A Bruxelles et Paris, la présidence tchèque de l’UE se décline aussi dans la culture
Les Centres tchèques de Bruxelles et Paris sont aux premières loges du volet culturel de la présidence tchèque du Conseil de l’Union européenne : celui de Bruxelles en raison de l’importance institutionnelle de la ville et Paris en raison du passage de flambeau de la présidence de la France à la Tchéquie le 1er juillet. Leurs directeurs respectifs, Jitka Pánek Jurková et Jiří Hnilica, étaient récemment de passage à Prague pour discuter de la programmation des six mois à venir. Rencontre.
Jitka Pánek Jurková, bonjour, le Centre tchèque de Bruxelles est évidemment aux premières loges alors que la Tchéquie va prendre la présidence du Conseil de l’UE. Comment avez-vous abordé la programmation culturelle de ces six mois par rapport à une programmation habituelle ?
« Nous avons vraiment hâte de rencontrer notre public dans les salles de théâtre, de musique, de cinéma. On a beaucoup travaillé avec Bozar, le palais des arts à Bruxelles, un espace vraiment essentiel pour la programmation. Avec Bozar, nous avons développé un focus sur la Tchéquie avec des films, de concerts classiques et contemporains, et d’autres événements comme une rencontre sur le thème de l’intelligence artificielle, un thème important qui témoigne de la créativité contemporaine tchèque. Notre thème central pour ces six mois sera la créativité continue. Nous mettrons l’accent sur les créateurs contemporains qui travaillent avec le riche patrimoine culturel tchèque. »
Le 2 juillet, le passage de flambeau sera symboliquement entre la France et la Tchéquie se fera de manière originale, car sportive. Peut-on en dire quelques mots ?
« Le 2 juillet nous célébrerons le début de la présidence tchèque du conseil de l’UE par une course en l’honneur d’Emil Zátopek et Dana Zátopková, deux athlètes tchèques bien connus en Belgique car Emil Zátopek y a battu le record mondial du 10 km en 1954. Il existe même un magazine sportif qui porte le nom de Zátopek, et la communauté des coureurs est très enthousiaste en Belgique. Donc le 2 juillet, le passage de témoin entre la France et la Tchéquie sera passé symboliquement et physiquement au stade des Trois-Tilleuls : c’est ouvert au large public et au public diplomatique. Les participants sont invités à courir 5 km mais en duo : Zátopek ayant battu le record à 10 km, ensemble il sera possible de recréer ces 10 km en duo comme symbole d’amitié internationale. Nous commémorons aussi le souvenir de sa femme Dana, avec des activités pour les enfants autour du lancer de javelot. Nous avons collaboré sur ce projet avec le Comité olympique tchèque. Le soir, nous présenterons la première belge du biopic Zátopek avec toute l’équipe du film. »
Cinéma, musique, théâtre, mode, il y a beaucoup de domaines dans lesquels la culture tchèque peut être représentée à Bruxelles. Peut-on signaler quelques événements à ne pas manquer ?
« Nous allons clôturer la présidence avec un concert qui sera un passage de relais entre la génération des musiciens contemporains et les plus jeunes. On travaille avec l’Académie MenART et ensemble, nous allons inviter à Bruxelles trois excellents musiciens tchèques et leurs étudiants les plus prometteurs pour célébrer la coopération intergénérationnelle. Nous allons aussi organiser une audition publique au Parlement européen qui va souligner l’éducation musicale tchèque comme un bon exemple à suivre. Je peux aussi annoncer que le 5 novembre, il y aura un défilé de mode de jeunes créateurs tchèques et belges, deux scènes de la mode assez fortes, dans l’espace industriel rénové de la Gare maritime. Enfin, on va proposer une pièce de théâtre, L’élégance des molécules, qui parle de la collaboration tchéco-belge. Elle sera présentée à Bruxelles et Louvain. »
La programmation culturelle de cette présidence tchèque est également centralisée, avec divers événements qui sont repris par les différents Centres tchèques dans le monde. Lesquels allez-vous reprendre justement ?
« Nous allons à nouveau recréer les Dialogues Václav Havel qui sont organisés à Bruxelles depuis dix ans. Evidemment, cette présidence tchèque est une occasion de remettre à l’honneur la pensée de Václav Havel comme quelque chose de très important pour l’Europe actuelle. Et ces Dialogues seront exportés dans d’autres pays pendant ces six mois. »
Rendez-vous est pris à Bruxelles à la mi-novembre pour ces Dialogues Václav Havel. Quelle thématique sera au cœur de cette conférence et dans quelle mesure l’actualité, avec l’Ukraine notamment, peut-elle se refléter dans ce rendez-vous ?
« Je ne peux pas encore dévoiler le thème de la conférence, mais nous allons travailler avec des créateurs, des penseurs, des activistes de l’Ukraine évidemment également. Par exemple, un créateur ukrainien Danylo Movchan va créer une partie de notre installation dans l’espace public, faite de drapeaux qui seront à voir pendant tout le mois de juillet. »
Enfin, une installation autour de Benedikt Roezl est prévue. Qui était-il ?
