Le « Mordor de Prague » bientôt remplacé par le plus grand projet de l’architecte Eva Jiřičná
L‘architecte tchèque Eva Jiřičná vit au Royaume-Uni depuis plusieurs décennies. Mais le plus grand projet de la grande carrière de cette femme de 85 ans, un ensemble d’un millier d’appartements, est sur le point de voir le jour à Prague.
Eva Jiřičná a présenté cette semaine les plans remaniés du Centrum Nového Žižkova, le Centre du Nouveau Žižkov, pour lequel elle a collaboré avec le groupe britannique Arup. Les plans du complexe ont été dévoilés pour la première fois il y a cinq ans, mais ils ont dû être considérablement modifiés depuis.
Le projet initial comportait trois tours. Il n’est désormais question que d'une seule tour, raccourcie de 20m, pour finalement mesurer 80m et empiler 25 étages, après interdictions et recommandations de diverses institutions et de l’administration du patrimoine de la capitale.
« Quel dommage, quel dommage ! », a regretté l’architecte née à Zlín au micro de Radio Prague International.
« Je ne pense pas qu'il soit frustrant de voir MA vision réduite. Je pense que, dans le concept général, le fait de « monter » signifie que l'on crée de l'espace.
« C'est une question d'espace ouvert, qui sert en fait l'ensemble de l'environnement de Prague 3. »
« Lors du premier concours, nous avons travaillé avec des espaces verts et nous avons essayé de maximiser la quantité d'espaces ouverts pour tous les habitants, et pas seulement pour ceux qui allaient vivre dans nos bâtiments. »
« Lorsque vous traversez la zone, vous avez le cimetière [Olšany], qui est une zone légèrement déprimante, mais qui remplit au moins une fonction très importante, celle d'absorber le CO2 de l'atmosphère. »
« D'autre part, tout le monde continue à copier des blocs d’immeubles du XIXe siècle avec un environnement privé à l'intérieur - et ne crée pratiquement rien qui soit accessible au grand public. »
« Le fait d'avoir trois immeubles de 100 mètres de haut signifiait que nous avions, je ne sais pas, 30 % d'espaces verts en plus à la disposition du grand public. Nous avons dû les réduire, ce qui est très triste. »
« C'est à la fois excitant et effrayant »
C'est donc le plus grand projet de cette grande dame de l’architecture : 1 000 appartements, des centaines de millions de couronnes d'investissement de Central group, qui a promis de bâtir également une école maternelle pour le troisième arrondissement de la capitale.
« C'est à la fois excitant et effrayant. Et on se sent investi d'une énorme responsabilité.
« C'est la raison pour laquelle j'ai commencé à parler à Arup, parce que j'ai travaillé avec Arup sur le premier projet sur lequel j'ai travaillé, à Londres en 1969, jusqu'en 1980, qui était le projet de la marina de Brighton. »
« Arup a été mon partenaire depuis lors, et je sais donc qu'il s'agit d'une organisation qui s'y connaît en matière de bâtiments de grande hauteur, de toutes les autres fonctions, de l'écologie, de la reconstruction. »
« C'est donc avec eux que nous avons développé le projet, et pour nous deux, ce fut une courbe d'apprentissage. Ils ont toujours voulu étendre leurs services à Prague et à l'Europe centrale, et ils voulaient donc voir dans quelles conditions nous travaillions. »
« Et nous voulions profiter de leur expérience et de leurs conseils sur la manière de procéder dans un type d'environnement que nous n'avions jamais connu auparavant. »
Ce carrefour du troisième arrondissement de Prague a été pendant plusieurs années le siège de l’entreprise publique de télécommunication, avant qu’elle ne soit privatisée. Inauguré en 1980, le bâtiment avait été baptisé la Tour de Štrougal, le nom du chef du gouvernement de l’époque, puis Mordor en référence à Tolkien. Située entre le grand cimetière Olšany et l’ancienne gare de frêt de Žižkov, la zone devrait être méconnaissable si ce projet aboutit.
« Vous savez, je suis si vieille [rires] qu'il est très difficile de dire si je verrai le projet en cours de construction.
« Il faut faire de son mieux. Et que vous le voyiez terminé ou non, je pense qu'il est de notre devoir, en tant qu'architectes, de faire de notre mieux tout au long de notre vie et d'espérer le meilleur, vous savez [rires].
« C'est comme la torche olympique. Vous devez la porter aussi longtemps que vous le pouvez, puis la transmettre à quelqu'un d'autre qui poursuivra la course.