De nouveaux actes de naissance en Tchéquie pour les enfants de certains couples homosexuels
Au début du mois de mars, le gouvernement annonçait une nouvelle circulaire permettant à certains parents de même sexe en République tchèque de figurer en bonne et due forme sur l’acte de naissance de leurs enfants.
Jusqu’à présent, les couples LGBT en Tchéquie se voient obligés d’inscrire un seul parent sur le certificat de naissance de leur enfant. La circulaire du ministère de l’Intérieur, qui entrera en vigueur en juillet prochain, révèle plus généralement une situation complexe pour ces parents, comme l’explique Lucia Zachariášová. Cette dernière travaille pour « We Are Fair » (Jsme Fér), une coalition d’organisations œuvrant pour la légalisation du mariage pour tous en Tchéquie.
« En République tchèque, dans le cas d’un couple de même sexe, il n’y a qu’un seul parent légal qui exerce tous les droits parentaux tels que rester à l’hôpital avec son enfant, signer les documents administratifs, ou bien s’assurer que son enfant ait un droit de succession en cas de décès… Le second parent n’est que ce qu’on appelle le « parent social », qui ne bénéficie d’aucun lien de filiation avec l’enfant, ce qui est évidemment très problématique. »
Au-delà d’une situation difficilement acceptable pour ces parents, la procédure entrainait bien souvent des complications administratives. La nouvelle mesire fait suite à une affaire judiciaire de 2018 devant le tribunal régional de Brno, dans laquelle deux parents de même sexe exigeaient que leur genre soit inscrit sur l’acte de naissance de leur fille. À l’époque, le ministère de l’Intérieur avait refusé la requête en statuant que tous les modèles des certificats de naissance du pays devaient être semblables.
Pourtant, la même année, une décision de la Cour constitutionnelle tchèque estimait que dans certains cas très spécifiques, en l’espèce un cas de mère porteuse américaine pour deux pères tchèques, l’administration pouvait les reconnaitre tous deux en tant que parents légaux de l’enfant.
« Mais ce n’est que dans le cas précis où la parentalité est due à une loi étrangère. Les juges n’ont évoqué que la gestation pour autrui (GPA) effectuée aux États-Unis. D’autres couples aux requêtes similaires n’ont pas obtenu satisfaction auprès de la Cour constitutionnelle. Ainsi, dans très peu de cas très spécifiques, il est maintenant possible en République tchèque d’avoir deux parents de même sexe reconnus par la loi. »
Le futur décret n’a pas vocation à reconnaitre tous les couples LGBT comme parents légaux de leurs enfants mais seulement à créer, exceptionnellement, un acte de naissance spécifique pour ces cas précis, comportant deux colonnes dans lesquelles sera inscrit le mot « parent » (rodič). La disposition, jugée encore trop timide par Lucia Zachariášová, rencontre d’ores et déjà une vive opposition de la part de certains militants anti-LGBT.
« Il y a eu une manifestation devant le ministère de l’Intérieur de l’Alliance pour la Famille. Il s’agit de la plus forte opposition en République tchèque à l’obtention de droits pour les personnes LGBT, tel que le mariage pour tous notamment. Ils estiment qu’avec cette décision, le ministre de l’Intérieur arrache les figures de la mère et du père aux enfants, ce qui n’est pas le cas puisque les actes de naissance traditionnels sont conservés. »
En République tchèque, les couples de même sexe sont autorisés à s’unir devant la loi sous la forme d’un PACS (partenariat enregistré) mais ne peuvent se marier. Actuellement, près des deux tiers de la population tchèque sont favorables au mariage des personnes LGBT.
« Il s’agit d’un grand sujet de société. Lors des différentes élections présidentielles, le mariage pour tous est à chaque fois au cœur des discussions et les médias s’intéressent au sujet. Pourtant, les politiciens ne s’emparent toujours pas de la question et rien ne se passe. Mais il continue d’y avoir de nouveaux enfants, de nouvelles familles et de nouveaux jeunes LGBT qui grandissent et qui veulent être considérés comme égaux au regard de la loi tchèque. Nous n’avons donc pas le temps d’attendre.”
Lucia Zachariášová se veut tout de même optimiste quant à un éventuel changement législatif :
« 65% de la société tchèque soutient le mariage des couples homosexuels et le nouveau président élu Petr Pavel en est un partisan, ce qui n’était pas le cas de l’ancien président Miloš Zeman. Nous espérons donc que la représentation politique décidera enfin d’accomplir ce changement, ce qui démontrera que la République tchèque appartient réellement à l’Occident, comme le déclare souvent notre gouvernement. Or lorsque l’on regarde vers les pays de l’Occident, ces derniers autorisent le mariage pour tous. »
La nouvelle circulaire sur les actes de naissance devrait entrer en vigueur au mois de juillet, mais l’administration pourra utiliser les modèles actuels d’actes de naissance jusqu’à la fin de l’année.