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3) L’âge du Bronze en pays tchèques : une période de transformation sociale

Les découvertes archéologiques de l’âge du Bronze

Les découvertes archéologiques de l’âge du Bronze ont révélé des transformations significatives dans la vie des populations vivant alors sur le territoire tchèque, qui allaient de pair avec des changements matériels. Les bouleversements qui accompagnent le développement de cette métallurgie donnent naissance à plusieurs cultures archéologiques, dont la culture d’Únětice présente partout en Europe centrale mais dont les premiers artefacts ont été mis au jour à côté de Prague.

Les objets de l’âge du Bronze | Photo: Luboš Jiráň,  Institut archéologique de l’Académie des sciences

Le début de l’âge du Bronze correspond à l’émergence de l’Etat et d’une civilisation urbaine en Mésopotamie à partir de 3 000 avant J.-C. Ce développement de la métallurgie grâce à ce nouveau matériau formé à partir de l’alliage de cuivre et d’étain correspond à une véritable révolution, permettant la production d’outils et d’armes de meilleure qualité.

Cette période qui va de pair avec une économie nouvelle et une organisation sociale plus complexe correspond également au développement de déplacements et d’échanges à longue distance, mus par les besoins de distribution du bronze à partir des centres d’exploitation minière.

Cette nouvelle économie bouleverse le visage de l’Europe, et se développe sur le territoire de l’actuelle République tchèque vers 2 100 avant J.-C., comme le détaille Luboš Jiráň de l’Institut archéologique de l’Académie des sciences :

Luboš Jiráň | Photo: Archives de Luboš Jiráň

« L’âge du Bronze sur le territoire tchèque a duré environ 1 500 ans et s’est terminé au VIIIe siècle avant J.-C. Entre l’époque postérieure des Celtes et le début de l’âge du Bronze, nous n’avons par ailleurs aucune trace de changements fondamentaux dans l’ethnicité des populations locales. »

La principale source de subsistance de cette période préhistorique était l’agriculture. Au début de l’âge du Bronze, la culture d’Únětice dominait en terres tchèques, s’étendant de la mer Baltique au bas Danube : elle se caractérise notamment par des coutumes funéraires d’inhumation, les corps étant placés en position contractée, le regard tourné vers l’Est.

La culture d’Únětice doit son nom au village éponyme situé près de Prague où une nécropole préhistorique a été mise au jour à la fin du XIXe siècle. En Bohême, elle succède à la culture campaniforme et se caractérise également par le travail d’objets métalliques comme des lingots, des haches plates, des dagues triangulaires plates, des bracelets à extrémités en spirale, des épingles à tête ronde perforée et des anneaux de boucles, répartis sur une grande partie de l’Europe centrale.

La nécropole préhistorique à Únětice | Photo: MartinVeselka,  Wikimedia Commons,  CC BY-SA 4.0 DEED
Les objets en bronze de la culture d’Únětice | Photo: Zde,  Wikimedia Commons,  CC BY-SA 4.0 DEED

« Au tout début, il y a eu si je puis dire une véritable inflation de découvertes archéologiques issues de cette culture : les populations de la culture d’Únětice inhumaient leurs morts, donc nous avons retrouvé de grandes nécropoles contenant de nombreuses dépouilles. A un moment donné, il y avait tellement de squelettes mis au jour que certains n’étaient même plus pris en charge par des musées, et étaient directement réinhumés. Cette richesse fait que dès le début du XXe siècle, on en savait déjà énormément sur cette culture archéologique. Outre les dépouilles, la deuxième caractéristique ce sont ces nombreux dépôts d’objets en bronze qu’on retrouve partout et en grand nombre sur l’ensemble du territoire de la Bohême et de la Moravie. »

Le disque de Nebra | Photo: Anagoria,  Wikimedia Commons,  CC BY 3.0

S’il n’y a pas une découverte spécifique majeure de cette époque sur le territoire tchèque, notons tout de même que la culture d’Únětice a laissé derrière elle un objet historique unique en son genre, aujourd’hui inscrit au programme Mémoire du monde de l’UNESCO en tant que découverte archéologique majeure du XXe siècle : le disque de Nebra, sublime objet mis au jour en Allemagne voisine dans le Land de Saxe-Anhalt, et considéré comme la plus ancienne représentation connue au monde de la voûte céleste.

Une certaine appétence pour l’alcool

A l’âge du bronze moyen, la culture d’Únětice est remplacée par la culture des tumuli, qui se caractérise, comme son nom l’indique, par la présence de monticules de terre circulaires ou ovales, édifiés au-dessus des tombes, celles-ci pouvant être isolées ou collectives. Comme dans la culture d’Únětice, les morts sont inhumés : ils sont placés dans une fosse creusée dans le sol avant d’être recouverte d’un tumulus.

