Nouveau mur John Lennon : imagine un espace de création et de respect
Jeudi 7 novembre, alors que le soleil se couchait sur la ville de Prague, un nouveau jour se levait sur l’île de Kampa dans le quartier de Malá Strana. En effet, l’Ordre des Chevaliers de Malte inaugurait le nouvel apparat du mur John Lennon, dont la rénovation avait commencé il y a un mois.
Une galerie de 150 m2 à ciel ouvert : voilà comment l’Ordre de Malte, propriétaire de cette portion de mur rebaptisée John Lennon après la mort du chanteur en 1980, se plait à présenter ce nouveau lieu. Plus qu’une simple réparation suite aux dommages causés par les touristes, le mur John Lennon a acquis mardi 5 novembre un nouveau statut, celui de « Lieu de Mémoire » par le premier arrondissement de Prague.
Si ce mur est symbole de révolution, alors que l’anniversaire des 30 ans approche à grands pas, dans leur chanson éponyme de 1968, les Beatles chantaient : « Quand tu parles de destruction, sois bien sûr de ne pas me compter dedans. »Des paroles qui résonnent étrangement et rappellent que ce Lieu de Mémoire, mérite respect et protection, des facteurs essentiels à la préservation des symboles de liberté et d’amour qu’il porte depuis sa création. C’est du moins ce que pense Eva Ticháková chargée de la communication de l’Ordre de Malte qui explique la marche qui va être suivie :
« On coopère avec le premier arrondissement de Prague pour l’installation des caméras de sécurité qui vont aider à protéger ce lieu, au cas où les gens ne respecteraient pas les nouvelles règles, c’est-à-dire, ne pas utiliser de sprays, ou faire des inscriptions seulement sur les zones prévues à cet effet. L’entreprise de voierie Pražské služby va aussi nettoyer le mur en cas de nécessité, si les gens inscrivent des choses qui ne correspondent pas aux idées de la liberté, de l’amour, liées à John Lennon. »
Sur le nouveau mur, un portrait géant du chanteur, une carte du monde, un œil multicolore interpellant le chanteur, et même une citation de ‘Napolennon’ Bonaparte en lettres d’or : « Imagine que je règne sur le monde. ». Plus qu’un symbole national, le mur John Lennon est une inspiration mondiale - en témoigne la présence à Prague d’Hong Kongais venus transmettre un message de soutien à Hong Kong, où des murs John Lennon de post-it ont fleuri, suite aux mouvements d’opposition au gouvernement chinois.Mais ce cosmopolitisme s’observe également dans la diversité des artistes ayant participé à la nouvelle fresque murale. Eva Ticháková nous en parle :
« Les artistes choisis aujourd’hui ont été rassemblés par le designer tchèque Pavel Šťastný. Son but est de rendre au mur les valeurs qu’il a perdues. Il s’agit aujourd’hui de plus de 30 artistes internationaux mais aussi des ambassadeurs de plusieurs pays à Prague, qui participent à cet évènement, et qui ont dessiné sur le mur aujourd’hui. »
"Un mur du patrimoine national"
Etaient notamment présents l’ambassadeur des Emirats Arabes Unis et de la Slovaquie qui ont tenu à présenter leur soutien à cette cause fédératrice. Parmi les artistes présents, Žabka, accompagnée de son compatriote slovaque Jožko, fait partie de ceux qui ont été invités pour peindre sur le thème de la liberté. Elle raconte pourquoi c’était important pour elle d’être là :
« Je suis née en Tchécoslovaquie, donc l’histoire de la République tchèque est aussi très importante pour moi. Ce mur était un véritable symbole car beaucoup de personnes y ont laissé des messages politiques, des opinions sur ce qui se passait ici. A partir d’aujourd’hui, le mur va appartenir au patrimoine national donc nous sommes tous là pour peindre quelque chose comme un message que nous voulons laisser aux autres. »Après quelques touches finales à la bombe, elle nous explique la signification de son œuvre :
« Mon œuvre est en quelque sorte un oiseau noir qui hurle. Et il y aura une inscription qui dit ‘Parle, haut et fort’ pour inciter les gens à toujours exprimer ce qu’ils pensent et pour que personne ne puisse leur interdire de donner leur opinion. »
« Libre comme un oiseau », comme le chantait John Lennon. Un message de liberté à travers l’art toujours nécessaire aujourd’hui, comme le confirme la maman de Julien, stagiaire à Prague, et qui découvrait le mur pour la première fois :
« Il y a pleins de façons de faire véhiculer des messages. Nelson Mandela faisait aussi passer des messages grâce au sport, il y a l’art, … Ce ne sont pas toujours les lobbys traditionnels qui sont les plus parlants donc oui c’est bien. Et puis c’est coloré, c’est agréable, on a envie de s’y intéresser plus que certains messages traditionnels. »Un message qui a tout de même un coût, en grande partie supporté par l’Ordre de Malte. Eva Ticháková nous confie que l’organisation a dépensé près de 250 000 couronnes tchèques (environ 10 000 euros) pour la rénovation du mur. Une somme nécessaire compte tenu de l’état dans lequel il se trouvait et qui, elle l’espère, permettra à cette rénovation d’être la dernière.
Un contrôle plus strict donc et des sanctions plus lourdes pour quiconque enfreindra les règles. Pourtant, les rénovateurs ont tenu à conserver des espaces libres définis pour que chacun puisse encore s’exprimer. Pour Eva Ticháková, restaurer le symbole de liberté qu’incarnait le mur et empêcher le public de le décorer n’étaient pas compatibles :
« Nous célébrons 30 ans de liberté donc nous ne voulons pas dire que la liberté d’expression n’existe plus. »