Presse : les résultats des élections législatives en Slovaquie, un avertissement pour la Tchéquie
Le retentissement des élections législatives slovaques en Tchéquie, le discours du président Petr Pavel au Parlement européen ou le déclin de la social-démocratie tchèque sont les principaux sujets au menu de cette nouvelle revue de presse. Quelques mots, aussi, sur les troubles mentaux des Tchèques et sur leur goût prononcé, face à la flamblée des prix, pour la chasse aux promotions.
Au lendemain des élections législatives slovaques qui ont abouti à la victoire (avec 23 % des suffrages) du parti Smer-SD (anciennement social-démocrate, désormais national-populiste) de Robert Fico, une grande partie de la presse tchèque a considéré l’issue du scrutin comme un avertissement pour la Tchéquie. Le quotidien libéral Deník N estime même que, « comparée à la situation en Slovaquie, celle en Tchéquie est plus précaire encore » :
« Tandis qu’en Slovaquie, les électeurs qui étaient déçus par les précédents gouvernements composés de partis démocratiques avaient cette fois la possibilité de voter pour un parti libéral pro-occidental, en Tchéquie, il n’en sera rien. En effet, il n’existe pas d’alternative aux cinq partis qui forment la coalition gouvernementale dirigée par Petr Fiala, comparable au parti Slovaquie progressiste de Michal Šimečka. Parmi les partis qui ne siègent pas actuellement au Parlement en Tchéquie, seuls les sociaux-démocrates appartiennent au camp démocratique et pro-occidental. Mais ces derniers n’apparaissent pas comme un bon choix aux yeux des électeurs libéraux-conservateurs. Ainsi, d’ici aux prochaines législatives dans deux ans, leur succès aux élections ne sera pas le seul enjeu pour les partis qui forment l’actuel gouvernement. Il en ira aussi du sort de la démocratie ou, tout du moins, de la forme que celle-ci prendra en Tchéquie. »
Une chroniqueuse du journal en ligne libéral Forum 24.cz propose un autre point de vue. Selon elle, un scénario « à la slovaque » n’est pas à prévoir en Tchéquie :
« Comparer la Tchéquie à la Slovaquie est un peu exagéré. La Slovaquie est différente, même si la nostalgie fait penser à beaucoup de ceux qui ont connu l’État commun tchécoslovaque que ce n’est pas vrai. Les Slovaques prêtent l’oreille à des slogans différents de ceux que l’on peut entendre en Tchéquie. Les résultats des élections en Slovaquie montrent également que la société y est beaucoup plus fragmentée. Et puis il faut rappeler que les Slovaques se sont fortement laissés influencer par les campagnes de désinformation et l’influence russe. »
L’auteure reconnaît que les partis démocratiques tchèques sont faibles, par exemple parce qu’ils n’ont pas suffisamment réagi à la désinformation ou à l’affaire Agrofert liée au leader du mouvement ANO et ancien Premier ministre Andrej Babiš. Elle formule toutefois l’espoir que tous s’efforcent, tant sur le fond que sur la forme, de corriger leurs erreurs.
Le président Petr Pavel ovationné au Parlement européen
« Clair et déterminé » : tels sont les deux ajectifs utilisés par le site Info.cz pour qualifier le discours prononcé par le président tchèque Petr Pavel, mercredi 4 octobre, au Parlement européen :
« Petr Pavel a placé la République tchèque au premier rang des pays qui s’efforcent d’approfondir l’intégration européenne et à renforcer les liens entre l’Europe et les États-Unis en matière de sécurité. Il a mis l’accent dans son discours sur quelques éléments nouveaux, ce qui lui a valu d’être ovationné à plusieurs reprises. Son succès est aussi celui de la République tchèque qui confirme ainsi son ambition, y compris sur ce front symbolique, d’être un allié fiable et constructif au sein de l’UE et de l’OTAN. »
L’occasion aussi pour l’auteur de souligner que, devant les députés européens, Petr Pavel prononçait son troisième discours important en l’espace de quelques jours. D’abord devant l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité de l’ONU, puis au Collège de l’Europe à Bruges mardi dernier et enfin, donc, au Parlement européen :
« Non seulement cela faisait dix ans qu’un président tchèque ne s’était plus exprimé devant le Parlement européen, mais les discours de Miloš Zeman et de Václav Klaus, les deux prédécesseurs de Petr Pavel, avaient été accompagnés de désaccords et de vives protestations de la part de certains députés européens. »
L’éditorialiste du quotidien Deník note pour sa part qu’après Václav Havel, il y a vingt ans, Petr Pavel est le premier président tchèque à manifester son intérêt pour le succès de l’Union européenne :
