Václav Klaus, Miloš Zeman, Petr Pavel : leurs visions de l’Europe
Tous les présidents tchèques ont eu l’occasion de s’exprimer, par le passé, devant le Parlement européen, mais les réactions à leurs discours n’ont pas toujours été unanimes.
Avec Viktor Daněk, directeur adjoint de l’Institut pour la politique européenne EUROPEUM et ancien correspondant de la Radio tchèque à Bruxelles, nous avons déjà parlé, sur notre antenne, de l’empreinte indélébile laissée par l’ancien président Václav Havel dans la politique de l’UE. Dans ce nouvel épisode de notre série sur les traces des Tchèques en Europe, nous nous intéressons à ses successeurs au Château de Prague et à l’impression qu’ils sont laissée à Bruxelles et à Strasbourg. À commencer par Václav Klaus.
Viktor Daněk : « Václav Klaus s’est exprimé devant les députés européens en 2009, et son discours est immédiatement entré dans les annales. En effet, jamais auparavant il n’était arrivé que les députés européens soient si proches de siffler un chef d’État. Car Václav Klaus a profité de l’invitation du Parlement européen pour critiquer la direction prise par l’intégration européenne, et pour dire de l’institution que c’était un lieu où il n’y avait pas de pluralité d’opinion, et où les députés décidaient de choses qui n’étaient pas de leur ressort. Il y a également pris ses distances par rapport au traité de Lisbonne, qui était alors chose récente. »
Václav Klaus : « La solution n’est pas d’ajouter du carburant au melting pot qu’est l’intégration européenne existante, ni de diminuer le rôle des États membres en suivant le mot d’ordre d’une nouvelle société civile européenne multiculturelle et multinationale. »
V. D. : « Pendant son discours, certains députés européens ont même préféré se lever et quitter la salle. Les opinions résolument anti-UE de Václav Klaus n’étaient alors déjà plus un secret ; néanmoins, son discours a eu des répercussions politiques parce que la Tchéquie assurait alors la présidence du Conseil de l’UE, et était donc responsable de son orientation à venir. »
Après ces propos, Václav Klaus n’est jamais plus revenu au Parlement européen. Son successeur, Miloš Zeman, a lui aussi eu l’occasion d’y faire un discours. C’était en 2014, au tout début de son premier mandat.
V. D. : « Lorsqu’il a pris ses fonctions, Miloš Zeman se présentait comme un ‘euro-fédéraliste’, faisant même hisser le drapeau de l’UE au Château de Prague dès son investiture. Ce n’est que plus tard qu’il est passé à des critiques bien plus virulentes de l’Union européenne. Comme les députés européens s’y attendaient, il a fait au Parlement européen un discours pro-européen... mais dans son style bien à lui. En effet, Zeman s’est d’abord intéressé à un cendrier, puis il a improvisé un discours en anglais, sans lésiner sur les plaisanteries ni sur les critiques. »
Miloš Zeman : « Mon rêve européen n’est pas fait de déplacements fous de députés européens de Strasbourg à Bruxelles et vice-versa. Mon rêve européen n’est pas fait de directives insensées telles que celle sur les ampoules à basse consommation. J’en ai une comme ça à mon chalet, et elle donne l’impression qu’on est dans un cimetière ou à la morgue. Je parle donc en connaissance de cause. Mon rêve européen n’est pas fait de la prétendue ‘architecture européenne’ de Bruxelles, qui ressemble parfois à une boîte à chaussures augmentée. Et il n’est pas fait du steak du centre de la Commission européenne, qui a l’aspect et le goût d’un chewing-gum. »
V. D. : « Dans son discours, Miloš Zeman s’est également présenté comme un partisan de l’euro. Il a décrit l’UE comme une chose bonne dans son essence et s’est aussi prononcé en faveur de la poursuite d’une intégration européenne préservant une Europe aux saveurs et couleurs multiples. Néanmoins, son discours a fait l’objet de moqueries, notamment en Tchéquie, en raison du fort accent de Miloš Zeman. »
Qu’en est-il de l’actuel président tchèque Petr Pavel, qui n’a pris la parole qu’une seule fois au Parlement européen, en octobre 2023. Comment s’est-il présenté aux députés européens ?
V.D. : « Dans son discours, Petr Pavel a fait plusieurs fois référence à Václav Havel. Toutefois, contrairement à celui-ci, il s’est gardé de formuler des visions intemporelles, se concentrant plutôt sur la recherche de solutions pratiques aux problèmes majeurs auxquels l’Europe fait actuellement face. C’est de la guerre en Ukraine qu’il a le plus parlé, se prononçant pour apporter le plus grand soutien possible au pays attaqué. Il a également évoqué les élections européennes à venir ainsi que la menace du populisme. »
Petr Pavel : « Nous devrions nous abstenir de toute solution simpliste et promesses creuses. L’abus de la réalité à des fins politiques à court terme va être énorme. Nous avons tous l’immense responsabilité d’expliciter les problèmes tels qu’ils sont. »
V. D. : « Petr Pavel s’est exprimé principalement en anglais, mais également en tchèque et en français, ce qui lui a valu une ‘standing ovation’. Par ailleurs, outre les présidents tchèques, des Premiers ministres ont eu à plusieurs reprises l’occasion de parler devant le Parlement européen, et ce pendant les deux présidences tchèques de l’UE. Lorsqu’il était chef du gouvernement, Andrej Babiš y a également été invité à présenter sa vision de l’Europe. Mais le président du mouvement ANO a choisi de ne pas honorer cette invitation. »
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