Médias publics : première étape vers une possible hausse de la redevance audiovisuelle
Le gouvernement tchèque a approuvé mercredi l’amendement à la loi relative à la Télévision et la Radio publiques qui prévoit une hausse de la redevance audiovisuelle mais aussi des changements quant à l’éventail de personnes tenues de s’en acquitter. L’amendement doit désormais être examiné par les députés.
Alors que la Slovaquie voisine voit la RTVS, son organe audiovisuel public, disparaître par la seule volonté politique du nouveau gouvernement du populiste Robert Fico, que la France a fait disparaître la redevance pour la fondre dans la TVA, alimentant les craintes d’une perte d’indépendance en fonction des aléas politiques qui, in fine, peuvent décider d’une réduction budgétaire, la Tchéquie va probablement enfin voir une augmentation de cette contribution d’une partie des citoyens à l’existence du service public audiovisuel.
Selon une étude du Reuters Institute de 2023, la Radio tchèque est le média qui bénéficie de la plus grande confiance du public (59 %) suivi de la Télévision tchèque (57 %). Malgré une réputation qui reste globalement au beau fixe, l’audiovisuel public tchèque reste soumis à des logiques économiques, avec des licenciements survenus ces dernières années à la Radio tchèque et prévus à terme pour la Télévision tchèque.
D’où la campagne menée ces dernières années pour la hausse de la redevance audiovisuelle, farouchement battue en brèche par les partis populistes : une redevance qui n’a pourtant pas augmenté depuis 2005 pour la Radio et 2008 pour la Télévision.
Les directeurs des deux institutions médiatiques l’ont martelé à plusieurs reprises : sans valorisation de la redevance, c’est bel et bien dans le vivier humain qu’il faudra puiser pour faire des économies, avec les conséquences que l’on peut imaginer sur la qualité du contenu produit, comme le précise le directeur de la Radio tchèque, René Zavoral :
« Les gens associent souvent la Radio uniquement avec le journal des informations. Evidemment, c’est notre vitrine et un de nos piliers, mais la Radio produit bien d’autres choses. Il suffit de penser à nos créations littéraires et musicales. Donc si la redevance n’augmente pas, nous devrons vraiment discuter pour savoir si nous continuerons à avoir autant de stations et lesquelles nous voulons conserver. Est-ce qu’on veut continuer à faire des émissions pour les enfants, les ados ? Est-ce qu’on continue à proposer au public les services de notre orchestre symphonique ou de notre chœur d’enfants ? Est-ce qu’on doit réduire le nombre de stations régionales ? Autant de questions qui devraient alors être abordées à l’horizon 2026 s’il n’y a pas de hausse de la redevance et que nous souhaitons avoir un budget équilibré. »
Actuellement, chaque foyer en Tchéquie est tenu de payer chaque mois 135 couronnes (5,50 euros) pour la télévision et 45 couronnes (1,80 euro) pour la radio, sauf s’il ne possède ni récepteur ni poste. Si l’amendement approuvé par le gouvernement obtient également le feu vert du Parlement, ces montants augmenteront de respectivement 15 et 10 couronnes pour la télévision et la radio, à compter du 1er janvier 2025. Le principe de base d’un seul paiement par ménage, quel que soit le nombre d’appareils qu’il possède, restera inchangé.
Une des nouveautés concerne l’éventail de personnes qui pourraient être assujetties à la redevance : désormais les propriétaires de smartphones, ordinateurs et autres tablettes connectés à Internet devront eux aussi participer à cette forme de contribution à l’audiovisuel public. Les ménages sans téléviseur ni radio devront, comme aujourd’hui, signer une déclaration sur l’honneur l’attestant.
Grâce à cet amendement, la Télévision tchèque devrait recevoir 865 millions de couronnes supplémentaires pour son budget 2025 et la Radio tchèque 331 millions de couronnes en plus. Cette année, le budget de la Télévision tchèque s’élève à 7,95 milliards de couronnes et celui de la Radio tchèque à 2,37 milliards de couronnes.
Alors que la redevance audiovisuelle représente la plus grande part des revenus des deux sociétés de service public, pour le ministre de la Culture Martin Baxa (ODS) qui a préparé l’amendement, la proposition de la coalition gouvernementale doit garantir la durabilité du financement et l’indépendance des médias du service public sur le long terme. La nouvelle loi prévoit également la possibilité d’augmenter la redevance tous les ans dès que l’inflation augmente de 6 %.
Au-delà du renflouement nécessaire des caisses, le projet de hausse de la redevance, résultat d’un compromis obtenu de longue haleine, est également l’occasion de remettre en lumière la spécificité du service public :
« Récemment, nous avons commandé une analyse de la concurrence pour comparer leur programmation et la nôtre. Et très clairement, il en ressort que le contenu produit par la Radio public tchèque est plus divers et riche que celui des radios commerciales. Combien existe-t-il d’émissions pédagogiques ou littéraires dans les stations privées ? Combien de podcasts ? De pièces radiophoniques ? Quel est leur niveau de couverture de l’actualité internationale ? A la Radio tchèque, nous avons un gros réseau de correspondants à l’étranger. Les stations privées émettent-elles vraiment depuis les régions de Tchéquie, ou tout est-il centralisé ? La Radio tchèque, elle, a vraiment des studios et des équipes en régions. Ce n’est pas une critique, je respecte la dualité du système public et privé en Tchéquie. La différence entre nous c’est que la Radio tchèque a des devoirs fixés par la loi, comme celui de représenter les minorités. Autant de devoirs que n’ont pas les stations privées. »
Désormais, l’amendement va donc devoir passer par la case parlementaire et sera débattu à la Chambre basse. Des discussions qui promettent d’être vives, une partie de l’opposition étant rétive à cette hausse de la redevance.