Législatives : face à la domination d’ANO et d’Andrej Babiš, les partis patriotiques se mobilisent

Quatre partis d’extrême droite et nationalistes ont signé un mémorandum de coopération dans l’optique des élections législatives
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Quatre partis d’extrême droite et nationalistes, parmi lesquels notamment le SPD de Tomio Okamura, ont signé, vendredi dernier, un mémorandum de coopération dans l’optique des élections législatives. À désormais un peu moins de six mois d’un scrutin qui pourrait profondément redessiner le paysage politique en Tchéquie, l’objectif de ce rassemblement des forces patriotiques sera d’abord d’accéder au Parlement, avant, éventuellement, d’avoir son mot à dire au moment de la formation de la nouvelle coalition gouvernementale.

« Faire en sorte que les électeurs patriotes soient fortement représentés au sein du prochain gouvernement et du prochain Parlement » : tel est l’objectif annoncé de ce mémorandum de coopération que les leaders de quatre partis d’extrême droite et nationalistes, concrètement le SPD (Liberté et Démocratie directe), Svobodní (Parti des citoyens libres), Trikolora (nom choisi en référence au drapeau tricolore de la Tchéquie) et PRO (Droit, Respect, Expertise), ont signé, vendredi dernier, sur les hauteurs de Prague et sous un soleil rayonnant, dans la perpective des élections législatives qui se tiendront à l’automne prochain.

Tomio Okamura  (au centre) | Photo: Michal Kamaryt,  ČTK

Leader du SPD, formation d’extrême droite la plus en vue en Tchéquie ces dernières années, l’ancien homme d’affaires Tomio Okamura, qui sera le chef de file de ce projet électoral présenté comme « une alliance stratégique », a expliqué quels seraient les grands objectifs de celle-ci :

« Aujourd’hui, nous rassemblons une véritable force pour arrêter le déclin de notre pays. Une force qui remettra la République tchèque sur pied. Une opposition forte qui ne se laissera pas dicter sa conduite et qui rendra enfin notre pays au peuple. De plus en plus de Tchèques sont las de la politique et ont le sentiment que leur vote ne changera rien. Que ceux qui sont au sommet font de toute façon ce qu’ils veulent. Ces Tchèques, nous les comprenons parce que nous savons qu’il en est ainsi depuis trop longtemps. Nous avons unis nos forces pour que les voix de ces électeurs puissent enfin être entendues. Nous avons uni nos forces pour que l’énergie soit à nouveau bon marché, pour que vous puissiez avoir un logement, pour que vous puissiez manger bien et bon marché, pour que vous puissiez bénéficier de soins de santé accessibles à tous, pour que vous puissiez vous aussi jouir du bien-être, pour que l’on vous laisse en paix avec la migration, pour que n’ayez pas à faire la guerre, pour que l’État ne vous ennuie pas, mais vous aide. La République tchèque n’appartient pas aux fonctionnaires de Bruxelles. Elle n’appartient pas aux mafias politiques ni aux spéculateurs énergétiques. La République tchèque n’appartient qu'aux citoyens tchèques. Notre pays, nos règles. »

Pour l’heure, le SPD, qui avait recueilli près de 10 % des suffrages lors des dernières élections législatives, est le seul parti de cette « nouvelle force patriotique » représenté au Parlement avec vingt députés. Toutefois, en 2021, malgré son excellent résultat, Tomio Okamura avait exprimé le regret que plus d’un million des votes exprimés avaient été destinés à des partis qui avaient finalement réalisé un score inférieur à 5 %, le seuil électoral nécessaire pour pouvoir siéger à la Chambre basse.

C’est précisément pour cette raison que ces quatre formations, dont les candidats réunis sous la bannière SPD figureront sur la même liste aux élections, unissent donc leurs forces. Mais alors que, quatre ans plus tard, les sondages prédisent pour le SPD un score cette fois légèrement supérieur à ces fameux 5 %, Ladislav Cabada, politologue à l’Université métropolitaine de Prague interrogé par la Radio tchèque, estime que cette initiative ne servira pas nécessairement les intérêts de toutes les parties concernées :

Ladislav Cabada | Photo: Karolína Němcová,  ČRo

« D’un point de vue purement mathématique, ils pourraient en tirer profit. On peut néanmoins penser que l’idée principale pour le SPD est de faire d'une pierre deux coups en éliminant la concurrence qui règne du côté de la droite radicale de l’échiquier politique. Pour le SPD, cela réduit aussi le risque de ne pas réaliser un score suffisant pour accéder au Parlement. Mais cela peut aussi être un mauvais calcul et ce raisonnement peut même devenir une arme à double tranchant dans la mesure où certains électeurs peuvent ressentir une aversion pour un des partis et préférer au bout du compte voter pour une autre formation. Je pense là notamment au Parti des citoyens libres dont je qualifierais le programme de libertarien et dont je ne vois pas bien quels sont les points communs avec le programme d’un parti comme le SPD. »

Commentateur politique pour le site d’actualité Seznam Zpráv, Václav Dolejší est, lui, plus sceptique encore quant au potentiel de cette alliance de circonstance, d’autant plus sur une scène tchèque où les partis, mouvements et coalitions de contestation sont cette année particulièrement nombreux :

« Je doute du fait que cette concentration des forces dans le camp patriote puisse aboutir à une augmentation marquante des préférences. D’abord parce que pour une grande majorité des électeurs tchèques, le patriotisme n’est pas un thème déterminant et a beaucoup moins d’importance qu’en Pologne, en Slovaquie ou en Hongrie. Aucun parti politique en Tchéquie ne peut espérer remporter une élection avec un discours axé essentiellement sur le patriotisme. Et puis il existe d’autres partis et mouvements anti-système et anti-européens comme la coalition Stačilo! ou les ‘Motoristé’ (Automobilistes). Cela me fait penser qu’en cas de forte participation aux élections, toutes ces formations pourraient s’entretuer en quelque sorte et finalement rester en dessous de la barre des 5 %. »

Surtout, nombre de ces formations restent confrontées à la forte concurrence de l’ancien Premier ministre Andrej Babiš et d'ANO, le mouvement populiste qui concentre une grande majorité des voix des électeurs tchèques mécontents et qui, à quelques mois des élections, continue de caracoler en tête des enquêtes d’opinion.