« Le président tchèque a prononcé un discours qui s’adressait aux Européens et pour lequel il a été applaudi, et pas seulement par simple politesse. Mais le président a encore la mission européenne la plus difficile devant lui. Il s’agit d’expliquer aux Tchèques ce dont il a parlé et de les convaincre du bien-fondé de ses convictions. Dans un pays où, après vingt années de Zeman et de Klaus au Château de Prague, la position à l’égard de l’UE apparaît aussi dévastée que l’était la Ruhr à la fin de la guerre, la tâche est immense. C’est même l’une des plus grandes à laquelle est confronté Petr Pavel. »
Le déclin de la social-démocratie en Tchéquie
Un nouveau nom, un nouveau logo, une nouvelle image. Autant d’iniatiatives présentées au public lors du dernier congrès, en juin dernier, de l’ancien Parti social-démocrate tchèque (ČSSD), rebaptisé plus simplement Social-démocratie par la même occasion. Cette volonté de relifter la façade doit marquer un nouveau début pour ce parti autrement puissant et riche d’une histoire longue de 145 ans mais qui n’est même plus représenté par le moindre député ou sénateur au Parlement. La mission visant à reconquérir les électeurs est cependant difficile, selon le quotidien économique Hospodářské noviny, et comme le confirme un récent sondage de l’agence STEM. Selon celui-ci, les « nouveaux sociaux-démocrates » ne bénéficieraient que de 4 % d’intentions de vote, soit moins encore qu’avant le « congrès du renouveau » :
« Le chef de file de la Social-démocratie, Michal Šmarda, est un politicien invisible, tellement mal connu qu’il ne figure même pas dans les classements sur la crédibilité des hommes politiques. Admettons qu’un parti qui n’est pas représenté au Parlement est dans une position difficile. Mais à l’ère de l’hyper-information, il existe mille façons de faire parler de soi. Les sociaux-démocrates tchèques sont tout à fait incapables de se transformer en un parti moderne et pro-occidental qui puisse être considéré comme une alternative pour les électeurs centristes et des grandes villes. C’est là une mauvaise nouvelle pour tout le monde. Une social-démocratie efficace et rationnelle contribuerait à repousser les populistes et les extrémistes à gauche du centre. En Europe occidentale, comme on le sait, la social-démocratie constitue souvent une alternative électorale intéressante, souvent couronnée de succès. »
Ce n’est toutefois pas le cas en Europe centrale et orientale, comme le constate encore Hospodářské noviny. « En Tchéquie, la social-démocratie n’a su apporter que des réparations superficielles à son véhicule tombé en panne. Mais parfois, certaines choses cassées sont dans un tel était que cela ne vaut tout simplement pas la peine de les réparer », conclut-il.
Une pandémie de maladies psychiques
À l’instar d’autres pays européens, la Tchéquie connaît une pandémie de maladies psychiques. Un Tchèque sur quatre souffre d’un trouble mental. Le site Echo24.cz remarque à ce propos :
« Grâce à une étude menée par l’Institut national de la santé mentale, on dispose de données assez précises sur l’évolution des troubles mentaux. Basée sur des questionnaires se rapportant à plus de 3 000 personnes, l’étude a porté sur trois périodes. La première est l’année 2017, suivie de l’année critique 2020, au cours de laquelle le monde a été frappé par la pandémie de Covid-19 et les confinements, et, enfin, l’année 2022. »
Le site constate que les chiffres pour l’ensemble de la société, des adultes aux enfants, sont assez alarmants. La situation en 2022, où 27 % des Tchèques affirmaient souffrir d’un trouble mental, s’avère en effet bien pire que pour les années précédentes, où ce chiffre tournait autour de 20 %.
Les Tchèques sont devenus des chasseurs de promos
« Si la Tchéquie est championne d’Europe dans un domaine, c’est bien celui de la chasse aux promotions », peut-on lire sur le site Seznam Zprávy, qui explique pourquoi :
« Aucun autre pays que la Tchéquie ne possède une part aussi importante de promotions. Inférieure à 30 % dans les pays occidentaux, elle se situe autour 64 % en Tchéquie. Au cours des neuf dernières années, il s’agit d’une hausse de 9 %. Ainsi, les promotions ont tendance à devenir des prix ‘normaux’. »
Selon l’auteur, les raisons sont liées à la structure du marché de détail tchèque :
« La concurrence en Tchéquie est rude. Neuf grandes chaînes de distribution, dont les chiffres d’affaires s’élèvent à plusieurs dizaines de milliards de couronnes, se disputent les clients, et les promotions sont devenues une arme efficace dans cette lutte. En cette période de forte inflation où les ventes chutent, les magasins tentent de les retenir en proposant des promotions aussi intéressantes que fréquentes. »
Dans le passé, comme l’ajoute encore Seznam Zprávy, l’idée de réglementer, d’une manière ou d’une autre, les promotions a été maintes fois évoquée au niveau politique, mais elle s’est toujours heurtée à un refus, ainsi qu’à la crainte que cette volonté ne constitue une entrave dans le milieu du marché libre.