Pepík, l’anguille centenaire de Prague
Depuis la Première Guerre mondiale, elle est devenue une institution à Prague, des milliers de personnes passent devant elle chaque jour et pourtant… Peu de Pragois, et encore moins de touristes, ne savent que dans la ville, se cache une célèbre anguille : Pepík.
Dans la rue très passante de Spálená, à quelques dizaines de mètres seulement de la statue mobile de Franz Kafka, il suffit de pousser la porte de l’ancien bâtiment de la compagnie d’assurance pour tomber sur un magnifique hall d’immeuble, façon art nouveau, construit au début du XXe siècle. Au sol ? Du marbre. Sur les murs ? Du marbre. Dans les escaliers ? Du marbre. Les luminaires ? En cristal pour changer… Mais cette entrée majestueuse ne rivalise pas avec la star du bâtiment - Pepík - qui se repose discrètement dans la fontaine en mosaïque qui trône au milieu du hall.
Les curieux qui s’approchent un peu plus près du petit bassin peuvent alors apercevoir l’anguille domestiquée, présente dans ce bassin depuis 1914. Il faut en effet remonter 110 ans en arrière pour retrouver l’origine cette tradition et comprendre comment Pepík est arrivée dans la fontaine.
En 1914, Monsieur Oulík, employé dans la compagnie d’assurance (la propriétaire de l’immeuble), capture une anguille dans la Vltava. Il la surnomme alors « Pepík », le diminutif de « Joseph », puisque « anguille » se dit « úhoř » en tchèque et est un nom masculin. L’employé place ensuite l’animal dans la fontaine de l’immeuble dans lequel il travaille.
Peu à peu, tous les employés de la compagnie adoptent Pepík et prennent soin de l’animal, aux côtés de Monsieur Oulík. L’anguille devient la mascotte du bâtiment, survit aux deux guerres mondiales et même bien après. Pepík s’éteint finalement en 1976, soit 62 ans après sa capture, et sa dépouille est ensuite exposée au Musée national.
Quelques années plus tard, en 1993, l’administration du bâtiment décide de perpétuer cette tradition et on installe Pepík II dans la fontaine. Malheureusement, elle n’hérite pas de la longévité de sa prédécesseure et meurt relativement rapidement.
Aujourd’hui, il est possible d’apercevoir Pepík troisième du nom, dans la fontaine. Elle y a été installée en 2004, il y a déjà vingt ans. Malgré la disparition de Monsieur Oulík, elle continue d’être choyée par les employés de l’immeuble. « Coucou Pepík, tu te caches ? Tu ne veux pas venir manger ? » s’étonne par exemple l’agente d’entretien en passant à côté de la fontaine. Au menu : quelques asticots tous les jours, son petit pêcher mignon.
En général, Pepík III reste cachée dans le tuyau opaque qui lui sert de refuge et semble aimer sa tranquillité. Les touristes qui se penchent au-dessus de la fontaine pour la prendre en photo lui font peur d’ailleurs. Si vous souhaitez lui rendre visite, restez très discret.