuels. La mortalité naturelle de leur électorat âgé est aussi une des causes de leur chute logique. Le KSČM n’est pas un parti de gauche moderne, mais un parti traditionnaliste et conservateur. »
Les Tchèques ne veulent pas vivre en location
Les Tchèques désirent être propriétaires de leur logement. D’ailleurs, la majorité d’entre eux habitent dans un appartement ou dans une résidence qui leur appartient. Selon le quotidien économique Hospodářské noviny, être locataire constitue aux yeux de beaucoup une solution destinée uniquement à ceux qui n’ont pas les moyens de rembourser régulièrement un prêt immobilier. Pire : il s’agit même d’une stigmatisation sociale. L’auteur explique que la location peut pourtant être une meilleure option. D’autant que seuls des appartements de seconde catégorie et relativement chers sont actuellement disponibles sur le marché. Il écrit :
« Cette volonté de devenir propriétaire se manifeste même aujourd’hui, alors que l’économie globale est en baisse. Dans de pareilles circonstances, les gens ont habituellement tendance à faire des économies. C’est pourtant le contraire qui se passe en Tchéquie. Les chiffes le confirment : depuis le début du mois de janvier, les Tchèques ont conclu des prêts immobiliers dont le volume total en fin d’année pourrait bien faire tomber le record historique de 2016. »
Vu l’augmentation des prix de l’immobilier, on pourrait pourtant s’attendre à ce que les gens s’orientent désormais davantage vers la location immobilière. « C’est effectivement une pratique répandue dans les pays voisins, comme en Allemagne ou en Autriche », conclut d’ailleurs le journal.
Le Covid-19 et les transports
Conséquence de la pandémie de coronavirus, les transports publics souffrent comme jamais dans l’histoire moderne de la République tchèque, davantage encore que beaucoup d’autres domaines, comme en fait part le quotidien Mladá fronta Dnes :
« Durant le premier semestre de cette année, les transports publics ont perdu un tiers de leurs passagers. Les autocars ont transporté quelque 65 millions de personnes de moins que l’anneé dernière sur la même période. Les pertes du transport routier internationaul sont plus grandes encore. Les trains ont été empruntés par près de 32 millions de voyageurs de moins. Quant au transport aérien, en grande difficulté un peu partout dans le monde, il constitue un chapitre à part. La crise risque d’avoir un effet dévastateur sur les aéroports régionaux tchèques. »
Toujours selon Mladá fronta Dnes, les retombées de la pandémie sur les transports publics seront plus durables que dans d’autres secteurs d’activité :
« On peut estimer que la Tchéquie accueillira dans un proche avenir moins de touristes étrangers qu’en 2019. On peut aussi s’attendre à une fin du tourisme d’affaires. De même, si la situation actuelle se prolonge, les gens perdront l’habitude d’utiliser les transports publics et auront du mal à retrouver celles de la ‘vie d’avant’. »
Dédommager les victimes oubliées des manifestations de 1969
Définir et dédommager les crimes flagrants est un processus qui, parfois, dure longtemps, surtout lorsqu’on doit reconnaître la culpabilité de ses concitoyens. Mais mieux vaut tard que jamais, signale l’auteur d’un texte publié dans la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt :
« Trente-et-un ans après la chute du communisme, la Chambre des députés a adopté une loi en vertu de laquelle seront dédommagées les victimes de la repression brutale de la police lors d’une manifestation qui s’est tenue en août 1969 en signe de protestation contre l’occupation de la Tchécoslovaquie par les troupes soviétiques. Selon les données statistiques, l’intervention policière a entraîné la mort de cinq personnes parmi les manifestants, fait cinq blessés graves et beaucoup d’autres plus légers. En réalité, le nombre de victimes était probablement plus élevé. Ce sont les Tchécoslovaques, les membres des milices populaires et les policiers, qui en sont responsables. Ils ont fait usage de leurs armes sur ordre de la nouvelle direction de collaborateurs afin d’éliminer une bonne fois pour toutes les dernières volontés de pouvoir penser librement. »
Respekt rappelle qu’à la différence des victimes de l’invasion du pays par les chars soviétiques en 1968, qui ont déjà été dédommagées, celles des protestations survenues un an plus tard ne l’ont, elles, pas été. « Cette nouvelle initiative législative témoigne de la volonté de la société tchèque de se ranger aux côtés des pays ouverts, libres et sûrs d’eux », souligne-t-il.
Jan Zahradníček, le poète haï par le régime communiste
Forum24.cz a évoqué le décès, il y a 60 ans, du « prince de la poésie tchèque », Jan Zahradníček, « victime de l’arbitraire communiste ». Le site rappelle à ce propos :
« Jan Zahradníček était un poète particulièrement sensible, érudi et profond. Tout en étant un poète catholique, il s’entendait bien avec les hommes de lettres de diverses orientations. C’est probablement pour cette raison qu’en 1951 il a été condamné à treize ans de réclusion dans un procès politique monté de toutes pièces. Les interventions en sa faveur de la part des poètes reconnus de l’époque, comme Nezval et Hrubín, n’ont rien changé. La haine des communistes à son égard était trop profonde. »
Finalement, Jan Zahradníček a passé neuf ans en prison. Il est mort cinq mois après en être sorti. Ses poèmes, toujours selon Forum24.cz, ont souvent été récités et lus lors des rencontres clandestines.