Kyiv rejoint le « Pacte des villes libres » initié par Prague et d’autres capitales d’Europe centrale
Kyiv a rejoint le « Pacte des villes libres » fondé en 2019 par les maires de Prague, Varsovie, Budapest et Bratislava. Une annonce faite hier à Prague et qui est plus que symbolique pour la capitale ukrainienne, alors que son pays attaqué par la Russie vient de voir son statut de candidat à l’entrée dans l’UE accordé fin juin.
« C’est un jour symbolique car nous parlons là de l’intégration de notre patrie dans la grande famille européenne, de l’intégration de notre capitale dans la grande famille des capitales européennes… »
A Prague, le maire de Kyiv, Vitali Klitschko a souligné lundi l’importance pour sa ville de ce partenariat initié en 2019 par les quatre capitales du groupe de Visegrad.
Lors de sa signature il y a trois ans, Zdeněk Hřib indiquait qu’il s’agissait de signaler « un partage des mêmes valeurs et l’existence de voix dans nos pays qui ne s’identifient pas à la politique populiste et nationaliste », une façon pour ces villes de se distinguer des gouvernements de leurs pays, traversés de tendances illibérales ou les affichant carrément sans fard, comme le rappelait en 2019 sur notre antenne Jacques Rupnik, spécialiste de l’Europe centrale.
« Je pense qu’il y a deux dimensions importantes. La première est de casser l’image du Groupe de Visegrad comme bastion du populisme nationaliste eurosceptique qui, depuis quelques années, s’est imposée au sein de l’UE et particulièrement dans les pays d’Europe occidentale. Le fait que les maires des quatre capitales affirment clairement leur attachement à la démocratie libérale et à la construction européenne est important pour casser cette image. »
« L’autre aspect est que cela rend explicite le clivage qui maintenant domine et traverse ces sociétés : le clivage entre grandes villes ouvertes, cosmopolites, relativement prospères, avec haut niveau d’éducation et d’intégration au courant européen et le reste de la société qui est plutôt réticent à cette politique des grandes villes et à la politique de l’ouverture. Cela symbolise ce clivage interne qu’on pourrait dire être un clivage ouverture/fermeture. »
Si depuis, cette alliance a évolué, les principes qui animaient sa fondation n’ont pas changé, selon Zdeněk Hřib (Parti pirate), encore actuellement maire de Prague, avant un probable changement suite aux récentes élections municipales :
« Ce pacte des villes libres existe depuis maintenant trois ans déjà. Je pense que ce qui était au départ vu comme la coopération naturelle de maires aux mêmes sensibilités politiques a fait ses preuves et que ces quatre villes restent des bastions de défense de la liberté, de la démocratie et des droits humains en Europe centrale et orientale. Cela a aussi évolué en une alliance de 33 villes en tout, en Europe et ailleurs : toutes sont unies autour des mêmes valeurs. Aujourd’hui, nos discussions portent sur la meilleure façon d’aider l’Ukraine, comment gérer l’afflux soudain de réfugiés dans nos villes et bien que les sujets que nous traitons soient de nature plus pratique, notre ADN reste celui de la défense de certaines valeurs. C’est quelque chose qui s’avère être encore plus importants de nos jours. »
La guerre est loin d’être terminée en Ukraine, mais à Prague comme ailleurs dans l’Union européenne, on pense déjà au lendemain, à la reconstruction du pays. Zdeněk Hřib, qui avait invité Kyiv à les rejoindre bien avant le début de la guerre, a souligné l’importance d’une reconstruction de l’Ukraine de manière « sophistiquée et durable », et de la prise en compte du savoir-faire des villes.
Présent également au sommet de ces capitales alliées lundi, le maire de Bratislava Matus Vallo, mais aussi celui de Varsovie Rafal Trzaskowski a rappelé les crises auxquelles les villes avaient dû faire face comme la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine ou la crise énergétique, estimant que « ni les gouvernements ni l’UE ne peuvent atteindre leurs objectifs sans travailler avec les villes, où vivent de plus en plus de personnes. »
Pour le maire de Kyiv qui a rappelé que son pays se battait actuellement pour défendre ces valeurs mêmes au cœur du partenariat, l’histoire et le développement récent des grandes métropoles d’Europe centrale représentent une source d’inspiration pour sa capitale :
« Après 1991, notre pays a décidé de se détacher du passé et de se construire sur la base de standards de vie européens. A niveau-là, la République tchèque ou la Pologne ont rencontré davantage de succès, mais ces deux pays représentent pour l’Ukraine un bon exemple de la marche à suivre. Je vois bien combien ces pays se sont développés en un temps très court, qu’il s’agisse des infrastructures, de la qualité de vie, les services aux citoyens. C’est un exemple à suivre pour nous en Ukraine. »
C’est la deuxième fois en quelques semaines que l’ancien champion de boxe ukrainien et maire de Kyiv depuis 2014, fait le déplacement à Prague, la ville de Tchéquie qui a en grande partie centralisé l’accueil des réfugiés ukrainiens après le 24 février et qui en a accueilli le plus grand nombre. Se rendre en Tchéquie où les Ukrainiens sont, hors temps de guerre, la plus importante communauté étrangère du pays, est comme Vitali Klitscko l’admettait lundi à la Télévision tchèque, toujours un peu un retour aux sources puisqu’il a passé une partie de son enfance en Tchécoslovaquie où son père avait été stationné au début des années 1980 en tant que soldat dans l’armée soviétique.