Presse : journaliste, une des professions les moins prestigieuses en Tchéquie

Cette nouvelle revue de presse se penche d’abord sur la condition des médias et du journalisme en Tchéquie. Elle s’intéresse également à la définition du centre de l’Europe et à l’évolution de la Tchéquie en faveur de l’UE. Il y sera également question de la fidélité des supporters d’Andrej Babiš. Un sujet de l’agenda international concerne la situation dans la région de Belgorod en Russie. Un mot enfin sur les trois concerts donnés par Tina Turner à Prague.

Les médias peuvent être affaiblis de différentes manières. Par exemple, par l’aggravation de leur situation économique. C’est ce que constate l’hebdomadaire Respekt en lien avec l’augmentation de la TVA de 21 % pour la presse, envisagée par le gouvernement de Petr Fiala. Une mesure qui est plus efficace que les interdictions et qui ne risque pas, comme il l’explique, de provoquer les protestations du public :

« Quarante ans de régime totalitaire, suivis de plus de trente ans d’attaques incessantes contre les journalistes, ont laissé des traces. La confiance à leur égard a diminué ces dernières années, le journalisme étant l’une des professions les moins prestigieuses. En Tchéquie, seuls les députés ou les prêtres semblent se classer encore plus bas. Bien entendu, ces attaques ne sont pas les seules responsables de cette situation. Les médias ont commis un certain nombre d’erreurs, en réduisant leurs activités dans les domaines les plus importants, qu’il s’agisse d’enquêtes, de reportages ou d’analyses approfondies. »

« Pourtant, la société a besoin des médias », souligne l’éditorialiste de Respekt, « car sans les journalistes, nous n’aurions peut-être plus de système entièrement démocratique » :

« Ce sont en effet les médias qui ont continué à contrôler les actions de l’ex-Premier ministre  Andrej Babiš et de l’ancien président Miloš Zeman entre 2013 et 2022. L’affirmation du gouvernement actuel selon laquelle il ne se passera par grand-’chose si des titres de la presse écrite font faillite parce que nous avons des médias publics est  dangereux et absurde. Le passé a également montré à quel point la télévision et la radio tchèques étaient vulnérables, lorsque les politiciens décident de les mettre sous pression. Cela pourrait se reproduire à tout moment. »

Donner un centre à l’Europe

« L’Europe semble ne pas avoir de centre ». Un constat dressé dans un texte publié par le quotidien Hospodářské noviny:

Photo illustrative: Brigitte Werner,  Pixabay,  Pixabay License

« A l’époque du rideau de fer, ’nul besoin d’évoquer une quelconque Europe centrale car la ligne de démarcation existait entre l’Europe de l’Ouest et l’Europe de l’Est. Longtemps après sa chute, les différences entre les deux parties de l’Europe sont restées marquantes. Aujourd’hui, la situation est différente, nos problèmes étant plus ou moins les mêmes que ceux des pays occidentaux. La réorientation du commerce extérieur des marchés de l’’Est vers les marchés de l’’Ouest a bien fonctionné. On pourrait même dire que nous, en tant que pays d’Europe centrale, n’avons pas été des fauteurs de troubles au cours des deux dernières décennies, à quelques exceptions près, comme notre positionnement lors de la crise migratoire. La région d’Europe centrale est en train de prendre confiance en elle. En particulier, sa réponse rapide et juste à l’agression russe en Ukraine a été exemplaire. »

L’éditorialiste du quotidien économique souligne que le gouvernement actuel et le président Petr Pavel devraient avoir à cœur de construire l’idée d’une Europe centrale, la Mitteleuropa, notoirement absente. Donner un centre à l’Europe, donc :

« Nous avons connu plus de 33 ans de liberté et il est temps de cesser de regarder le centre de l’Europe comme une dérive. Nous nous sentirions tous beaucoup mieux si nous étions considérés comme l’Europe centrale, et non comme l’Europe de l’Est. Le terme ‘Europe de l’Est’ devrait être réservé aux pays situés véritablement à l’est de l’Europe. L’Europe de l’Est pourrait inclure des pays qui sont en Europe mais qui ne font pas partie de l’UE. Nous devrions tout faire pour devenir l’Europe centrale. »

Une évolution en faveur de l’UE

Le regard des Tchèques sur l’Union européenne diffère de celui des Polonais et des Hongrois, rapporte un article publié dans le quotidien Lidové noviny qui a expliqué pourquoi :

