Réélection de Vladimir Poutine : à Prague aussi, les Russes de Tchéquie se sont mobilisés
L’élection présidentielle en Russie et la très nette victoire, sans surprise, de Vladimir Poutine, avec officiellement un peu plus de 87 % des suffrages, ont été suivies très attentivement en Tchéquie aussi tout au long du week-end écoulé. Très discrète ces deux dernières années, la diaspora russe a profité de l’occasion pour faire entendre sa voix.
« Une farce électorale illégale ». Dimanche en fin d’après-midi, peu après l’annonce de la victoire de Vladimir Poutine, le ministère tchèque des Affaires étrangères s'est empressé de faire savoir - comme si quelqu'un en doutait encore - qu’il « [insistait] sur le fait que les élections présidentielles qui se sont déroulées en Russie n'ont pas été conduites de manière transparente et démocratique ». Responsable du département de communication avec les médias du ministère, Mariana Wernerová a précisé pourquoi, en plus de la répression qui vise les opposants au régime et des diverses obstructions, Prague n’accordait aucune légitimité à ce nouveau mandat de chef de guerre décroché par Vladimir Poutine :
« La Russie a également organisé le scrutin dans les territoires occupés de l’Ukraine. La République tchèque ne reconnaît pas la tenue de cette farce électorale illégale dans la République autonome de Crimée et dans la ville de Sébastopol, ainsi que dans certaines parties des régions de Donetsk, Louhansk, Zaporijjia et Kherson en Ukraine. L’occupation de ces territoires constitue une violation de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine en vertu de la Charte des Nations unies et des principes du droit international. L’objectif de la Russie est une fois de plus de légaliser les résultats de sa politique agressive à l’égard de l’Ukraine. Ce faisant, elle ne cesse de violer le droit international en empiétant sur la souveraineté d’États étrangers. Nous pensons que les citoyens russes devraient avoir le droit de choisir leurs dirigeants lors d’élections véritablement libres et démocratiques. »
Libre, l’élection ne l’a pas été non plus tout à fait à Prague, où un peu plus de 1 600 ressortissants russes ont voté à l’ambassade de Russie, dans le 6e arrondissement de la capitale tchèque. Mais puisque l’ambassade n’a ouvert ses portes que jusqu’à 20h00 vendredi, alors que l’élection s’est déroulée sur trois jours en Russie, et après qu’une file d’attente longue de plusieurs centaines de mètres s’est formée sur le trottoir, beaucoup ont été ceux aussi à ne pas pouvoir déposer leur bulletin dans les urnes.
Et si certains participants, notamment dans les rangs des personnes plus âgéss, n’ont pas caché qu’ils avaient voté pour Poutine, comme Pavel qui estimait que le président avait « déjà fait et fera encore beaucoup de bonnes choses pour la Russie », nombreux ont été ceux, aussi, à exprimer, de différentes manières et avec leurs mots, leur défiance et leur rejet de la politique du chef du Kremlin.
Parce que « leur famille et leurs amis sont restés en Russie » et qu’ils voudraient qu’ils aient « une vie meilleure », parce qu’ils ne voulaient pas que « Poutine réalise un score plus important encore » que le plébiscite annoncé, parce qu’ils souhaitaient « faire tout ce qu’ils peuvent pour changer les choses même si cela ne changera rien », plus simplement pour « protester » ou encore pour « réduire la possibilité que l’on vole nos voix », les raisons qui ont poussé ces électeurs russes de Prague et d’ailleurs en Tchéquie à se rendre aux urnes malgré un scrutin dont l’issue était connue d’avance étaient multiples.
Deux jours plus tard, dimanche donc, cette fois en bas de la place Venceslas, quelques-uns d’entre eux ont également répondu à l’appel contestataire qui avait été lancé parmi les composantes de l’opposition russe à se rassembler à midi. « Prague contre Poutine » était le nom de ce rassemblement auquel ont participé quelques dizaines de personnes et qui était organisé par Kulturus, une initiative qui, il y a encore quelques années, organisait un « festival de culture russe contemporaine pertinente » en Tchéquie.
Artiste contestataire et responsable de Kulturus, Anton Litvin avait érigé pour l’occasion un cube de deux mètres de haut composé de quatre grandes bannières sur lesquelles ceux qui le souhaitaient pouvaient inscrire leurs messages, comme par exemple « Tu n’emprisonneras pas et ne tueras pas tout le monde ».
« Notre intention est de montrer aux Tchèques et aux touristes que tous les Russes ne soutiennent pas le régime de Poutine. Nous soutenons l’Ukraine et sommes contre la guerre. Et ce que nous voulons, ce sont des changements démocratiques en Russie. »
Un « cube de contestation » au-dessus duquel flottaient également quatre drapeaux blanc-bleu-blanc, le symbole de l’opposition et des manifestations anti-guerre en Russie mais aussi donc, dimanche, à Prague et ailleurs dans le monde.