La bibliothèque de la radio publique tchèque fête son 90e anniversaire
Český rozhlas - La radio publique tchèque se compose de nombreuses sections dont Radio Prague International mais aussi une bibliothèque. Cette partie de la radio – qui reste modestement à l’écart de l’intérêt du public mais dont le rôle pour la préparation des émissions n’est pas négligeable – a été fondée il y a 90 ans. Nous avons évoqué le passé et le présent de la bibliothèque avec la bibliothécaire Eva Kopřivová.
Une bibliothèque pas comme les autres
Eva Kopřivová travaille à la bibliothèque de la radio depuis 1996, donc depuis 26 ans. Témoin de l’évolution de la bibliothèque au cours des dernières décennies, elle est aussi bien informée sur les périodes précédentes car elle est l’auteure d’une exposition installée dans la galerie de la radio, exposition qui retrace l’histoire de la bibliothèque depuis ses débuts. Elle constate :
« La bibliothèque de la Radio tchèque a été fondée il y a 90 ans et elle était avant tout à la disposition des rédacteurs. Ce n’était pas donc une bibliothèque publique. Néanmoins, depuis 2020, elle est inscrite au ministère de la Culture en tant que bibliothèque publique aux fonds spécialisés. Cela veut dire que la bibliothèque abrite, entre autres, des documents spéciaux uniques concernant le travail à la radio et qu’on ne trouve pas ailleurs. »
Les ravages de la censure et de la guerre
L’histoire mouvementée du XXe siècle s’est maintes fois répercutée dans l’existence de la radio tchèque, et évidement aussi dans le travail de la bibliothèque. Tandis que dans l’entre-deux-guerres, sous la Première république tchécoslovaque, la radio travaille dans une relative liberté et continue à élargir progressivement ses fonds, la situation change radicalement en 1939, lorsque la Tchécoslovaquie est occupée par l’Allemagne nazie. Eva Kopřivová explique quelles ont été les retombées de cette nouvelle situation sur les fonds de la bibliothèque :
« La censure a intervenue d’une façon sensible pour la première fois sous le protectorat allemand au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Nous avons trouvé dans les archives des documents barrés avec un crayon rouge et avec des inscriptions ‘à éliminer’. Il s’agissait en général de textes en anglais sur la technique radiophonique et l’écoute de la radio. C’était lié à l’interdiction de l’écoute des radios étrangères à l’époque. »
La censure frappe donc la bibliothèque et de nombreux livres sont mis au rebut. Mais Eva Kopřivová constate que la plus grande épreuve ne devait frapper la bibliothèque que quelques jours avant la fin de la guerre :
« La bibliothèque a été grièvement endommagée à la fin de la guerre, au cours du soulèvement contre l’occupant en mai 1945, lorsque l’édifice de la radio a été atteint par une torpille aérienne allemande. La torpille a traversé tous les étages de l’édifice, du toit au rez-de-chaussée, et c’est au rez-de-chaussée que se trouvait la bibliothèque. Il existe un témoignage écrit sur cet événement, rédigé par Bohuš Hájek, directeur de la bibliothèque de ce temps-là. Lorsqu’il est arrivé à la radio au début du mois de juin 1945, il s’est retrouvé face à un désastre. Et au cours des cinq mois suivants, il a réussi à sauver des décombres une partie des fonds de la bibliothèque. »
Les trois périodes de la censure
Au cours de son histoire, la bibliothèque devait subir trois périodes de censure – la première sous l’occupation allemande, la deuxième sous la terreur stalinienne des années 1950 et finalement la troisième, pendant ce qui a été appelé la « normalisation », après l’occupation du pays par l’armée soviétique en 1968. Cependant, il semble que pendant cette dernière période, entre 1968 et 1989, la bibliothèque de la radio jouissait d’un privilège discret parce que certains livres mis à l’index, c’est-à-dire interdits par la censure, n’ont pas été éliminés de ses fonds, et Eva Kopřivová estime qu’ils pouvaient être même empruntés en cachette par des rédacteurs de la radio.
La situation actuelle
La censure est supprimée par la révolution de Velours en 1989. Depuis la chute du régime communiste, la radio publique travaille donc beaucoup plus librement. La bibliothèque déménage plusieurs fois et occupe successivement plusieurs locaux différents dans l’édifice de la radio. Entretemps elle ne cesse de s’enrichir. Parmi les documents qu’elle conserve, il y a entre autres des imprimés précieux, et même un certain nombre de curiosités comme ce livre d’or contenant des signatures et des inscriptions de visiteurs célèbres, dont par exemple le dessinateur Jean Effel ou le poète Tristan Tzara, père du dadaïsme. Eva Kopřivová présente la situation actuelle de la bibliothèque:
« Les fonds de notre bibliothèque sont assez riches. Nous avons beaucoup de belles-lettres, beaucoup de recueils de poésie mais aussi des textes dramatiques, des ouvrages de politologie, de la littérature d’enfance et de jeunesse, des livres d’histoire, donc toute une gamme de genres. Nous préparons les documents pour les émissions de la radio et cet éventail des genres très large répond donc aux besoins de la radio. Nous avons quelque 80 000 volumes ainsi qu’une grande quantité de périodiques, des journaux et revues reliés, que nous sommes en train de cataloguer en ce moment. »
Les projets d’avenir
Nous vivons une époque de progrès tumultueux des moyens techniques, et même le livre n’est plus ce qu’il a été. Désormais, il peut également se présenter sous forme numérique et on peut le lire par exemple sur une liseuse. Cette évolution n’épargne pas non plus la bibliothèque de la radio et, selon Eva Kopřivová, elle s’impose aussi dans la conception du développement de la bibliothèque dans l’avenir :
« Nous allons nous concentrer surtout sur la numérisation des fonds. La numérisation est importante non seulement pour protéger des périodiques et des documents uniques. Elle nous permet de sauver ces documents pour l’avenir. En plus, les données de notre bibliothèque numérique Kramerius seront disponibles pour plusieurs usagers à la fois, ce qui, je pense, est un avantage à l’époque actuelle. »
Les vœux pour le 90e anniversaire
A 90 ans, la bibliothèque de la radio, cette vieille dame respectable, subit donc une cure de rajeunissement parce qu’on a et on aura encore longtemps besoin des livres qu’elle abrite. Pour son anniversaire Eva Kopřivová a formulé les vœux suivants :
« Je souhaite que le fonds de la bibliothèque continue à se développer, que nous soyons capables de répondre aux besoins des émissions de la radio, que nous ayons assez de place sur les rayons pour les nouveaux livres, que nous ayons beaucoup de lecteurs et que nous réussissions à mener à bout la numérisation de la bibliothèque. »