À Prague, une exposition plonge ses visiteurs dans la bohème des années 1950-2000
Depuis mars 2023, la galerie Kunsthalle à Prague est le théâtre d’une expérience artistique unique en son genre. C’est en effet dans ses murs que se tient l’exposition « BOHEMIA : Histoire d’un phénomène 1950-2000 », capturant l’essence mouvante de la vie de bohème à travers l’art, la musique et la photographie
Au cœur de cette exposition réside une idée fondamentale : la bohème n’est pas simplement un concept, c’est un mode de vie, un esprit qui transcende les frontières géographiques et culturelles. Du Paris et du New York de l’après-guerre à l’art libre de Téhéran et de Pékin, en passant par le Londres branché des années 1960, lexposition prend une dimension particulièrement intrigante en se déroulant à travers différents lieux et continents, illustrant ainsi la diversité de la vie de bohème. Selon Christelle Havranek, commissaire responsable des expositions à la Kunsthalle, cette démarche vise à montrer que bien que des éléments récurrents émergent, ils se manifestent de manière distincte selon chaque contexte :
« Plutôt que de proposer une définition stricte et absolue de la vie de bohème, l’exposition explore comment celle-ci peut se manifester de manière variée selon les lieux, les époques et les contextes sociaux et politiques. L’idée de traverser différents lieux et continents illustre cette diversité. Bien que des éléments récurrents émergent, tels que la liberté, l’insouciance, la convivialité et le refus de se préoccuper de l’avenir, ils se manifestent différemment au sein de chaque contexte. »
Une collaboration fortuite avec Russel Ferguson, commissaire américain indépendant, a permis à l’exposition de voir le jour, selon Christelle Havranek :
« La raison derrière cela réside dans une rencontre entre Russell Ferguson et moi, facilitée par un ami commun. Russel avait l’intention de créer une exposition sur ce thème, mais certains détails précis tels que le lieu et les collaborateurs restaient à définir. La coincidence de notre rencontre, combinée au fait que je travaille pour un établissement à Prague en Bohême, a constitué une opportunité idéale pour collaborer. »
Si elle se plonge dans l’essence même du mouvement bohème en commençant par la seconde moitié du XIXe siècle, période de l’histoire où la vie de bohème a pris racine, l’exposition se concentre toutefois spécifiquement sur la période d’après-guerre à partir de 1950. Un moyen de mettre en lumière la manière dont la bohème s’est transformée dans ce nouveau contexte :
« Cette exposition met en avant principalement la photographie en tant que médium, bien qu’elle inclue également des peintures, des vidéos et des installations immersives. L’exposition adopte une approche chronologique, débutant dans l’après-guerre à Paris, une époque où la ville était la destination privilégiée pour la bohème internationale. »
La bohème s’est ensuite propagée dans le monde entier à partir des années 1950. À New York, le mouvement de la « beat generation » a pris racine, avec des références littéraires majeures telles qu’Edgar Allan Poe et Charles Baudelaire. Londres a également connu un essor bohème, incarné par des figures comme Mick Jagger, devenu rapidement un symbole de ce mouvement.
La Californie dans les années 1960, a été le terrain fertile du mouvement « flower power », avec des événements emblématiques comme le festival Woodstock et la naissance du mouvement hippie. Cette période a été caractérisée par l’anticonformisme et l’expression libre.
La vie bohème représente une opposition à la bourgeoisie, cependant le style varie en fonction de ce contre quoi la bohème se révolte. Les revendications et les caractéristiques du mouvement diffèrent d’un pays à l’autre, en raison des contextes politiques et sociaux. L’exposition illustre cette variété en explorant des lieux aussi divers que Prague, Zagreb et Pékin, soulignant comment la bohème s’est manifestée sous des régimes totalitaires.
L’exposition se termine par une note de réflexion contemporaine, posant la question de la pertinence continue de la vie de bohème à l’ère des médias sociaux. Christelle Havranek précise sur ce dernier point :
« L’exposition s’achève en suscitant une réflexion. Les points à retenir et ceux sur lesquels il conviendrait de méditer à la sortie de l’exposition sont liés à l’évolution de la bohème à l’ère des médias et des réseaux sociaux. La bohème, en effet, implique une manière de vivre en communauté, partagée dans les cafés et les appartements. On pourrait se demander si ce mode d’interaction et de vie en communauté n’est pas menacé par l’avènement d’Internet. Cette question se pose. »
L’exposition « BOHEMIA : Histoire d’un phénomène 1950-2000 » est à voir jusqu’au 16 octobre prochain.