En Ethiopie, une aide au développement toujours plus nécessaire
L’agriculture, les ressources en eau et l’éducation sont les trois principaux axes de l’aide de la République tchèque en Ethiopie. Alors que près d’un tiers de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté et que plus de la moitié est analphabète, la population connaît une croissance rapide. Cette situation est la source de différents problèmes tels que le chômage ou la déforestation. Mais l’Ethiopie doit également faire face à un phénomène causé par d’autres pays : le changement climatique.
En raison du niveau élevé de pauvreté dans le pays, l’Ethiopie est un des pays prioritaires de la coopération bilatérale axée sur le développement du ministère tchèque des Affaires étrangères.
La situation du pays est la conséquence d’une crise complexe découlant du changement climatique, des crises internationales actuelles, de la récente pandémie de Covid-19, mais aussi des conflits ethnico-politiques dans la région. Avec une population de 120 millions d’habitants, c’est le deuxième pays le plus peuplé du continent africain et le pays qui compte le plus grand nombre de réfugiés au monde. Un cinquième de la population nécessite une assistance au quotidien.
En outre, les développements actuels montrent que l’aide tchèque dans ce domaine sera de plus en plus nécessaire, comme l’explique Barbora Ludvíková de l’ONG People in Need :
« Notre aide, et l’aide humanitaire en particulier, est de plus en plus nécessaire. Nous sommes en train de nous développer amplement dans ce domaine, ce qui bien sûr ne nous réjouit pas, mais c’est la réalité. »
Barbora Ludvíková explique que l’Ethiopie est l’une des rares régions où People in Need mène à la fois des projets humanitaires et de développement. Elle travaille par exemple dans la région du Tigré, qui a récemment été touchée par la guerre civile. Cependant, ses principales activités se concentrent dans le sud, qui ne reçoit pas autant d’attention et de soutien que le nord du pays, comme l’explique Richard Walker, directeur régional de People in Need for Africa :
« Nous sommes connus pour être la plus importante des ONG internationales travaillant dans ces zones. Nous nous concentrons sur le sud, principalement, parce que si le nord du pays bénéficie d’un financement et d’un soutien importants, ce n’est pas le cas du sud. Notre impact est donc assez important. »
Barbora Ludvíková ajoute que l’impact du travail de People in Need, est également lié au fait que l’ONG maintient un contact étroit et direct avec les personnes qui reçoivent l’aide. En même temps, elle souligne que les autorités locales reconnaissent une forme de légitimité à l’organisation parce qu’elle tient ses promesses.
« Notre organisation - et je pense que beaucoup de nos collaborateurs vous le diront - est très spécifique dans la mesure où nous sommes vraiment en contact direct avec les communautés avec lesquelles nous travaillons. En même temps, je pense que nous essayons de ne pas nous fixer d’attentes irréalistes, nous savons qu’il n’est pas bon de promettre quelque chose et de ne pas être ensuite capable de tenir cette promesse. C’est pourquoi nous sommes respectés par les autorités locales, notamment. Nous travaillons avec les communautés au niveau des agriculteurs vraiment locaux. Il ne s’agit pas du tout d’une aide de haut niveau où l’on s’adresse à des fonctionnaires ou à quelque chose comme ça. Je pense donc que vous pouvez sans crainte aller parler à n’importe lequel de nos bénéficiaires et lui demander ouvertement ce qu’il pense de notre aide, et je pense qu’il sera capable de citer lui-même des choses spécifiques qui l’ont aidé et ont changé sa vie pour le mieux. »
Barbora Ludvíková explique toutefois que le plus grand succès d’une organisation n’est pas de voir ce qu’un bénéficiaire particulier a réalisé grâce à People in Need, mais lorsque les efforts de l’organisation ont un impact indirect à un niveau plus général.
« Le plus grand succès n’est pas si l’agriculteur avec lequel nous travaillons directement fait mieux, mais si son voisin fait mieux, parce qu’il verra que cet agriculteur avec lequel nous avons travaillé a effectivement de meilleurs résultats et est plus bénéfique pour cette communauté en général, peut-être pour faire la différence. »
Lutter contre le chômage dans la ville de Modjo
Dans le cadre des activités de People in Need, les plus importantes sont le renouvellement et la construction de ressources en eau, l’agriculture et les moyens de subsistance durables ou la gestion durable des ressources naturelles. Autre projet à l’impact significatif, poursuit Richard Walker.
