Nucléaire - Dukovany : un nouveau réacteur pour une plus grande indépendance énergétique tchèque
Les trois sociétés candidates à la construction d’un nouveau réacteur à la centrale nucléaire de Dukovany, parmi lesquels les Français d’EDF, ont soumis leur offre formelle au groupe énergétique ČEZ, mardi, faisant ainsi entrer le choix par le gouvernement du fournisseur du plus grand projet industriel dans l’histoire moderne de la Tchéquie dans sa dernière ligne droite. À terme, l’objectif est de faire passer la part du nucléaire dans la production d’électricité en Tchéquie à quelque 60 %.
Outre Électricité de France, seul participant européen à l’appel d’offres, les deux autres candidats sont les groupes sud-coréen KHNP et américain Westinghouse. Tous les trois ont également remis une proposition indicative pour la réalisation de trois réacteurs supplémentaires répartis sur les sites de Dukovany et de Temelín, les deux centrales existantes en Tchéquie. Encore du domaine de l’hypothèse, la construction de ces trois autres unités s’inscrirait dans le cadre plus vaste du projet d’extension future du parc nucléaire tchèque.
En attendant, c’est donc d’abord d’un nouvau réacteur pour la centrale de Dukovany, qui en compte actuellement quatre hérités de l’époque soviétique dans les années 1980, dont il est question. Un projet déjà relativement ancien, puisqu’il en est question depuis plusieurs années, mais aussi pharaonique à l’échelle tchèque. Et ce notamment en raison de son prix, particulièrement difficile à évaluer dans la conjoncture actuelle mais qui, chose d’ores et déjà acquise, sera au bout du compte bien supérieur à la dernière estimation de 160 milliards de couronnes (6,5 milliards d’euros) faite par le ministère de l’Industrie en 2020.
ČEZ, qui s’appuiera pour cela sur l’analyse de quelque 280 experts, va désormais évaluer les différentes offres qui lui ont été remises avant son soumettre le rapport d’évaluation au gouvernement pour approbation finale. Selon le calendrier, les différents contrats avec le candidat retenu, qui porteront tout à la fois sur la fourniture d’un service d’ingénierie, d’achat, de construction et de mise en service ou encore d’assemblages combustibles, devraient être signés dans le courant de l’année prochaine. Le nouveau réacteur devrait être achevé et mis en service à l’horizon 2036, au bout de travaux dont le lancement est, lui, prévu en 2029.
Comme l’a rappelé, mardi, le ministre de l’Industrie et du Commerce, Josef Síkela, si le projet, qui représente l’investissement le plus important dans l’histoire du pays, sera donc réalisé avec un maître d’œuvre étranger, celui-ci a été chargé de veiller à intégrer autant que faire se peut l’ensemble de sa réalisation dans le tissu industriel local :
« Le prix est bien évidemment un paramètre très important à nos yeux mais il ne peut pas être le seul. Bien que cela ne soit pas une condition de cet appel d’offres, nous avons beaucoup insisté sur le fait que nous serons très attentifs à la participation de l’industrie tchèque. »
Concrètement, cette implication des entreprises tchèques sous-traitantes devrait être de l’ordre d’au moins 60 %. Directeur de la branche tchèque d’EDF, qui a formulé une offre allant de la conception à l’appui technique dans la phase d’exploitaion en passant par la formation du personnel, Roman Zdebor se dit bien évidemment convaincu que la proposition française de partenariat est parfaitement adaptée aux besoins tchèques :
« Le plus grand avantage de notre offre est que nous proposons un projet entièrement intégré sur les différents volets demandés, qui sera localisé en Europe. C’est donc un projet certifié qui repose sur une forte implication de la chaîne d’approvisionnement tchèque. »
Le plan d’extennsion de la centrale de Dukovany, que l’actuel Premier ministre Petr Fiala a qualifié de « projet clé » pour l’autosuffisance énergétique et la sécurité du pays, a été inclus dans la Conception énergétique de l’État, dont une version actualisée avait été approuvée par le gouvernement dirigé par Bohuslav Sobotka en 2015. Le document, qui vise notamment à un modèle énergétique faiblement carboné, prévoit que « l’énergie nucléaire devienne la principale source d’électricité en République tchèque dans les prochaines décennies ».
Actuellement, le nucléaire dans le bouquet énergétique tchèque représente près d’un tiers de la production électrique nationale (37 % en 2022, contre 48 % pour le charbon) avec six réacteurs répartis sur deux centrales pour une production annuelle d’environ 30 TWh.
Au cours de la prochaine décennie, le plan climat-énergie, qui a été récemment approuvé par le gouvernement, prévoit la construction de nouvelles unités nucléaires, ce qui devrait progressivement porter la part de l’énergie nucléaire à 60 %.