Tentative d’assassinat contre Robert Fico : la Tchéquie doit en tirer des leçons
Une semaine s’est écoulée depuis la tentative d’assassinat du Premier ministre slovaque, Robert Fico, toujours hospitalisé à Banská Bystrica en Slovaquie. L’émoi suscité par l’événement continue de se ressentir également en Tchéquie. Responsables et analystes politiques s’interrogent sur les causes de cette tragédie et sur les dangers d’une polarisation et d’une radicalisation extrêmes de la société.
Il est environ quatorze heures trente, le 15 mai, quand un homme dégaine son pistolet et tire à cinq reprises sur le Premier ministre slovaque à la sortie du conseil de ministres qui se tient ce jour-là à Handlová à environ 200 km de Bratislava.
La nouvelle provoque une onde de choc à travers le monde et n’a pas manqué de faire réagir en République tchèque, où l’actualité slovaque continue d’être scrutée avec attention, plusieurs décennies encore après la dissolution de l’État commun.
Les vœux de prompt rétablissement et la ferme condamnation de l’attaque ont afflué de l’ensemble de la classe politique tchèque. Sur son compte X, le président, Petr Pavel, a dénoncé « une attaque absolument répréhensible quelle qu’en soit la motivation » et a ajouté qu’elle devait « nous alerter sur l’ampleur que [pouvait] prendre l’aggravation de l’hostilité et de l’agressivité dans la société. »
Une semaine après l’attaque, la stupéfaction des premières heures est progressivement retombée en Tchéquie, le moment est désormais à la réflexion. Le sujet continue d’être largement médiatisé et responsables et analystes politiques se succèdent sur les ondes et les plateaux de télévision pour tenter de comprendre les causes du climat politique délétère en Slovaquie et plus généralement dans les sociétés occidentales. La tragédie ayant eu lieu en Slovaquie soulève, une fois encore, le problème lié à la diffusion de messages de haine et de mensonges, véhiculés notamment par les responsables politiques, qui contribuent in fine à une polarisation et une radicalisation de la société.
Pour la présidente de la Chambre des députés tchèque, Markéta Pekarová Adamová, la Tchéquie doit, elle aussi, tirer des leçons des événements survenus en Slovaquie :
« Je pense que les responsables politiques doivent se remettre en question. Ils doivent être ceux qui donnent l’exemple. Bien sûr, la politique implique une confrontation des opinions et des arguments, mais elle doit être menée dans le respect des positions de chacun. [...] Nous sommes citoyens d’un même pays et notre intérêt commun est la prospérité de celui-ci. Il nous faut, par conséquent, tirer des leçons de ces événements. »
Prague regarde avec inquiétude la voie empruntée par Bratislava depuis plusieurs années. En Slovaquie, le niveau d’agressivité et de vulgarité en politique a franchi toutes les lignes rouges, selon l’ancienne Première ministre slovaque, Iveta Radičová. Cette violence se manifeste tant verbalement, à l’image du lexique particulièrement fleuri utilisé par l’actuel Premier ministre à l’égard de la présidente sortante Zuzana Čaputová, que physiquement - les dernières élections législatives ayant été émaillées d’échauffourées entre plusieurs candidats.
Dans le cas de l’attentat contre Robert Fico, l’auteur des faits est un retraité de 71 ans. Selon le ministre de l’Intérieur slovaque, l’homme était en profond désaccord avec la politique menée par le gouvernement, notamment concernant la suppression du bureau du procureur spécial, la suspension de l’aide militaire à l’Ukraine ou encore les remaniements prévus à la télévision publique.
Pour le politologue tchèque, Jan Kubáček, la succession des élections législative et présidentielle ont contribué à exacerber les crispations au sein de la société slovaque, déjà fortement à cran :
« La société slovaque est depuis longtemps sous tension permanente, déstabilisée. Et il suffit de peu de chose pour ébranler la société au point de la rendre sourde, aveugle, fragmentée et donc incapable de compromis et de consensus. »
L’attitude de certains politiques slovaques après les événements du 15 mai dernier n’ont pas arrangé l’affaire. En rejetant d’emblée la faute sur les médias et l’opposition, plutôt que d’inviter à l’union nationale, ces mêmes responsables ont contribué à tendre davantage le climat ambiant déjà particulièrement dégradé dans le pays. Kubáček poursuit :
« Le fait est que nous sommes passés de la démocratie à ‘l’émocratie’. Les politiciens ne reconnaissent que l’enthousiasme, les acclamations, les battements de poitrine ou les pleurs, l’hystérie et les chants, ce qui est bien sûr extrêmement dangereux, surtout lorsqu’il prend des contours aussi violents. »
Pour le politologue, les derniers événements en Slovaquie doivent aussi inviter la société et la classe politique tchèques à réfléchir aux risques qu’une polarisation de la société peut entraîner et ajoute que dans le cas de la Slovaquie, les organisations sociales et religieuses devraient user de leur influence pour « contribuer à faire pression sur les politiciens en leur disant que la balkanisation, le scandale et la discorde mutuelle ne fonctionnent pas et que la société n’en veut pas ».