« Benedikt Roezl était un botaniste tchèque de la fin du XIXe siècle et auquel une statue est dédiée sur la place Charles à Prague. Mais il est presque totalement tombé dans l’oubli. Mais en son temps, il a découvert quelques centaines d’orchidées en Amérique latine pour ses employeurs belges. Il travaillait vraiment entre Prague, Bruxelles et Gand. L’artiste tchèque Rudolf Samohejl est parti sur les traces de Benedikt Roezl en Colombie il y a quelques années. Il a créé une installation artistique émanant de ce voyage que nous allons présenter dans le jardin botanique de Meise. Elle sera aussi présentée à Prague à la Biennale de l’art contemporain. Donc voilà encore un bon exemple de dialogue tchéco-belge et européen. »
En parallèle, le Centre tchèque de Paris est également en première ligne puisque la présidence tchèque du Conseil de l’Union européenne succède à celle de la France. Au micro de RPI, son directeur Jiří Hnilica nous en dit plus :
« De mon point de vue, cette année 2022 est vraiment l’année franco-tchèque. Du point de vue symbolique il y a déjà des projets qui se réalisent en bilatéral. Il y a des projets franco-tchèques, tchéco-français qui sont en cours, et qui seront plus tard réalisés chez nous. Pour moi, la date même du 1er juillet est symbolique au niveau politique, mais du point de vue culturel, c’est un peu moins le cas. Nous serons en outre au début de l’été, or c’est une période culturelle qui se clôt avant la reprise. Nous allons faire deux événements importants : la tradition veut qu’il y ait un concert de musique tchèque, centre-européenne, dans une très belle église de Paris, à Saint-Eustache, près des Halles et le vernissage d’une grande exposition appelée L’âme du verre, qui est en quelque sorte l’apogée de notre programmation autour du verre tchèque cette année. »
Donc 2022, année franco-tchèque à tous égards. Donc le gros des événements, ça va commencer à partir du mois de septembre…
« Oui. Ce sera vraiment la rentrée culturelle parce qu’à Paris, à partir de mi-juillet, ce n’est pas la peine d’organiser quoi que ce soit de grande envergure car la ville se vide. »
Quels événements peut-on mentionner à partir de septembre ?
« J’ajouterais avant cela qu’un autre projet franco-tchèque est en réalisation toute l’année, c’est le podcast Dialogue(s) Paris-Prague, une initiative visant à faire parler les acteurs de ces relations franco-tchèques avec les Français qui font la culture tchèque et les Tchèques qui participent à la culture française. C’est typiquement un projet qui accompagne toute cette année et qui enrichit le dialogue culturel. »
Le podcast Dialogue(s) Paris-Prague a été en effet l’initiative du Centre tchèque et est produit par Radio Prague Int. Quels événements culturels vont avoir lieu après l’été ?
« On va faire entre 50 et 60 événements. D’abord, il y a toujours le verre comme matériau de création : jusqu’à la fin de l’année, on va présenter le verre comme un savoir-faire tchèque mais aussi en tant qu’objet d’avenir. Ensuite, novembre est toujours l’occasion de présenter la photographie tchèque à Paris : deux événements importants ont lieu, Photo Saint-Germain et Paris Photo. On est en train d’organiser une exposition autour de la photographie féminine en dialogue franco-tchèque. Sonia Voos sera la curatrice de l’exposition, elle qui a été en résidence en République tchèque. On a également une programmation liée au design que l’on développe déjà dans notre concept-store. Ensuite, il y a la littérature avec des rencontres régulières avec des auteurs tchèques qui vont venir à Paris et qui sera couronnée avec une grande conférence de bohémistes à Paris puis Bruxelles. Enfin, la musique qui est importante pour nous via le Paris-Prague Jazz Club et la musique classique : on va faire venir une vingtaine d’ensembles tchèques de tous les styles. »
Difficile de faire l’impasse sur l’actualité, la guerre en Ukraine va-t-elle se refléter dans la programmation, alors que la Tchéquie est engagée dans un soutien important à ce pays ?
« Pas vraiment, j’espère qu’à la rentrée au contraire la situation sera plus calme et que la guerre sera finie. Mais, dès le début de la guerre, au printemps, le Centre tchèque a joué un rôle de passerelle vers l’Est, pour le public parisien. En Tchéquie, on a l’impression que la guerre se passe chez nous, en France un peu moins, pour des raisons historiques évidentes. Nous avons organisé deux ventes aux enchères à destination de l’Ukraine, avec des artistes français, les Beaux-Arts, les galeristes du quartier de Saint-Germain-des-Prés, avec un vrai succès dans l’engagement dans l’aide à l’Ukraine. Nous allons continuer sur cette ligne-là avec fin juin-début juillet, le vernissage d’une exposition d’artistes ukrainiens au Centre tchèque. »