« Nous devons prendre conscience de l’importance pour notre pays des Tchèques de l’étranger »
Une cérémonie pour rappeler l’importance tant historique qu’actuelle de la communauté des Tchèques vivant à l’étranger s’est tenue mardi à Prague, dans un jardin du monastère de Strahov, où, il y a vingt-cinq ans de cela, une statue de Notre-Dame dite de l’Exil a été installée. Chargé des affaires de la communauté des expatriés au ministère des Affaires étrangères et organisateur de cette cérémonie, Jiří Krátký explique, pour Radio Prague, la portée symbolique de cette statue :
« Il n’existe dans le calendrier tchèque aucun jour dédié à l’émigration ou aux expatriés tchèques. Malgré nos recherches, nous n’avons pas trouvé de journée particulière, aussi parce que la communauté des Tchèques de l’étranger est très diversifiée, autant que la société tchèque elle-même. Cela signifie qu’il est très difficile de trouver un point d’accroche. »
« Cette statue de Notre-Dame de l’Exil se rapproche néanmoins de ce que l’on recherche. Son histoire relie la tradition de l’émigration tchèque à l’Italie, aux Etats-Unis, où vit le plus grand nombre de Tchèques à l’étranger, et à Prague. C’est aussi un symbole de la liberté, car cette statue a été transportée à Prague après la révolution de velours (en 1993). Et dans la réflexion que nous menons actuellement sur les prochaines célébrations du 30e anniversaire de cette révolution, nous nous sommes dit qu’il manquait la dimension des Tchèques de l’étranger.»Si cette statue est présente à Prague depuis vingt-cinq ans, son histoire remonte toutefois à 1954. Pourquoi a-t-elle donc été commandée à l’époque et pourquoi la Vierge Marie a-t-elle été choisie comme patronne par les Tchèques de l’étranger ?
« C’est une décision qui a été prise par les communautés installées aux Etats-Unis et au Canada. Ce sont elles qui ont récolté l’argent nécessaire à la commande de la statue. Celle-ci a été réalisée à Rome (par le sculpteur italien Alessandro Monteleone). La Vierge est un symbole pour la partie catholique de la société tchèque. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle a été commandée à Rome, d’où elle a ensuite été installée à l’abbaye bénédictine de Saint-Procope à Lisle, dans la banlieue de Chicago (fondée en 1885, l’abbaye abritait à l’origine des descendants ou des immigrés originaires notamment de Bohême et de Slovaquie. Ce foyer de la culture tchèque aux Etats-Unis est voué à saint Procope de Sázava, ndlr). Elle est restée là-bas pendant trente-huit ans. »« Cette statue incarnait l’espoir de pouvoir revenir un jour dans son pays d’origine. Elle permettait de prier pour la liberté du pays. C’est pourquoi, quelques années seulement après la chute du régime communiste en Tchécoslovaquie, la statue a été transférée à Prague. »
L’histoire de l’émigration tchèque est longue, on peut la faire remonter au moins jusqu’à 1620 et au départ forcé des protestants suite à la Bataille de la Montagne-Blanche, qui a mis fin à l’indépendance du Royaume de Bohême pour trois siècles et a imposé sa re-catholicisation. Il y a eu plusieurs vagues d’émigration également au XXe siècle, notamment en Tchécoslovaquie en 1939, 1948 et 1968. Quelle importance les Tchèques de Tchéquie portent-ils à la communauté des Tchèques de l’étranger (qui comprend surtout de nombreux étrangers d’origine tchèque) ?
« Tous ces gens-là ne sont pas obligés de se déclarer auprès des autorités tchèques. Mais selon les données dont nous disposons des ambassades, nous estimons à deux millions le nombre de personnes dans le monde qui possèdent des origines tchèques plus ou moins lointaines. Ce chiffre représente environ 20% de la population totale actuelle de la République tchèque. C’est une diaspora relativement importante compte tenu de la taille de notre pays. »« Notre mission au ministère des Affaires étrangères consiste donc à mettre les moyens en œuvre pour faire vivre ce lien d’attache que nous avons conservé avec la communauté des Tchèques de l’étranger. En même temps, le 30e anniversaire de la révolution de velours nous rappelle combien cette communauté a évolué ces trente dernières années. Aujourd’hui, ce sont essentiellement des Tchèques qui appartiennent à la génération née après 1989 et la chute du régime communiste, qui bougent et partent vivre dans d’autres pays. Mais c’est désormais un choix, ce n’est plus une nécessité comme cela était le cas auparavant. Ils ne quittent la République tchèque le plus souvent que pour une certaine période avant d’y revenir enrichis d’une nouvelle expérience. »
« C’est un potentiel humain sur lequel il faut compter, et c’est pourquoi j’aimerais que la société tchèque prenne davantage conscience de la valeur et de l’importance, notamment d’un point de vue culturel, de cette communauté de Tchèques à l’étranger. Ce sont deux groupes de gens qui appartiennent au même peuple qu’il convient de rapprocher. C’est une opportunité que nous nous devons de saisir. »