En Tchéquie aussi, la victoire de Robert Fico a été majoritairement accueillie comme une désillusion
Pour de multiples raisons, les élections législatives anticipées qui se sont tenues en Slovaquie samedi dernier, ont été suivies avec une grande attention en Tchéquie voisine. La victoire de Robert Fico et la perspective de son retour au pouvoir ont suscité de nombreues réactions, rarement enthousiastes, à Prague.
Remise en cause de l’aide militaire et humanitaire à l’Ukraine, des sanctions contre la Russie de Vladimir Poutine et, plus généralement, de l’appartenance du pays à l’OTAN, rapprochement avec la Hongrie de Viktor Orban, formation en Europe centrale d’un front d’opposition magyaro-polono-slovaque contre Bruxelles, évolution de la politique étrangère qui sera menée par le nouveau gouvernement, menace pour la démocratie et l’État de droit ou encore avenir des relations entre deux pays qui, en raison de leur histoire tchécoslovaque commune, continuent de se considérer davantage que comme de simples voisins.
Vu de Prague, les raisons de suivre le déroulement de ces élections législatives en Slovaquie un peu plus attentivement encore que les précédentes étaient multiples. Et comme dans la majorité des médias slovaques, en Tchéquie aussi, la victoire de Robert Fico et de son parti Smer-SD, avec près de 23 % des suffrages et cinq points d’avance sur le parti libéral Slovaquie progressiste de Michal Šimečka, a globalement été accueillie comme une désillusion.
L’hebdomadaire libéral Respekt a ainsi beau titrer qu’il ne s’agit « pas d’une catastrophe », il reconnaît toutefois que l’issue du scrutin ne constitue « pas non plus le happy end » espéré et signifie « le retour au pouvoir d’un homme politique qui fait l’éloge de Gustav Husák (l’ancien président de la Tchécoslovaquie sous le régime communiste entre 1975 et 1989) et entend ressembler à Viktor Orbán ».
Même son de cloche dans Deník N, qui, certes, considère lui aussi que « ce n’est pas la fin du monde » et que si « Fico a gagné, la Slovaquie ne lui appartient pas pour autant ». Néanmoins, le quotidien libéral indépendant prévient ses lecteurs : « Fico ne sera pas assez puissant pour faire fermer toute la Slovaquie et interdire d’écrire, de chanter, de danser et de rêver. Toutefois, les électeurs et les hommes politiques démocratiques doivent comprendre que la véritable lutte pour la Slovaquie commence maintenant ».
Le discours populiste et prorusse tenu par Robert Fico, opposé notamment à la poursuite de l’armement de l’Ukraine, durant la campagne électorale inquiète à Prague. Avant même les élections, le président tchèque avait d’ailleurs exprimé son appréhension en déclarant que le potentiel retour de Robert Fico à la tête du gouvernement slovaque pourrait « perturber dans une certaine mesure » les relations tchéco-slovaques, en raison notamment de leurs divergences de vues en matière de politique étrangère.
Dimanche, toutefois, une fois la victoire de Robert Fico enterrinée, la réaction de Petr Pavel a été plus mesurée :
« Les négociations post-électorales vont commencer et il convient d’attendre un peu pour savoir quel gouvernement aura la Slovaquie et quelle direction celui-ci prendra. Nous verrons alors dans quelle mesure nos chemins continuent à converger ou à diverger. Mais je suis convaincu qu’il est dans l’intérêt des deux parties que nos chemins ne s’éloignent pas et que Tchèques et Slovaques conservent les relations exceptionnelles qu’ils entretiennent de longue date. »
Tandis que sur le réseau social X, le Premier ministre conservateur Petr Fiala a souhaité aux Slovaques « que les négociations post-électorales aboutissent à la formation d’un bon gouvernement » et s’est dit convaincu que « nous continuerons à coopérer étroitement, dans l’intérêt de nos deux pays », le ministre de l’Intérieur, Vít Rakušan, a, lui, formulé un autre souhait :
« Je veux croire que les négociations en Slovaquie aboutiront à la formation d’un gouvernement qui sera peut-être très différent du gouvernement tchèque mais qui respectera les principes de l’appartenance de la Slovaquie à l’Union européenne et à l’Alliance atlantique. »
Reste que si Věra Jourová, la vice-présidente tchèque de la Commission européenne, chargée des valeurs et de la transparence, a regretté, sur l’antenne de la Télévision tchèque, que le dérourelement de la campagne électorale en Slovaquie ait été intoxiqué par la désinformation, certains en Tchéquie se réjouissent néanmoins de la perspective de probablement revoir Robert Fico à la tête d'un gouvernement slovaque.
Ainsi, tandis que le site conservateur Echo24.cz se félicite que « ce ne sont pas les médias mais les électeurs qui ont décidé » de ces élections, l’ancien Premier ministre Andrej Babiš, désormais principale figure de l’opposition, a été un des premiers représentants politiques tchèques dimanche matin à féliciter Robert Fico, lui aussi sur le réseau social X : « Je souhaite à toute la Slovaquie d’avoir un gouvernement qui œuvrera à l’amélioration des conditions de vie de ses habitants et qui défendra résolument les intérêts de tous les citoyens slovaques en Europe ».
S’en prenant concrètement à Michal Šimečka, le natif de Bratislava a reproché à la Slovaquie progressiste de ressembler aux Pirates tchèques, qui sont une des cinq formations de l’actuelle coalition gouvernementale. « Accueil des migrants, légalisation des drogues, hausse des impôts, baisse des retraites et soumission à Bruxelles. C’est ce qui s'est passé en République tchèque et je ne souhaite pas le même sort à la Slovaquie », a insisté Andrej Babiš sur un ton qui n’a pas dû déplaire à Robert Fico.