Presse : s’ouvrir aux Russes qui fuient la mobilisation ou pas ?
Comme ailleurs, la question d’un éventuel accueil des Russes qui fuient la mobilisation ne fait pas l’unanimité en Tchéquie. Plus de détails dans cette nouvelle revue de la presse. Un autre sujet traité : la montée de l’extrême droite aux récentes élections municipales tchèques. Quelques réactions également aux résultats des élections législatives en Italie, la situation des réfugiés ukrainiens en Tchéquie et quelques mots enfin sur la trace que laisse la Première dame tchèque sortante.
Accueillir les Russes qui fuient leur pays pour éviter la mobilisation décrétée par leur président Vladimir Poutine ? La question qui divise la scène politique européenne ne fait pas non plus l’unanimité en Tchéquie. Contrairement au non gouvernemental formulé à ce sujet récemment, un éditorialiste du quotidien économique Hospodářské noviny a étayé les raisons pour lesquelles, selon lui, la Tchéquie devrait s’ouvrir à eux :
« Lorsque dans les années 1950 et 1980, les Tchèques et les Slovaques quittaient en masse leur pays pour fuir le régime communiste, nul en Occident n’a examiné leurs motivations. Pourtant, beaucoup d’entre eux ne faisaient pas précédemment l’objet d’une persécution directe. Voilà pourquoi, nous aussi, nous sommes appelés à faire preuve à l’égard des Russes qui cherchent à échapper à l’obligation de combattre pour le dictateur Poutine une certaine générosité pareille à celle dont l’Occident avait fait preuve pendant des décennies à notre égard ».
La situation des Russes qui ont quitté leur pays après l’invasion en Ukraine pour s’installer en Tchéquie est, selon le journaliste, difficile. Chez eux, ils sont pris pour des traitres, tandis que chez nous on a tendance à les prendre pour des fascistes russes. Certes, il y a le risque, comme il l’indique, qu’il y ait parmi les Russes en fuite pas mal d’agents de services secrets. « Pourtant, on ne saurait fermer la porte à tous, comme le réclament les populistes », souligne-t-il avant de conclure par un argument « pragmatique » :
« Il vaut mieux voir un Russe en exil en Tchéquie où il peut s’approprier un regard occidental inédit sur le monde que d’avoir un Russe en uniforme qui tire avec une mitrailleuse en direction de l’Occident. »
Les élections municipales ou la montée de l’extrême droite
Les élections municipales qui ont eu lieu en Tchéquie les 22 et 23 septembre ont apporté à la majorité des partis en lice des résultats mitigés, un mélange d’espoir et de déception. L’éditorialiste du site Seznam Zprávy considère que « le vrai vainqueur de ces élections, c’est Tomio Okamura, leader du Parti d’extrême-droite Liberté et Démocratie directe (SPD), qui a réussi à mobiliser ses sympathisants » :
« Ce parti aura désormais trois fois plus de mandats qu’à l’issue du précédent vote, soit 419 au lieu de 132. C’est la première fois que ses candidats feront partie des municipalités de toutes les villes régionales du pays y compris Prague. C’est pourtant dans des localités qui font face à de graves problèmes sociaux, dans le nord du pays notamment, que le SPD a atteint traditionnellement les meilleurs résultats. »
Le politologue Lukáš Jelínek, cité dans les pages de l’hebdomadaire Respekt, estime lui aussi que c’est le SPD, en lien avec un autre parti anti-système Trikolóra, qui a remporté la victoire la plus significative :
« D’abord, c’est parce que sa trajectoire est en hausse. A présent, on ne saurait deviner jusqu’où elle pourra mener, car cela dépend dans une grande mesure de l’évolution économique et sociale. Le succès du parti SPD chez nous s’inscrit dans les tendances observées à travers l’Europe et dont les résultats des élections parlementaires en Italie sont le dernier témoignage. Aussi déplaisantes ces tendances soient-elles, on ne saurait nier leur existence. »
Les élections italiennes vues de Tchéquie
« Le Premier ministre tchèque Petr Fiala voit en Giorgia Meloni, la cheffe de Fratelli d’Italia, qui a remporté les élections législatives en Italie, une alliée tandis que Bruxelles, Berlin et Paris prônent la prudence ». C’est ce que rapporte un texte publié dans l’édition de mardi du quotidien Lidové noviny :
« Le chef du gouvernement tchèque n’a pas tardé à adresser déjà lundi matin des félicitations chaleureuses à la politicienne italienne. Il a rejoint ainsi Marine Le Pen, les Premiers ministres polonais et hongrois et les représentants des partis d’extrême-droite. Par ailleurs, le Parti civique démocrate (ODS) dont Petr Fiala est le leader, appartient, tout comme le parti de Giorgia Meloni, au groupe des Conservateurs et réformistes européens au Parlement européen. Cela dit, l’ODS réfute les doutes et les évaluations réservées d’une partie des politiciens européens qui sont à l’orientation politique italienne attribués. Pour l’eurodéputé Alexander Vondra de ce même parti ODS, Meloni constitue un nouvel espoir pour la politique européenne de droite qui évoquerait en quelque sorte Margaret Thatcher ».