Photo illusttrative: Gerd Altmann,  Pixabay,  Pixabay License

« Les derniers chiffres concernant le rapport des Tchèques vis-à-vis de l’UE suggèrent une évolution en faveur de l’UE. Les données révélées de l’enquête STEM pour le think-tank Europeum montrent que si un référendum était organisé aujourd’hui sur le maintien de la République tchèque dans l’UE, 63 % des électeurs voteraient en sa faveur. Il s’agirait d’une nette victoire, d’une progression (il y a cinq ans à peine, seuls 56 % des Tchèques interrogés étaient favorables à l’adhésion). Toutefois, la Tchéquie reste bien en-deçà des 80 % de la Pologne ou de la Hongrie. »

Comment expliquer cela ? Selon l’éditorialiste du journal, les Tchèques font davantage la distinction entre le soutien à l’adhésion à l’UE elle-même et le soutien à telle ou telle politique de l’UE qui peut leur poser problème. Il s’avère donc, comme il l’écrit, qu’on peut être à la fois partisan de l’adhésion à l’UE et opposant à l’une de ses politiques.

La fidélité des supporters d’Andrej Babiš

« Je considère que l’existence de la secte profondément religieuse des sympathisants du mouvement ANO est un problème plus important que l’existence d’Andrej Babiš elle-même. » Voilà ce que l’on peut lire dans un texte publié dans le journal en ligne forum24.cz :

Andrej Babiš | Photo: René Volfík,  iROZHLAS.cz

« Cette secte irrationnelle et complètement coupée de la réalité consomme volontiers les mensonges les plus infâmes diffusés par Babiš. Et ce malgré le fait que la fausseté de ses dénonciations du gouvernement Fiala - pire gouvernement de l’histoire de notre pays selon lui - puisse être très facilement vérifiée et démentie en trois clics. »

Le phénomène de la foi irrationnelle en ce politicien qui reste crédible même quand il ment, est apparu sur notre scène politique peut-être à cause de la disparition du fait religieux dans la société, estime l’éditorialiste du journal qui a encore écrit :

« Lorsqu’un menteur entre en politique, il n’y a rien de surprenant ni de fondamentalement inquiétant. Le problème survient lorsque la masse des électeurs commence à croire à ses mensonges. Ceux de Babiš fonctionnent, et les gens applaudissent ses déclarations manifestement fausses. »

Suivre les événements de Belgorod

« Si on veut chercher le bon côté de l’histoire russe, il faut suivre ce qui se passe à Belgorod », peut-on lire en titre d’un article mis en ligne sur le site Seznam Zprávy. Concernant les attaques perpétrées dans la région russe de Belgorod et revendiquées par des forces anti-Kremlin composées de citoyens russes, il a indiqué :

Réunion de Liberty of Russia Legion et Russian Volunteer Corps | Photo: Profimedia/ČTK

« Le régime russe est loin de s’effondrer. Vladimir Poutine peut donc continuer à miser sur sa stratégie graduelle en Ukraine. Mais Belgorod est un signe de ce que certains Russes ont le courage de s’opposer à leur gouvernement sanguinaire et criminel les armes à la main. Ces hommes courageux sont du bon côté de l’histoire. Si nous ne les applaudissons pas, nous ne briserons par le cercle vicieux. Pour Poutine, cela a dû être une gifle aussi ignominieuse que le bombardement, en octobre, du pont de Kertch qui relie la Russie à la Crimée. Ainsi, l’un des piliers de la psychose collective que le leader russe n’a cessé de construire dans son pays semble vaciller quelque peu. »

Selon l’éditorialiste de Seznam Zpravy, l’attaque des villages autour de Belgorod, a simplement montré aux Russes que le roi était nu, c’est-à-dire qu’il était étonnamment vulnérable. « Cela doit nous réjouir, nous qui vivons dans le monde libre », estime-t-il. Toutefois, une certaine indifférence est également notable :

« Les hommes politiques alliés et tchèques passent sous silence ce qui se passe à Belgorod. Il est difficile d’expliquer cela autrement que par le fait qu’ils ne savent tout simplement pas quoi répondre à la nouvelle. Aucun d’entre eux ne semble vouloir se réjouir qu’il y ait enfin eu un petit pas qui pourrait être très prometteur pour l’avenir ».

Prague se souvient des trois concerts de Tina Turner

Les journaux tchèques, eux aussi, ont retenu le décès de Tina Turner, « la reine du rock’n’roll à la voix éraillée inimitable ». L’occasion pour le magazine Reflex de rappeler :

Photo: Live Nation

« Prague a également eu l’opportunité de vivre le spectacle de la ‘grand-mère du rock’, où la chanteuse s’est produite trois fois au cours de sa carrière et ce, même encore sous le régime communiste, au début des années 1980. La dernière fois, c’était le 27 avril 2009 lorsqu’elle a joué à guichets fermés dans la salle O2 Arena. »