Agrofert et Andrej Babiš à nouveau dans le viseur du Parlement européen
En session plénière réunie cette semaine à Strasbourg, les eurodéputés ont adopté à une écrasante majorité une nouvelle résolution pointant du doigt le Premier ministre tchèque et appelant à des mesures renforcées pour contrôler les bénéficiaires finaux des fonds européens.
Pour la quatrième année consécutive, les députés européens ont pointé du doigt les détournements de fonds agricoles en République tchèque et la possible mise en cause du Premier ministre Andrej Babiš.
Dans cette nouvelle résolution adoptée par 505 voix pour, 30 contre et 155 abstentions, les eurodéputés ont critiqué les tentatives du gouvernement tchèque, en mars 2020, de légaliser les conflits d’intérêts d’Andrej Babiš par le biais d’une loi. La rapporteure du texte, Monika Hohlmeier (PPE) estime que « toutes les preuves indiquent qu’il existe de sérieux problèmes systémiques en Tchéquie qu’il faut traiter de façon urgente ».
Les députés européens demandent ainsi qu’Andrej Babiš ne possède plus aucun intérêt économique dans le groupe Agrofert, soit en garantissant que ses entreprises cessent de recevoir des financements de l’UE, soit en veillant à ce que le Premier ministre ou tout autre membre de son gouvernement s’abstiennent totalement des processus de décision de l’UE qui pourraient concerner directement ou indirectement les intérêts du groupe.
Quelles conséquences peut avoir ce vote des eurodéputés ?
Les conséquences de ce vote sont limitées ; la résolution n’est pas juridiquement contraignante. Ce sera à la Commission européenne de prendre des décisions – ou non – et le processus est encore loin d’être terminé, avec un nouvel échange de courrier entre Prague et Bruxelles – une récente missive envoyée au ministère tchèque du Développement régional, chargé de la distribution des subventions européennes, a encore deux mois pour être traduite en tchèque puis faire l’objet d’une réponse de la partie tchèque.
La législature actuelle et le mandat du Premier ministre tchèque devrait donc pouvoir arriver à leur terme, début octobre, sans trop d’encombres. Andrej Babiš le sait et il est déjà en pré-campagne - il a à nouveau accusé l’opposition tchèque d’avoir organisé ce vote à Strasbourg. « Je n’ai pas de conflit d’intérêts », a martelé le chef du gouvernement à Radio Z, avant d’ajouter que le Parlement européen était « une institution inutile qui nous coûte seulement de l’argent ».
Le vote a divisé le groupe parlementaire dont fait partie la formation ANO d’Andrej Babiš.
Le groupe Renew n’a pas vraiment été groupé lors de ce vote, avec les eurodéputés tchèques d’ANO qui ont voté contre la résolution tandis que les élus français du groupe ont décidé de s’abstenir. Dans un communiqué commun cité par Politico, 23 élus Renew de La République En Marche, MoDem, Agir et du Mouvement radical ont dénoncé un procédé « discréditant la lutte incessante du Parlement européen en faveur de l’Etat de droit, de la liberté et de la démocratie en Hongrie et en Pologne ».
Le groupe du PPE a longtemps été la cible d’attaques pour avoir gardé en son sein le Fidesz du Premier ministre hongrois Viktor Orban avant de finalement s’en débarrasser en mars dernier ; désormais le groupe Renew doit faire face aux critiques toujours plus nombreuses sur les affaires du Premier ministre tchèque Andrej Babiš.
A la Commission européenne, dont le rôle sera clé dans toute procédure de conditionnalité liée à l’Etat de droit – contre une utilisation abusive des fonds européens -, cela risque de mettre en porte-à-faux l’eurocommissaire tchèque. En charge des « valeurs et transparence », Věra Jourová est devenue en quelques mois la bête noire du gouvernement hongrois. Membre à l’origine du mouvement ANO d’Andrej Babiš, elle a été nommée à Bruxelles par celui qui est de plus en plus dans le collimateur de la Commission dont elle est vice-présidente.