Le détail du récipient à bière de Kladina | Photo: Musée de Bohême de l’Est de Pardubice

Outre les vestiges funéraires classiques, les découvertes faites par les archéologues révèlent également les coutumes et les loisirs des populations, comme le détaille Luboš Jiráň :

Le récipient à bière de Kladina | Photo: Musée de Bohême de l’Est de Pardubice

« Les découvertes archéologiques montrent que les gens de l’époque buvaient de l’alcool et faisaient la fête. A cet égard, les dépôts d’objets en céramique sont intéressants. Nous considérons qu’il s’agit là d’un enfouissement ou du stockage de récipients qui étaient utilisés pour les boissons rituelles et entreposés sous terre après le rituel. Nous savons que les gens buvaient de la bière à cette époque, comme l’atteste la découverte d’un récipient à Kladina, dans la région de Pardubice. »

Les poignards de l’âge du Bronze de Prague-Suchdol | Photo: Musée national

A cette époque, l’usage du bronze se généralise : des pièces sont même produites en série grâce à des moules en pierre. La place prépondérante que prend la métallurgie dans le quotidien des populations permet d’améliorer tant l’armement que l’outillage, et l’ornementation des objets s’en trouve d’autant plus développée. L’apogée des dépôts en bronze se situe à l’âge du Bronze moyen et tardif, explique Luboš Jiráň :

« De cette période, nous connaissons entre 600 et 700 dépôts dont le contenu est beaucoup plus varié que les précédents. Au cours de l’âge du Bronze, de nouveaux types d’artefacts et d’armes sont apparus. Par exemple, dans la culture d’Únětice, les faucilles en bronze n’étaient pas encore produites ; leur production a débuté à l’âge du Bronze moyen. A la fin de l’âge du Bronze, les récipients produits dans cet alliage font également leur apparition. La gamme d’artefacts s’élargit et, à la fin de l’âge du Bronze, ce matériau est utilisé pour une grande variété d’objets. »

La culture des champs d’urnes

Le récipient aux cendres | Photo: Zde,  Wikimedia Commons,  CC BY-SA 4.0 DEED

Au tournant de la fin de l’âge du Bronze et du début de l’âge du Fer, la culture des champs d’urnes se diffuse sur une grande partie du Vieux Continent : concentrée en Europe centrale, elle essaime toutefois jusqu’aux marges de la péninsule ibérique et atteint même le nord de l’Italie. Une de ses caractéristiques principales est le changement radical qui touche les rites funéraires comme le développe l’archéologue Luboš Jiráň :

« Dans les rites funéraires, la coutume d’ériger un tumulus au-dessus des tombes est abandonnée, et la crémation devient une coutume répandue. Les cendres du défunt étaient placées dans des récipients. Comme certaines des nécropoles étaient très grandes, nous appelons cette période la période des champs d’urnes. »

L’effondrement de l’âge du Bronze

L’effondrement de l’âge du Bronze en Méditerranée survient entre les XIIe et XIIIe siècles avant J.-C. avec l’avènement de changements sociaux dans toute l’Europe, survenant parfois même dans la violence. Selon diverses théories, cet effondrement est le fruit d’un épuisement de l’économie, d’un changement climatique et d’autres phénomènes naturels qui se produisent à cette époque-là. Cette crise en Méditerranée orientale a probablement entraîné des déplacements de populations et l’émergence de nouvelles sociétés. Certaines traces de ces changements brutaux ont été également détectées en Europe centrale, comme le décrit Luboš Jiráň :

« Dans les villages de Blučina près de Brno et Skalka de Velim, près de Kutná Hora, les dépouilles de dizaines d’habitants assassinés ont été découverts. Apparemment, un centre religieux existait à cet endroit, centre qui a été détruit suite à une invasion brutale et au massacre des habitants. »

Les dépouilles de dizaines d’habitants assassinés à Blučina | Photo: Archeologický atlas ČR/Institut archéologique de l’Académie des sciences

L’ancienne organisation de la société s’effondre et des centres de pouvoir majeurs finissent par disparaître. Vers 800 avant J.-C., l’Europe centrale voit l’émergence de nouvelles cultures, la culture de Hallstatt puis la culture de La Tène qui correspondent à l’âge du Fer celtique dans cette région : de nouvelles cités voient le jour, des Etats se créent, et marchandises et techniques continuent de circuler dans toute l’Europe de manière dynamique.

Des chasseurs de trésors peu scrupuleux

Corollaire regrettable à la richesse des dépôts de l’âge du Bronze, aujourd’hui, de plus en plus de Tchèques se lancent dans des chasses au trésor avec des détecteurs de métaux, certains d’entre eux faisant même parfois des découvertes importantes. Mais cette activité amateur s’apparente parfois à du vandalisme du point de vue des scientifiques, comme le souligne Luboš Jiráň :

Photo illustrative: Ústav archeologie a muzeologie Filozofické fakulty Masarykovy univerzity,  CC BY-SA 4.0 DEED

« Le problème, c’est que quand un chasseur de trésor amateur trouve quelque chose dans le sol, il le déterre et l’emmène au musée. Or, nous perdons beaucoup de données importantes, comme l’endroit exact où ces objets étaient déposés. Lorsqu’une personne trouve un objet ancien, il faut absolument laisser la pièce sur place et appeler des archéologues. Sinon la valeur de la trouvaille s’avère minime en termes d’informations. »

La plus grande collection de pièces de l’âge du Bronze, notamment des bijoux, des poignards et d’autres armes, se trouve dans les collections du Musée national à Prague.

L’exposition des objets de l’âge du Bronze au  Musée national à Prague | Photo: Kozuch,  Wikimedia Commons,  CC BY-SA 3.0

Cet article a vu le jour en collaboration avec l'Institut d'archéologie de l'Académie des Sciences de République tchèque.

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