La Tchéquie est-elle prête à lancer sa campagne de vaccination ?
Alors que le Royaume-Uni a été le premier pays au monde à administrer le vaccin Pfizer-BioNTech et que les Etats-Unis lancent ce lundi leur campagne vaccinale contre le Covid-19, la République tchèque attend, elle, le feu vert de l’Agence européenne des médicaments pour faire de même. Le pays a commandé des vaccins pour près de 7 millions de personnes et les premiers vaccins pourraient être administrés fin janvier, mais comment les Tchèques envisagent-ils cette vaste opération ?
En France, plusieurs sondages ont récemment montrés qu’au moins la moitié de la population serait réticente à se faire vacciner. Un sondage Ifop de fin novembre donnait des résultats encore plus faibles dans un pays où la méfiance vis-à-vis des vaccins n’a cessé de grimper ces dernières années : seuls 41% des Français auraient l’intention de se faire vacciner.
En République tchèque, le ministère de la Santé a présenté la semaine dernière une étude selon laquelle 45% des personnes interrogées refuseraient de se faire administrer un vaccin anti-Covid. Si les proportions sont moindres qu’en France, elles restent importantes dans un pays où pendant longtemps, la parole du médecin a été sacro-sainte.
Pourtant, en Tchéquie comme ailleurs, les ratés de la gestion de l’épidémie, avec une violente deuxième vague à l’automne dans un pays pratiquement intouché au printemps, et la multiplication des avis contradictoires, n’ont pas aidé à la clarté du propos, tant pour faire accepter les mesures sanitaires que pour donner un avis éclairé sur la vaccination. Pour le biochimiste Jan Konvalinka, le fait que certaines personnalités haut placées de l’Etat soient elles-mêmes hésitantes n’arrange pas les choses :
« Partout en Europe et dans le monde, les élites communiquent sur le fait qu’il ne faut pas avoir peur du vaccin : trois anciens présidents américains ont fait savoir qu’ils se feraient vacciner, le couple royal au Royaume-Uni a fait de même. Chez nous, le Premier ministre a dit qu’il devait demander d’abord à son médecin parce qu’il n’a plus de rate, or selon moi, il devrait justement faire partie des premiers pour cette raison. Et le président tchèque qui fait partie des groupes à risque est aussi hésitant. Ces gens n’ont pas profité de ce moment historique pour donner confiance aux gens et, surtout, donner l’exemple. »
Interrogés par la Radio tchèque, une majorité des ministres tchèques ont toutefois fait savoir qu’ils se feraient vacciner dès que les premières doses seraient disponibles.
Actuellement, l’Etat tchèque a commandé 12 millions de doses de vaccins pour 6,9 millions de personnes, soit l’équivalent de deux injections, des vaccins issus des laboratoires des sociétés pharmaceutiques Pfizer, Moderna et AstraZeneca.
L’objectif fixé par le gouvernement tchèque est de faire d’abord vacciner 1,2 million de personnes, en priorité les groupes à risque comme le personnel médical, au cours du premier trimestre 2021. La deuxième phase devrait concerner le large public. Le ministre de la Santé, Jan Blatný, souhaite idéalement atteindre une proportion de deux tiers de la population.
Interrogé par la Radio tchèque, Miloslav Janulík, médecin, député ANO et vice-président de la commission parlementaire pour la santé, estime que l’Etat tchèque est prêt au niveau logistique et qu’une bonne partie de la campagne de vaccination pourra être prise en charge par les médecins généralistes, mais qu’il faudra convaincre la population de la nécessité du vaccin pour atteindre une immunité collective. Pour Jan Konvalinka, le défi logistique de cette vaccination de masse est toutefois loin d’être relevé :
« En Allemagne, de grands centres de vaccination sont en préparation, dans des stades, des salles de concert ou des halls d’aéroport. Les gens savent déjà où ils devront aller pour se faire vacciner une fois le feu vert de l’Agence européenne. Ici, il n’y a rien de tout cela. Si on veut faire vacciner ces millions de personnes en six mois, cela veut dire administrer le vaccin à 750 000 personnes par semaine. C’est une opération logistique énorme : elle doit être préparée, financée et les gens doivent être convaincus que c’est dans leur intérêt. Or, on ne voit pas vraiment cela aujourd’hui. »
Les premières livraisons d’un vaccin contre le Covid-19 devraient arriver en République tchèque vers la fin du mois de janvier ou au début du mois de février, a annoncé début décembre le ministre de la Santé. Jan Blatný a par ailleurs confirmé que la vaccination, qui ne sera pas obligatoire, sera remboursée par l’assurance maladie.
Une campagne de publicité visant à lutter contre la désinformation sur la question des vaccins a été lancée la semaine dernière par le ministère de la Santé, sans être très convaincante puisque l’infographie donne plutôt l’impression de défendre ce qu’elle dénonce. Sur Internet toutefois, le site du ministère s’efforce de faire œuvre de pédagogie avec des réponses courtes et plutôt précises aux doutes et interrogations. Tant et si bien que même l’ancien président tchèque Václav Klaus est monté au créneau pour dénoncer la mention de son nom pour son rôle dans la propagation de la désinformation sur la pandémie…