UE - Adhésion de l’Ukraine et de la Moldavie : Prague voudrait que les choses avancent plus vite
La Tchéquie est à l’origine d’une initiative réunissant quinze États membres de l’Union européenne qui vise à faire avancer « de manière crédible » les processus d’adhésion de l’Ukraine et de la Moldavie. Plus concrètement, l’objectif est de faire en sorte de parvenir à passer du stade des promesses à celui du lancement des négociations officielles avec les deux pays avant le début de la présidence hongroise du Conseil de l’UE, le 1er juillet.
« Nous sommes arrivés à la conclusion qu’il est temps de progresser de manière significative dans le rapprochement des deux pays avec l’UE. Cela est en grande partie le résultat de l’évolution de la situation dans ces pays », a expliqué le ministre tchèque en charge des affaires européennes, Martin Dvořák, dans un long entretien accordé à la Radio tchèque la semaine dernière. Bien que, selon ses dires, il s’agisse là d’un « thème peu sexy » pour le grand public, cela n’enlève rien à son importance aux yeux du gouvernement tchèque.
« Nous pensons que tant l’Ukraine que la Moldavie méritent d’être récompensées pour la manière dont elles travaillent très dur pour satisfaire aux différents critères et devoirs qui leur sont demandés. Par ailleurs, nous souhaitons qu’un maximum de choses puissent être réalisées pendant la présidence belge, qui est peut-être plus ouverte à la question que le pays suivant. »
Par « pays suivant », comprendre la Hongrie, qui prendra le relais de la Belgique à compter du 1er juillet et assurera ensuite la présidence tournante du Conseil de l’UE jusqu’à la fin de cette année. Une Hongrie pour qui l’Ukraine ne constitue absolument pas une priorité et dont le Premier ministre, Viktor Orban, avait d’ailleurs été le seul dirigeant des Vingt-Sept à s’abstenir de voter lors du Conseil européen en décembre dernier qui avait permis de trouver à l’arraché un accord de principe sur l’ouverture de négociations avec Kyiv et Chișinău.
À Prague, la vision des choses est toutefois diamétralement opposée à celle de Budapest. Le soutien à l’Ukraine, la stratégie à l’égard de la Russie ou encore, donc, l’élargissement de l’UE constituent ainsi - et une nouvelle fois - quelques-uns des principaux sujets qui figurent au programme de la dixième édition de la conférence annuelle appelée « Sommet européen de Prague », une manifestation organisée par l’Institut de politique européenne EUROPEUM et l’Institut des relations internationales et qui se tient au ministère des Affaires étrangères ces jeudi et vendredi.
« Deux pays qui font de gros efforts »
Afin, donc, de faire en sorte de faire avancer un peu plus vite les diverses formalités qui doivent permettre à l’Ukraine et à la Moldavie de progresser sur cette voie de l’adhésion, Prague a lancé, le 5 juin, une lettre adressée à la ministre belge des Affaires étrangères, Hadja Lahbib, dans laquelle les représentants de douze États membres - auxquels se sont ensuite joints trois autres - expliquent notamment qu’une accélération du processus « remonterait le moral et ferait avancer le travail de réforme dans ces pays ». Martin Dvořák précise la nature concrète de la volonté tchèque :
« Nous espérons que les cadres de négociation seront adoptés par les États membres et que ce que l’on appelle les conférences intergouvernementales pourront ensuite avoir lieu. De l’avis général, il semble que cela soit possible. Pour cela, une décision unanime est nécessaire, c’est donc encore un obstacle et je ne sais pas si nous parviendrons à le briser ou à parvenir à un consensus. La raison pour laquelle nous avons écrit cette lettre était aussi justement de faire davantage pression pour que, si nous parvenons à l’adoption de cette feuille de route des négociations d’adhésion, les premières conférences intergouvernementales puissent être convoquées et se tenir avant la fin du mois de juin. »
La lettre en question a été signée par les ministres des Affaires étrangères ou européennes de Suède, d’Estonie, de Finlande, du Portugal, de Lettonie, de Pologne, de Lituanie, d’Allemagne, de Slovénie, de Roumanie et de Slovaquie. Puis, comme l’a déclaré le ministre tchèque dans l’entretien en question, qui remonte au 6 juin, trois autres pays, le Danemark, l’Espagne et l’Irlande se sont joints à l’initiative.
Bien que les deux étapes évoquées pour ce mois de juin par Martin Dvořák nécessitent la bénédiction unanime des 27 États membres, et que la Hongrie continue de bloquer toute décision, la Tchéquie estime que l’Ukraine et la Moldavie, malgré encore tous leurs manques, ont réalisé suffisamment de progrès ces derniers mois pour que le processus de négociations puisse progresser plus avant :
« Ces pays font de gros efforts et remplissent peu à peu ce qui est exigé d’eux. Mais, bien sûr, la question reste de savoir si nous serons en mesure de passer avec eux à l’étape suivante d’ici la fin du mois de juin et de commencer à définir les différents chapitres dont il convient de discuter, ainsi que le calendrier des étapes lors de la conférence intergouvernementale. »
« L’Ukraine est un cas particulier, car il s’agit d’un pays en guerre, dont une partie du territoire n’est pas sous son contrôle. Il est très avantageux pour nous et en même temps de notre devoir de la soutenir. »
« La Moldavie, pour sa part, de par la taille de son territoire, est minuscule par rapport à l’Ukraine, et elle est confrontée à l’énorme supériorité de son voisin. Je pense que la Moldavie est un pays très courageux et j’ose même dire que le résultat de leur référendum à l’automne sera positif. »
« La majorité des Moldaves veulent exprimer leur engagement et soutiennent l’adhésion à l’UE. Ils s’efforcent d’entreprendre les réformes nécessaires, ils font de leur mieux avec beaucoup de courage, et c’est exactement la raison pour laquelle nous voulons leur ouvrir un peu plus la porte, car la procédure d’adhésion est vraiment très longue. Nous, Tchèques, sommes bien placés pour le savoir puisque notre processus d’adhésion a duré près de quinze ans alors que nous n’étions plus occupés, par exemple, et avions moins de problèmes que ces deux pays aujourd’hui. »
Peu après l’initiative tchèque, la Commission européenne a elle aussi jugé que l’Ukraine et la Moldavie remplissaient désormais toutes les conditions préalables, entre autres en matière de lutte contre la corruption, à une éventuelle ouverture de négociations d’adhésion.