Les autres partis de la coalition gouvernementale quant à eux ne partagent pas l’enthousiasme de l’ODS. Le journal indique que la politique de Meloni va notamment à contre-courant des orientations promues par le Parti des Pirates. Pour Marketa Pekarová Adamová, président de la Chambre des députés et cheffe du parti conservateur TOP 09, « il n’est pas dans l’intérêt tchèque de voir se renforcer la scène populiste dans le cadre de l’Union européenne».
Les réfugiés ukrainiens en Tchéquie : une précarité matérielle et sociale
Seuls le soutien de l’Etat et la solidarité des Tchèques permettent aux réfugiés ukrainiens en Tchéquie de ne pas tomber dans la grande pauvreté. C’est ce qui ressort d’un récent sondage de l’agence PAQ Research effectué en collaboration avec l’Institut sociologique de l’Académie des sciences. Un texte publié dans le quotidien Deník N ajoute :
« Près de 80% des réfugiés ukrainiens bénéficient d’une subvention humanitaire de 5000 couronnes (près de 200 euros) qui leur est accordée par le ministère du Travail et des Affaires sociales. Cette aide et un hébergement gratuit constituent des éléments clés notamment pour les familles avec enfants. Il s’avère cependant que près de 60% des réfugiés ukrainiens souffrent d’une lourde précarité matérielle et sociale. Elle est due en premier lieu à la barrière de la langue et au fait que la majorité d’entre eux fassent des travaux non qualifiés et mal payés. Cette précarité, qui est beaucoup plus prononcée qu’au sein de la population tchèque, a également un impact négatif sur leur intégration dans la société. »
L’aide et l’engagement des Tchèques demeurent alors pour la situation des réfugiés ukrainiens décisifs, comme le souligne le journal.
Quelle trace de la Première Dame sortante ?
« L’héritage d’Ivana Zemanová est négatif, car elle a fait abolir le bureau de la Première dame de la République tchèque ». Tel est le titre éloquent d’un texte mis en ligne sur le site echo24.cz qui s’est penché sur la trace que laissera derrière elle l’épouse du président Miloš Zeman dont le deuxième mandat prendra fin en janvier prochain. Son auteur écrit :
« En République tchèque, le rôle de la Première dame n’est pas régit par la loi. Ainsi, le budget de la chancellerie présidentielle n’accorde pas de moyens aux fins de l’exécution de cette fonction non officielle comme, par exemple, en Allemagne ou en France. Ceci dit, les femmes qui avaient précédé Ivana Zemanová - Olga Havlová, Dagmar Havlová et Livie Klausová - ont disposé au Château de Prague, le siège de la présidence, d’un bureau. Ses deux ou trois employés avaient en charge la correspondance, les contacts avec le public, les questions de parrainage, l’organisation du programme de la Première dame et des visites étrangères. ».
Le chroniqueur du site echo24.cz rappelle qu’avant l’élection de Miloš Zeman, l’apparition de son épouse en public se faisait très rare. La situation n’a guère changé après, car Ivana Zemanová n’a participé qu’exceptionnellement à des événements officiels au côté de son mari. Suivant l’exemple de ses prédécesseuses, la Première dame sortante a créé sa propre fondation dont les bénéfices sont destinés aux foyers d’enfants et aux personnes âgées. « Mais on ne sait pas dans quelle mesure elle se consacre en personne à ces activités caritatives », conclut l’auteur de l’article.