« Nous travaillons depuis de nombreuses années dans le domaine de la gestion des ressources naturelles et de la prévention des impacts du changement climatique, non seulement en termes de réponse à la sécheresse, mais aussi de projets de développement, à savoir : la revitalisation des terres érodées, la construction d’un grand nombre d’infrastructures hydrauliques par le biais de marchés publics, ainsi que de programmes humanitaires et de développement. En outre, je pense que nous sommes un acteur majeur dans le domaine de l’éducation. Nous avons aidé à l’éducation de centaines ou de milliers d’étudiants, de même que nous mettons l’accent sur l’éducation inclusive ou la scolarisation des filles. »
En plus du projet « Leave No Girl Behind », l’ONG tchèque People in Need est impliquée dans la promotion des formations de type apprentissage. Dans la ville de Modjo, située à environ 60 km au sud de la capitale Addis-Abeba, l’organisation aide l’industrie du cuir en soutenant l’apprentissage des métiers affiliés et en encourageant la création d’emplois dans une localité confrontée à un taux de chômage très élevé, notamment chez les jeunes. En plus de fournir des équipements à l’école de tannerie locale, People in Need contribue également à la formation des enseignants. S’appuyant sur sa propre expérience, Ato Abinet, directeur de l’école de tannerie de Modjo, donne plus de détails :
« Les étudiants peuvent acquérir des connaissances et des compétences grâce au projet. Cela peut, à terme, les aider à créer leur propre entreprise ou à obtenir un emploi dans différentes entreprises. Cette aide a un impact positif car toute la communauté peut y puiser une forme d’inspiration, et, en même temps, cela fait la promotion de l’industrie de la tannerie à Modjo. De nombreux jeunes sont au chômage. Avec l’aide de People in Need, nous espérons que davantage de jeunes trouveront un emploi dans l’industrie du cuir. »
La continuité avant tout
Cela fait vingt ans que People in Need développe son travail en Ethiopie et les acteurs principaux de cette aide s’accordent à dire que ce sont les projets à long terme qui garantissent les meilleurs résultats et les plus durables.
Dans le même temps, de par leur nature même, ces projets nécessitent cette longue durée. Comme l’explique Barbora Ludvíková, il est impossible de voir les résultats des nouvelles activités agricoles s’il ne pleut pas pendant plusieurs saisons consécutives.
En outre, ce ne sont pas les organisations internationales mais les autorités éthiopiennes qui décident de la durée des projets en fonction de leurs intentions. Il faut aussi que les communautés locales s’habituent aux changements introduits par des acteurs extérieurs, souligne Martin Šefr, de l’Agence tchèque de développement créée par le ministère des Affaires étrangères :
« C’est un gros avantage lorsque, par exemple, People in Need ou une autre ONG est sur place depuis longtemps et que les secteurs qui nous ont été confiés ne changent pas très souvent, car il faut en fait un certain temps à la communauté pour s’habituer à ce qui a été mis en place et pour voir des résultats à plus long terme. Et c’est absolument idéal si vous pouvez échelonner le projet et qu’il y a, disons, trois ou quatre phases qui peuvent durer 15, 20 ans. C’est là que la continuité est fondamentale. Et puis, bien sûr, c’est formidable quand on arrive dans un endroit où un projet de ce type a été réalisé et qu’on voit que les gens sur place savent non seulement ce qu’il faut faire mieux ou comment le faire, mais qu’ils transmettent leur savoir-faire à d’autres personnes, d’autres communautés, et que le projet se développe ensuite sans notre aide. C’est la meilleure chose qui puisse arriver, mais le chemin pour y parvenir est long et épineux. »
En Éthiopie, l’Agence tchèque pour le développement travaille principalement dans deux domaines : l’agriculture et le développement rural et la gestion durable des ressources naturelles. Le deuxième groupe d’activités concerne principalement la construction de canalisations pour amener l’eau dans des endroits où elle n’existe pas ou n’a jamais existé. Martin Šefr revient sur sa propre expérience d’un séjour en Ethiopie, où il a pu constater concrètement les retombées de l’aide tchèque :
« Le simple fait qu’une personne vienne sur place est une grande fête pour les communautés locales, car ces gens vivent souvent dans des endroits isolés. Nous leur apportons de l’eau, une ressource qui a toujours été absente dans leur quotidien. Or il y a des moyens de faire venir cette eau-là. Tout le monde dans ce village où je me suis rendu était évidemment ravi. Et quand l’eau se met à couler, cela ouvre de nouvelles dimensions. C’est très bien de savoir que ces projets de développement mènent à quelque chose de concret. »
Martin Šefr souligne, à l’instar des experts de People in Need et du ministère des Affaires étrangères, qu’aucun projet ne peut aboutir si les bénéficiaires et les autorités locales n’en font pas la demande eux-mêmes. Par conséquent, les différentes organisations travaillant dans le domaine de l’aide humanitaire ou du développement doivent coopérer entre elles, y compris au niveau international, avec le gouvernement éthiopien.
« Lorsque l’on prépare des projets, il y a toujours une étude qui prend en compte exactement les besoins des personnes qui vivent dans la zone où le projet doit être réalisé. Ensuite, bien sûr, tout cela est coordonné avec les autorités gouvernementales concernées, qui doivent bien sûr être présentes. Inclure les groupes cibles dans la préparation du projet et ensuite l’administration de l’État, permet d’inscrire le projet dans la durée. »
Evidemment, les personnes interrogées s’accordent également à dire que dans l’idéal, l’aide tchèque en Ethiopie devrait mener à une situation où aucune autre intervention ne serait plus nécessaire. Toutefois, l’évolution de la situation au cours de l’année écoulée suggère la tendance inverse et un besoin croissant de ressources financières, précisément à un moment où les pays donateurs pourraient être de plus en plus réticents compte tenu de la situation économique incertaine dans le monde.
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