Mezipatra, le festival de cinéma queer tchèque, de retour pour une 21e édition en ligne
Rendez-vous désormais incontournable de l’agenda culturel de l’automne en République tchèque, mais fortement compromis cette année en raison de la pandémie de covid-19, le festival de films queer Mezipatra se tient finalement bien. Pendant un peu plus de trois semaines, jusqu’au 21 novembre, de nombreux films LGBT+ sont disponibles sur le site internet du festival, dont certains en français.
Mezipatra donne une certaine visibilité aux films traitant de la communauté LGBT+ depuis le début du millénaire. Cette année encore, documentaires comme fictions figurent au programme du festival. Pas de grandes fêtes en revanche, mais plutôt des événements en ligne, comme le précise son directeur Pavel Bicek :
« Le festival repose naturellement avant tout sur le cinéma, mais nous sommes connus aussi pour organiser de grandes fêtes. Malheureusement, celles-ci ne sont pas possibles cette année à cause de la pandémie. Pour l’ouverture cette année, nous avons quand même demandé à un DJ de mixer de la musique que nous avons diffusée en ligne. Des ateliers, des discussions sur les thématiques LGBT+ et questions-réponses comme par exemple avec le réalisateur canadien John Greyson ont aussi été diffusés sur Internet, de même qu’une conférence sur comment réaliser un film LGBT+ en Europe de l’Est. Notre festival ne s’adresse pas qu’aux Tchèques, et c’est pourquoi tous les débats qui sont disponibles sur notre chaîne YouTube sont sous-titrés en anglais. »
Paradoxalement, la pandémie a même permis au festival de proposer plus de films encore que lors des éditions précédentes avec onze longs-métrages, des documentaires sur l’histoire des LGBT+ au XXe siècle ou encore des rétrospectives sur diverses personnalités queer.
« Nous étions très stressés en établissant le programme, car beaucoup de festivals ont dû être annulés. Nous craignions de ne pas être en mesure de diffuser suffisamment de bons films alors que, finalement, nous en proposons davantage que l’année dernière. L’industrie du cinéma ne s’est pas arrêtée en 2020. Ceci dit, estimer combien de personnes regarderont nos films cette année est compliqué, car nous n’avons aucune expérience des événements en ligne. Le nombre de spectateurs augmente chaque jour. L’année dernière ils avaient été environ 11 000, mais si cette année nous parvenons à un total de 5 ou 6 000, ce sera déjà un grand succès. Dans le contexte actuel, je pense que les gens préfèrent lire un livre ou aller se coucher en rentrant chez eux après une longue journée de travail plutôt que de s’installer devant un écran. »
La pandémie n’est pas la première épreuve que traverse Mezipatra. Lors de sa création en 2000, il n’existait pas ou peu d’associations LGBT+ en République tchèque. Lancer un tel festival relevait donc du défi, toujours selon son Pavel Bicek :
« Créer un festival de films LGBT était une forme d’activisme à cette époque. Quelques films et spectacles de théâtre étaient alors proposés. Cela permettait aux LGBT+ d’aller au cinéma en se tenant la main sans avoir à craindre les regards des autres. C’était encore un festival en petit comité qui, à ses débuts, se tenait d’ailleurs surtout à Brno puisqu’il n’est arrivé à Prague que lors de la troisième édition. Mezipatra s’appelait auparavant ‘Arc-en-ciel au-dessus de Brno’, ce qui confirme le réel aspect militant du festival. ‘Mezipatra’ signifie ‘mezzanine’ et nous aimons l’idée qu’il s’agisse d’un ‘étage entre les étages’. Cela veut dire que nous n’acceptons pas seulement les étages, mais aussi les mezzanines. Les étages sont une métaphore pour la binarité : être un homme ou une femme, être hétérosexuel ou homosexuel. Accepter les mezzanines signifie donc honorer aussi tous ceux qui sont ‘entre les étages’, qui ne sont ni tout à fait homme ni tout à fait femme, pas totalement hétérosexuel ou homosexuel. Nous sommes un festival queer, alors tout le monde y est le bienvenu. »
Ouvert donc à toutes les identités de genres et orientations sexuelles, Mezipatra accepte aussi toutes les nationalités. Le jury est composé de personnalités internationales de la culture telle que Brigid O’Shea, directrice germano-australienne du programme industriel de DOK, un festival de documentaires allemand. Outre les conférences en tchèque et les films d’Europe centrale, les courts et longs-métrages sont aussi argentins, suédois ou encore espagnols. Et même francophones pour certains films. Pavel Bicek nous recommande quelques-uns de ses préférés :
« Cette année, j’incite tout le monde à regarder notre film d’ouverture Futur Drei. C’est un film allemand réalisé par Faraz Shariat. Il raconte l’histoire d’Amon, un jeune Iranien qui vit en Allemagne, et aborde la question des immigrés de la deuxième génération et des personnes LGBT+ de couleur en Allemagne, ce qui est un sujet peu abordé dans le cinéma. Je vous conseille également le film argentin et allemand One in a thousand réalisé par Clarisa Navas. Iris, l’héroïne, vit dans la banlieue d’une ville argentine sur le déclin. C’est un univers machiste et dangereux. Un groupe de femmes se forme alors pour changer cette situation. Enfin, j’apprécie beaucoup le documentaire Petite fille du réalisateur français Sébastien Lifshitz dans lequel le personnage principal est une fille transgenre de sept ans. Le film cherche à montrer que les transgenres sont des personnes normales, et que c’est juste leur entourage qui attend d’eux qu’ils se comportent conformément au genre qui leur a été attribué à leur naissance. »
Parmi les autres films disponibles en français, on retrouve entre-autres le long-métrage belge Lola vers la mer réalisé par Laurent Micheli. Il s’agit de l’histoire d’une jeune femme transgenre contrainte de partir de chez elle car son père n’accepte pas sa transidentité. Lorsque sa mère meurt, elle doit de nouveau s’entendre avec son père. A noter également le film canadien Matthias et Maxime, qui raconte l’histoire de deux meilleurs amis auxquels il est demandé de s’embrasser pour le tournage d’un film étudiant, un acte qui bouleverse leur vie.
Si tous ces films sont disponibles jusqu’au 21 novembre sur le site de Mezipatra, la plateforme Aerovod sur laquelle ils sont diffusés ne permet toutefois de les regarder qu’en République tchèque. Reste que l’ensemble du programme est disponible en deux langues, le plus souvent en anglais et en tchèque. Le prix du visionnage d’un film est de 80 couronnes (un peu plus de 3 euros).