Enfants surdoués : le Centre d’information sur l’éducation critique le système scolaire tchèque
Le 25 octobre dernier, le Centre national d’information sur l’éducation (EDUin) a publié un communiqué de presse évaluant le nombre d’enfants surdoués dans les écoles tchèques à 20 000, c’est-à-dire un enfant sur cinquante. Le ministère de l’Education avait pourtant estimé l’année dernière ce chiffre à seulement 1000. Le rapport dénonce également un manque de financement et de formation des professeurs pour prendre en charge ces enfants aux besoins spécifiques. Thérapeute spécialiste de la douance, Monika Stehlíková explique pourquoi connaître le nombre d’enfants concernés est si difficile.
« Cette problématique de la douance à l’école est très complexe. Les enfants doués et surdoués ne sont pas faciles à identifier, contrairement à ce que les gens pensent en général, car il y a plusieurs types de douance. Certains enfants et leurs parents ne souhaitent pas que l’école le sache, c’est un point important à mentionner. L’Education nationale recense 1000 surdoués, c’est-à-dire des enfants dont le QI (quotient intellectuel) est égal ou dépasse 130. Il y a donc 1000 enfants dans les écoles tchèques qui ont ce QI et qui sont identifiés. Mais la question que je me pose est : voulons-nous avoir à supporter ces enfants ou voulons-nous une école qui développe la douance ? La douance ne peut pas être réduite au seul QI, c’est quelque chose de plus large. »
Comment reconnaître un enfant surdoué et comment la République tchèque pourrait-elle mieux les repérer ? Faudrait-il instaurer des tests à plus large échelle, mieux former les professeurs ?
« Oui, je pense que la formation des enseignants est primordiale. Je ne suis pas sûre que repérer tous ces enfants serait une bonne chose. Les enfants surdoués sont d’abord des personnes ‘antisystèmes’. Le système est absurde car il veut les soutenir et il met en place des dispositifs mais cela reste le système donc cela ne peut pas fonctionner. Il faut mettre au centre de la formation des professeurs l’intérêt de l’enfant, l’enfant avec ses besoins, ses spécificités, l’enfant qui est respecté comme il est, l’enfant qui peut au fur et à mesure connaître son potentiel, ses talents à travers des travaux à l’école. Ce serait formidable et tous les enfants seraient heureux. Mais identifier tous les enfants doués ne marcherait pas. Etre surdoué ne veut pas dire que tout vous intéresse et que vous voulez avoir des notes parfaites dans toutes les matières. Non, vous êtes juste très intelligent mais cela ne signifie pas que vous aimez la chimie et que vous voulez travailler plusieurs heures par jour dans ce domaine. »
Y a-t-il des dispositifs mis en place pour aider ces enfants aux besoins particuliers ? Pensez-vous que des dispositifs supplémentaires devraient être mis en place ?
« Oui, des dispositifs sont déjà mis en place, ils peuvent profiter aux personnes qui le décident. Il y a d’abord l’identification puis le programme individuel. C’est un programme écrit par l’école pour ajuster les programmes scolaires, les enrichir, et les accélérer. Mais ce n’est pas encore répandu. Cela dépend aussi de l’attitude des parents qui se rendent compte assez tôt que leur enfant est différent. Quand l’enfant rentre à l’école primaire, il est obligé d’apprendre à déchiffrer les lettres même s’il sait déjà lire. Beaucoup de parents commencent alors à s’interroger sur les méthodes d’apprentissage. C’est cela qui peut mener les parents à consulter des experts dans ce domaine et à en parler avec les instituteurs pour savoir ce qu’il faut faire. Mais cela reste individuel et très différent selon les écoles. »
De quel système scolaire étranger la République tchèque pourrait-t-elle s’inspirer pour développer d’autres méthodes d’accompagnement ?
« Pour moi, la source d’inspiration réside dans les pays d’Europe du Nord : Finlande, Suède, Danemark… Dans ces pays, les enfants sont respectés pour ce qu’ils sont et leurs différences sont acceptées. Il y a moins de bureaucratie que chez nous, nous n’avons pas besoin d’experts pour déterminer si un enfant est doué ou pas. Etre doué ne résulte pas d’une décision du système institutionnel car vous êtes nés ainsi. J’aime beaucoup le système finlandais car il y a beaucoup de libertés, c’est le plus important pour les enfants surdoués. Souvent, on les réduit à leur intellect mais la douance, c’est aussi l’ouverture d’esprit, la créativité, l’inventivité, la pensée abstraite et complexe… C’est un tout. Il me manque le côté humain dans tout ce système rigide. Mais les surdoués sont des personnes très humanistes, nous l’oublions souvent. »
Vous parliez de la bureaucratie du système. Il y a un certain nombre de rapports qui paraissent régulièrement sur le sujet, comme celui mentionné dans le communiqué de presse publié par le Centre d’information sur l’éducation. Pensez-vous qu’ils peuvent faire naître de nouvelles méthodes d’apprentissage pour mieux s’adapter aux enfants surdoués ?
« Je pense que l’impact de ce communiqué de presse est très bon. Il a permis de parler de ce sujet, de souligner qu’il y en a dans les écoles tchèques. Je donne aussi des cours à des pédagogues dans ce domaine et ils me disent qu’ils n’ont pas de temps pour ces enfants car il y a beaucoup d’élèves en difficulté dans leurs classes et il faut les aider pour leur faire atteindre le niveau moyen. Nous n’avons pas de temps ni d’énergie à accorder à l’autre côté du spectre, de la courbe de Gauss. La publication de rapports permet d’ouvrir le débat dans la société en pointant la nécessité de respecter les besoins de ces enfants surdoués. Cela peut amener des enseignants à se former sur ce sujet plutôt que dans un autre. Je pense que cet article aura beaucoup de bénéfices. Mais je suis assez sceptique sur l’immédiateté de l’amélioration du bien-être de ces enfants. »