Plongée dans l’intimité des femmes quinquagénaires
A l’approche de la cinquantaine les femmes se retrouvent face à un tournant dans leur vie. Dans son livre intitulé Padesátka - La Cinquantaine, l’écrivaine et traductrice Lenka Kapsová se penche sur cette période turbulente et névralgique marquée par la ménopause et réunit d’innombrables témoignages de femmes qui ont déjà vécu ce tournant. Et son livre démontre qu’avec la cinquantaine quelque chose dans la vie de la femme finit, mais quelque chose perdure et quelque chose peut aussi finalement commencer.
Ces questions qui ont engendré un livre
Lenka Kapsová est traductrice et enseignante dans une école secondaire. Née en 1971, elle ressent donc dans son corps et dans son esprit les changements profonds qui viennent avec la ménopause. Cependant, elle n’est pas de ces femmes qui se résignent à accepter indolemment tout ce que la vie leur apporte sans vouloir comprendre et sans se poser de questions. Déçue par les informations qu’elle trouve sur Internet, elle s’interroge et pose des questions aussi à son entourage. Elle ne sait pas d’abord que ses questions finiront par engendrer un livre :
« J’envisageais probablement de donner une image plus nuancée de cette période de la vie, quelque chose entre les deux attitudes extrêmes que je trouvais sur Internet. D’une part on m’avertissait : ‘Vous aurez des bouffées de chaleur, une baisse de la libido, de l’ostéoporose, la sécheresse des muqueuses mais il faut endurer tout cela’. Et évidemment, je n’étais pas enchantée par cette perspective. Mais d’autre part, il y avait une autre attitude extrême et un optimisme exagéré qu’on pourrait résumer ainsi : ‘A l’âge de cinquante ans, la vie ne fait que commencer ...’ et ainsi de suite. Alors je voulais trouver entre les deux extrêmes quelque chose de plus plausible et plus varié. C’était probablement mon premier objectif. »
Une mosaïque de nombreuses vies
Les femmes qui ont apporté leur témoignage et qui partagent leurs expériences avec l’auteure de ce livre sont nombreuses. Il semble que Lenka Kapsová ait le don de mettre en confiance les personnes interrogées et de les faire parler. Elles s’ouvrent à elle, elles rejettent leurs scrupules et ne cachent même pas les aspects gênants et douloureux de leur existence. Souvent, il s’agit de véritables confessions qui plongent dans les profondeurs de leur intimité. La cinquantaine et la ménopause deviennent ainsi seulement des points de départ, des points fixes autour duquel s’enroulent de nombreux autres aspects de la vie des femmes, leurs aspirations et leurs déceptions, leurs plaisirs et leurs chagrins, leurs amours et leurs aversions, leurs craintes et leurs satisfactions. L’auteure compose une mosaïque de multiples vies qui illustre une période transitoire dans la vie des femmes, elle ajoute ses commentaires mais elle se garde d’en tirer des conclusions catégoriques et de généraliser. Elle se contente de constater par exemple :
« J’ai réalisé que nous vivons très péniblement le changement d’aspect extérieur de notre corps et cela m’intéressait beaucoup. Je voudrais savoir pourquoi. J’ai interrogé des femmes très intelligentes qui se sentent en général encore jeunes et très en forme mentalement mais quand elles se regardent dans le miroir, elles se sentent trahies en quelque sorte par ce qu’elles voient. Elles cherchent à mettre en rapport l’état mental et l’aspect physique, ces deux choses qui ne correspondent pas. Et c’est un problème profond et assez pénible. »
Une plongée dans l’intimité des femmes
Le livre se compose d’une dizaine de chapitres dans lesquels l’auteure répertorie les principaux problèmes des femmes et cherche dans chacun de ces chapitres à jeter une lumière intime sur ces problèmes. Elle n’oublie ni le corps ni l’âme. Un chapitre est donc consacré au rapport entre le vieillissement et à l’importance que les femmes attribuent à la beauté dans la vie et l’auteure parle ouvertement des conséquences de l’arrêt du cycle ovarien sur le corps et la vie des femmes. Dans d’autres chapitres, les femmes interrogées se comparent à leurs mères et racontent leurs sensations après le départ de leurs enfants déjà adultes, sensations qui ne sont pas toujours négatives. Une importante partie du livre traite de la vie sexuelle des femmes après la ménopause et l’auteure prête aussi beaucoup d’attention à la créativité, à la vie spirituelle et à la foi des femmes après la cinquantaine. Elle aborde toute une série de problèmes existant dans la société mais dont on préfère ne pas parler :
