Le palais Platýz, une oasis en plein centre de Prague
Il suffit de s’écarter de quelques pas du brouhaha de l’avenue Nationale pour se retrouver dans un monde différent : celui de la tranquille cour du palais Platýz.
Aux tchécophones très calés en vocabulaire animalier, le nom de ce palais pourrait évoquer l’ordre des poissons plats (« platýs » en tchèque), mais en réalité, rien à voir : le palais Platýz porte le nom de l’un de ses propriétaires, Jan Platejs de Plattenstein, qui l’a fait reconstruire à grands frais dans le style Renaissance. Directeur du Monument culturel national de Vyšehrad, l’architecte Petr Kučera explique ce qui rend ce palais du centre de Prague particulièrement remarquable :
« La façade du palais qui donne sur l’avenue Nationale est grandiose. Même s’il s’agit d’un immeuble d’habitation, cette façade de palais montre bien que les bourgeois du XIXe avait pour ambition d’égaler les nobles. Je trouve le rez-de-chaussée magnifique, avec ses arcades et ses devantures de boutiques. Et d’un point de vue architectural, le portail principal avec ses colonnes doriques est très harmonieux. »
A l’origine, l’accès au palais se faisait uniquement depuis Uhelný trh (place du Marché au charbon), avant que ne soit également ouverte une entrée depuis Národní třída (l’avenue Nationale).
Une chouette de fer comme « feu » de signalisation
Si c’est justement cette entrée que vous empruntez, levez les yeux : à gauche, une petite chouette de fer invite à passer... ou pas. Petr Kučera :
« A l’origine, la petite chouette sur son perchoir était giratoire. Elle pouvait avoir la tête en haut ou la tête en bas. Peu de gens le savent, mais il s’agit de l’un des premiers éléments de signalisation à Prague ! La chouette servait en effet à indiquer s’il y avait encore de la place dans le palais, où se trouvait une auberge, et dont la cour pouvait être traversée en chariot. Tête en haut, cela signifiait qu’il y avait de la place pour des chariots. Tête en bas, c’était complet. »
Avant le palais Platýz et sa chouette signalisatrice tels que nous pouvons les admirer aujourd’hui, on trouvait au même endroit un palais construit par Fridrich Burgundský, prince à la cour de Charles IV, en 1347.
Le palais Platýz est également lié à une histoire lugubre : des sources de l’époque évoquent un fils de l’administrateur du palais que le prince appréciait énormément, et traitait comme son propre fils. Néanmoins, en raison de son implication dans un complot contre son maître, il a fini exécuté devant le palais, sur la place du Marché au charbon, en guise de mise en garde.
Licence de débit de vin et hébergement de pèlerins
En 1586, le palais change de propriétaire :
« Jan Platejs et sa femme Dorota ont acheté ce palais et l’ont fait reconstruire dans l’esprit du style Renaissance. Ainsi la façade côté place du Marché au charbon a été rénovée et augmentée d’une tour de trois étages. Par ailleurs, c’est à ce moment-là qu’a été construite la cour avec arcades. Un jardin Renaissance a également été construit côté Vieille-Ville. Ainsi, l’ensemble formait une luxueuse propriété. Le fils de ces deux propriétaires, Jan Arnošt Platejs, a obtenu pour cette résidence une licence de débit de vins italiens, hongrois et autres, ainsi que l’autorisation d’héberger des pèlerins. C’est donc lui, qui allait par la suite devenir évêque d’Olomouc, qui a établi la tradition hôtelière que le palais Platýz perpétue encore aujourd’hui. »
On dit que c’est en tant que dédommagement qu’il a obtenu cette licence, de la part de l’empereur, car les troupes impériales auraient dévalisé le palais lors de l’invasion de Prague par les troupes de Passau, en 1611. Dévalisé le palais – ou plutôt ses caves : d’après la chronique de l’époque, les soldats y étaient restés jusqu’au petit matin...
Jakub Wimmer, le père de la première promenade urbaine
Parmi les propriétaires du palais Platýz, on nommera également Jan Leopold, comte de Paar, qui a épousé en 1715 Marie Thérèse de Sternberk. Petr Kučera explique :
« La famille du comte, les Paar, a contribué aux débuts du service postal. A l’époque où le comte de Paar en était le propriétaire, divers événements socioculturels ont commencé à être organisés au palais Platýz : des bals, des concerts... Une école d’escrime y était installée, et bien entendu, un bureau de poste s’y trouvait également. C’est donc le comte de Paar qui a contribué à faire du palais Platýz un centre culturel et social au XVIIIe et XIXe siècle. »
L’histoire a tendance à oublier Jakub Wimmer, qui est devenu propriétaire du palais en 1791. Une personnalité pourtant très intéressante, comme le rappelle Petr Kučera :
« Jakub Wimmer était un grand propriétaire foncier qui s’est enrichi en devenant fournisseur de l’armée – et plus précisément en fournissant des briques à la forteresse militaire de Terezín. Philanthrope et mécène, il était très apprécié des Pragois. Outre les améliorations qu’il a apportées au palais Platýz, il a fait aménager à ses frais l’avenue Nationale en allée. C’est ainsi qu’est née la première promenade urbaine de Prague. Il y a également fait installer une magnifique fontaine Empire réalisée par le sculpteur František Xaver Lederer, et qui se trouve aujourd’hui sur la place du Marché au charbon. »
Néanmoins, le palais Platýz tel que nous le connaissons aujourd’hui est l’œuvre de l’architecte Jindřich Hausknecht. Petr Kučera explique :
« En 1847, le palais Platýz a fait l’objet d’une reconstruction classique intégrale, œuvre de l’architecte Jindřich Hausknecht, qui a réuni plusieurs bâtiments pour en faire un grand édifice à quatre ailes et dont la façade de l’entrée principale donne sur l’avenue Nationale. C’est le palais que nous connaissons aujourd’hui. En 1847, c’était l’un des premiers immeubles locatifs de Prague. Précisons toutefois que déjà à l’époque, il s’agissait de locations de luxe, qui n’étaient en aucun cas destinées à la classe moyenne... »
Aujourd’hui, après avoir admiré les façades et la cour du palais Platýz, vous pouvez avoir un aperçu de ce luxe en faisant une pause au café du même nom, ou encore en admirant les œuvres d’art exposées et vendues à la Galerie Platýz.