Les contrôles à la frontière slovaco-tchèque bientôt supprimés, mais quid des migrants ?
Instaurés en septembre dernier dans le but de lutter contre la migration illégale en provenance des Balkans, les contrôles à la frontière entre la Slovaquie et la Tchéquie vont progressivement disparaître. Mercredi, le ministre de l’Intérieur tchèque a certes annoncé une nouvelle prolongation de leur maintien jusqu’au 4 février, mais avec un régime désormais fortement assoupli en raison de la baisse conséquente du nombre d’interpellations.
Des contrôles prolongés, « oui », comme l’a confirmé le Premier ministre Petr Fiala à la sortie du Conseil des ministres mercredi, mais le gouvernement tchèque entre désormais « dans une phase d’assouplissement » et de « régime nettement plus modéré ».
Les silhouettes des soldats et des douaniers notamment vont complètement disparaître du décor, et seuls les policiers procéderont encore à quelques contrôles aléatoires le long des 250 kilomètres de frontière qui sépare la Slovaquie et la Tchéquie ou dans les trains en provenance de Slovaquie. Selon Petr Fiala, cette surveillance renforcée n'aura prochainement plus lieu d’être :
« Les mesures que nous avons prises et que nous avons été contraints de maintenir pendant plusieurs mois ont porté leurs fruits et ont eu un effet très positif sur la réduction de l'immigration illégale. Les chiffres le confirment clairement : 8 000 personnes ont été interpellées en septembre dernier contre seulement 53 en janvier. Si nous parvenons à maintenir ce chiffre à un faible niveau, nous pourrons alors, comme nous le souhaitons, abandonner complétement ces contrôles. Ce n’est pas encore le cas, mais les décisions qui ont été prises aujourd’hui, vont dans ce sens. »
Pour les migrants très majoritairement d’origine syrienne, la Slovaquie et la République tchèque, au même titre que la Hongrie ou encore l’Autriche, qui ont elles aussi renforcé les contrôles à leurs frontières, servent essentiellement de pays de transit.
Depuis l’instauration des contrôles, plus de 9 000 personnes ont été interpellées en cherchant à entrer de manière irrégulière en République tchèque tchèque depuis la Slovaquie. Mais à en croire le ministre de l’Intérieur, Vít Rakušan, le principal succès de l’opération se trouve ailleurs :
« La police a interpellé 140 personnes qui participaient d’une façon ou d’une autre à ce trafic illicite. Ce chiffre nous semble particulièrement important, parce que nous considérons qu’il s’agit de criminels qui font leur commerce en profitant de la misère humaine, et donc d’un crime particulièrement grave. »
Pour lutter plus efficacement contre cette criminalité transnationale organisée, les ministres de l’Intérieur et de la Justice envisagent de proposer des peines plus sévères dans le cadre de la loi relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en République tchèque.
À Prague comme à Bratislava, où la décision tchèque d’instaurer des contrôles avait été très critiquée à l’automne, les autorités sont toutefois conscientes qu’avec le retour de meilleures conditions météorologiques au printemps, les passeurs pourraient profiter de la suppression des contrôles pour reprendre de plus belle leur activité.
Le ministère de l’Intérieur slovaque ne cesse d’ailleurs de rappeler que c’est aux frontières extérieures de l’espace Schengen et avec les pays des Balkans concernés, et plus encore avec la Turquie, où se trouvent les camps de réfugiés, qu’il convient de régler le problème en priorité.
En 2022, alors qu’un peu plus de 29 000 personnes ont été interpellées, parmi lesquelles plus de 20 000 Syriens, l'immigration clandestine a augmenté de 161 % en République tchèque. Si la mise en place et le maintien des contrôles peuvent donc apparaître comme des mesures efficaces aux yeux des autorités, leur bien-fondé est toutefois plus discutable pour d’autres.
Zuzana Pavelková est avocate au sein de l’association « Organizace pro pomoc uprchlíkům », qui aide les réfugiés sur le sol tchèque. Depuis quatre ans, elle apporte une assistance juridique aux personnes détenues pour être entrées en République tchèque de manière illégale. À ses yeux, ces contrôles ont pour principaux effets de faire prendre encore plus de risques aux passeurs pour franchir la frontière et, ainsi, de rendre le voyage plus dangereux et plus onéreux pour des personnes dont beaucoup sont déjà en situation de désespoir et n’ont plus pas grand-chose à perdre. Zuzana Pavelková voit ainsi d’autres solutions pour prendre en charge ces migrants dont personne ne veut :
« Deux choses pourraient améliorer la situation. Premièrement, il faudrait des itinéraires sûrs et légaux pour garantir la sécurité de ces gens, ce qui signifierait davantage de visas humanitaires ou plus de programmes de relocalisation de pays comme la Turquie ou le Liban qui ont accueilli beaucoup de réfugiés et qui, pendant des années, ont fait preuve d’une grande solidarité. »
« L’autre solution, surtout en ce qui concerne les personnes fuyant la Syrie, serait d’activer une directive de protection temporaire, comme nous l’avons fait avec les personnes qui fuient la guerre en Ukraine. Pour moi, c’est la même situation et, depuis de nombreuses années, j’ai du mal à comprendre que nous ne soyons pas capables d’envisager les deux cas de la même façon en offrant à tous une protection temporaire et en permettant aux gens d’aller là où ils le veulent dès le départ, parce que, de toute façon, ils finiront par y arriver à un moment ou à un autre. »