« Le fait que de beaux jeunes hommes plaisent aux femmes de mon âge est une espèce de tabou mais c’est la vérité. Dans la société c’est pourtant considéré comme plus étrange et moins admissible que l’attirance que ressentent les hommes d’un certain âge pour les femmes beaucoup plus jeunes. C’est considéré comme un modèle plutôt classique. Mais beaucoup de femmes que j’ai interrogées m’ont dit qu’elles n’avaient jamais perçu auparavant la beauté masculine de la même façon qu’aujourd’hui. »
Les opinions des cinq spécialistes
Pour donner à son livre une structure diversifiée et pour alterner les confessions anonymes avec les informations objectives, Lenka Kapsová sépare les différents chapitres par des entretiens avec des spécialistes de plusieurs disciplines. Ce sont encore des femmes. L’auteure interroge une gynécologue, une psychiatre et une sociologue mais aussi une femme pasteur de l’Eglise hussite tchécoslovaque et une maîtresse de chant vital, c’est-à-dire une spécialiste d’une méthode qui utilise la voix comme moyen thérapeutique. Les entretiens avec ces cinq femmes forment une charpente solide qui apporte un aspect méthodique à cette mosaïque d’opinions.
Une tempête hormonale
Le livre de Lenka Kapsová comble une lacune et présente un tableau plus complexe d’un phénomène qu’on a la tendance à réduire à ses aspects médicaux et psychiques. Pour l’écrire l’auteure s’est inspirée par la jeune génération qui ose parler ouvertement de ses problèmes :
« Je suis enseignante en deuxième année dans une école secondaire et je constate que mes étudiants sont habitués à traiter les questions de la santé mentale. Ils ne craignent pas de parler de ces problèmes et cherchent à les élucider. Et quand je me demandais si je ne me dévoilais pas trop dans mon livre et comment ce livre serait reçu par différentes générations, je me suis dit que je faisais finalement la même chose que ces adolescents, mais dans ma génération, dans la génération de leurs mères. Je parle ouvertement d’un processus semblable à ce qu’on peut vivre à l’adolescence. C’est une tempête hormonale qui est ascendante dans l’adolescence tandis qu’à mon âge son caractère est décroissant. Pour moi, c’est complémentaire d’une certaine façon et je pense qu’il est bien d’en parler. »
Le portrait idéal d’une femme mûre
Encouragée par le succès de son livre, Lenka Kapsová prépare déjà un autre ouvrage semblable mais consacré cette fois-ci aux hommes car elle considère la féminité et la masculinité comme deux aspects précieux et complémentaires de la vie. Elle est agréablement surprise par le fait qu’elle trouve chez les hommes beaucoup de compréhension pour son travail et la volonté de se confier.
Dans son livre elle évoque entre autres le moment intense où elle-même s’est sentie heureuse d’être femme. Elle sait que dans ce monde rien n’est parfait mais elle brosse au moins dans son imagination, le portrait idéal d’une femme mûre :
« Ce serait vraiment bien que notre perception de la beauté féminine se transforme un peu, si nous comprenions mieux comment se manifeste la beauté véritable, s’il y a par exemple quelque chose qui rayonne de l’intérieur. Et il serait bien que nous devenions des femmes lucides, des femmes mûres qui ne se laissent pas faire. J’imagine donc une femme sûre d’elle-même et gaie, qui est peut-être ridée et aux cheveux gris, mais qui dégage une sécurité et un bien-être intérieurs. Et je voudrais aussi que la société la perçoive comme telle, qu’elle la respecte et ne la considère pas comme inutile. Mais c’est une attitude que la femme, elle-même, doit imposer à la société. »